Nouvelle Constitution : Regards croisés de deux constitutionnalistes

Le processus ayant conduit au référendum a-t-il respecté les dispositions constitutionnelles ? Combien de temps faut-il pour la publication des résultats provisoires et définitifs du référendum ? Comment se passe la promulgation par le chef de l’État ? Quelles sont les implications institutionnelles de la 4è République ? Voilà autant de questions auxquelles répondent Pr Makan Moussa Sissoko et Dr Fousseyni Doumbia, deux constitutionnalistes

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Publié mardi 25 juillet 2023 à 07:30 , mis à jour dimanche 24 septembre 2023 à 17:35
Nouvelle Constitution : Regards croisés de deux constitutionnalistes

Pr Makan Moussa Sissoko et Dr Fousseyni Doumbia


 

L’ancien ministre et président d’honneur de l’Association malienne de droit constitutionnel, Pr Makan Moussa Sissoko dit être parmi ceux qui ont toujours contesté la légalité de la procédure ayant abouti à l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Pour lui, la démarche viole les dispositions pertinentes et claires de la Constitution de 1992.

Mieux, il dira que la Constitution ne prévoit sa révision que si seulement certaines conditions sont réunies. Pour le constitutionnaliste, après le référendum, aucun délai n’est imparti pour la publication des résultats définitifs. Et après la proclamation des résultats définitifs, seul le chef de l’État est habilité à promulguer la loi dans un délai maximum de 15 jours.

«La promulgation est l’acte par lequel, le chef de l’État constate qu’une loi devient exécutoire», précise Pr Makan Moussa Sissoko, pour qui, en général, une loi entre en vigueur à la date qu’elle fixe ou en l’absence de précision, le lendemain de sa publication au Journal officiel.

Pour sa part, Dr Fousseyni Doumbia dira que la Constitution ne prévoit pas les mécanismes d’élaboration d’une nouvelle Loi fondamentale c’est-à-dire qu’elle ne dit pas comment elle doit disparaître pour donner naissance à une autre. Selon lui,  dans la Constitution de 1992, il y a une  procédure de révision qui est prévue notamment à son article 118 mais il n’existe aucune procédure concernant l’élaboration d’une nouvelle Constitution.


«La Constitution ne réunit pas les germes de sa propre destruction. Elle dit comment elle doit être révisée mais pas comment elle va disparaître pour donner naissance à une nouvelle Constitution», détaille Dr Doumbia.

 

CONSENSUS- D’après lui, pour changer de Constitution, c’est-à-dire basculer dans une nouvelle République, il n’y a que trois hypothèses qui ne sont pas prévues par la Constitution. La première hypothèse est le coup d’État. Car quand il y a coup d’État, une période transitoire s’ouvre au terme de laquelle, on met en place une nouvelle Constitution pour basculer dans une nouvelle République.

La deuxième hypothèse que le constitutionnaliste évoque est une révolution qui remet en cause les dispositions de la Constitution existante. «Quand la Constitution est malmenée dans ce sens, on la met de côté pour mettre en place une nouvelle Constitution», indique Dr Fousseyni Doumbia.

Selon notre interlocuteur, la troisième hypothèse qui se trouve être la plus importante et la plus démocratique est le consensus. Le consensus peut décider, en l’absence d’un coup d’État ou même d’une révolution, de mettre en place une nouvelle Loi fondamentale.


À titre d’exemple, il cite le cas du Bénin en 1990 où le changement de Constitution n’a pas été la conséquence d’un coup d’État ou d’une révolution mais plutôt le fruit d’un consensus.

Dans le cas précis du Mali, le chercheur rappelle que la question de l’élaboration de la nouvelle Constitution a été évoquée par l’ensemble des rencontres nationales que le pays a organisées après les évènements du 18 août 2020.


Il a cité les concertations nationales des 10,11 et 12 septembre 2020 et les Assises nationales de la refondation qui ont décidé de l’élaboration d’une nouvelle Constitution.

Même s’il reconnait que tout le monde n’était pas à ces assises, il dira qu’il y a quand même une dose de consensus qui a accompagné la décision d’aller vers l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Mieux, il soutient que le président de la Transition n’a pas pris l’initiative de lui-même. Il n’a fait que matérialiser les recommandations des Assises.

Parlant du délai pour la publication des résultats provisoires et définitifs, Dr Fousseyni Doumbia dira que la nouvelle loi électorale a prévu à son article 151 et repris aussi par la loi organique concernant la composition et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle que l’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) proclame les résultats provisoires sans délai après la fin des opérations référendaires.


À ce niveau, le constitutionnaliste précise que l’Aige proclame les résultats sans délai et les transmet à la Cour constitutionnelle, qui au regard de la loi organique de 1997 modifiée en 2002 concernant sa composition et son fonctionnement dit que cette institution dispose de deux mois pour proclamer de manière définitive, les résultats du référendum. 

 

4è RÉPUBLIQUE- Dès que les résultats définitifs ont été proclamés par la Cour constitutionnelle, le président de la Transition a pris un décret pour promulguer la nouvelle Constitution. «À partir de cette promulgation suivie de la publication dans le Journal officiel, la 4è République commence automatiquement et la Constitution de la 3è République rentre dans les archives.

Elle appartient à l’histoire désormais», explique-t-il. Avant de préciser que le Mali va être encadré désormais par cette nouvelle Constitution. Celle du 22 juillet 2023.

Parlant des implications institutionnelles de ce changement de Constitution, le constitutionnaliste souligne que la nouvelle Loi fondamentale a prévu la disparition immédiate de la Haute cour de justice. Pour Dr Fousseyni Doumbia, elle est automatiquement dissoute et les autres institutions qui sont maintenues vont continuer à fonctionner jusqu’à la désignation par voix de nomination ou d’élection des membres qui vont les conduire.

Selon lui, le Haut conseil des collectivités qui va être institué en Senat va continuer à fonctionner jusqu’à l’installation définitive de cette institution. La Cour des comptes qui a été créée va également connaitre ses membres et ensuite les autres institutions. Pour ce qui concerne la Cour constitutionnelle, il dira qu’il y a beaucoup de gens qui attendent à tort ou à raison le remplacement des actuels membres de cette institution.

Sur cette question, Dr Doumbia précise que la nouvelle Constitution cite les institutions démocratiques qui vont composer la Cour constitutionnelle dans l’hypothèse du renouvellement de ses membres. Selon lui, il n’y aura pas de remembrement de la Cour tant que les institutions  habilitées à envoyer des gens à savoir l’Assemblée nationale, le Senat, le président de la République ne sont pas en place.


D’après lui, la mise en place de ces institutions demande de nouvelles élections. Ainsi, il faudra certainement attendre la fin de la Transition pour recomposer la Cour constitutionnelle.

Pour ce qui est des autres institutions, il dira que le processus va suivre son cours. Le président de la République sera désigné par voie d’élection. Ce qui suppose que le président de la Transition va être aussi remplacé par un président démocratiquement élu par le peuple malien. Le constitutionnaliste fait une précision de taille.


Selon Dr Fousseyni Doumbia, avec la naissance de la 4è République, toutes les institutions qui en résultent, qu’elles soient par voie de nomination ou d’élection, vont être recomposées dans une certaine mesure parce que la nouvelle Constitution marque le début d’un nouvel ordre national juridique.

D’après lui, s’il y a des mandats constitutionnels eu égard à la Constitution de 1992, ceux-ci ne seraient plus d’actualité. Car les mandats des institutions qui sont en place sous l’empire de la Constitution de 1992 vont être recomposés le moment venu.

Dieudonné DIAMA

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