Pr Makan Moussa Sissoko et Dr Fousseyni Doumbia
L’ancien ministre et président d’honneur de
l’Association malienne de droit constitutionnel, Pr Makan Moussa Sissoko dit être
parmi ceux qui ont toujours contesté la légalité de la procédure ayant abouti à
l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Pour lui, la démarche viole les
dispositions pertinentes et claires de la Constitution de 1992.
Mieux, il dira
que la Constitution ne prévoit sa révision que si seulement certaines
conditions sont réunies. Pour le constitutionnaliste, après le référendum,
aucun délai n’est imparti pour la publication des résultats définitifs. Et après
la proclamation des résultats définitifs, seul le chef de l’État est habilité à
promulguer la loi dans un délai maximum de 15 jours.
«La promulgation est l’acte par lequel, le
chef de l’État constate qu’une loi devient exécutoire», précise Pr Makan Moussa
Sissoko, pour qui, en général, une loi entre en vigueur à la date qu’elle fixe
ou en l’absence de précision, le lendemain de sa publication au Journal
officiel.
Pour sa part, Dr Fousseyni Doumbia dira que la
Constitution ne prévoit pas les mécanismes d’élaboration d’une nouvelle Loi
fondamentale c’est-à-dire qu’elle ne dit pas comment elle doit disparaître pour
donner naissance à une autre. Selon lui,
dans la Constitution de 1992, il y a une
procédure de révision qui est prévue notamment à son article 118 mais il
n’existe aucune procédure concernant l’élaboration d’une nouvelle Constitution.
«La Constitution ne réunit pas les germes de sa propre destruction. Elle dit comment elle doit être révisée mais pas comment elle va disparaître pour donner naissance à une nouvelle Constitution», détaille Dr Doumbia.
CONSENSUS- D’après lui, pour changer de
Constitution, c’est-à-dire basculer dans une nouvelle République, il n’y a que
trois hypothèses qui ne sont pas prévues par la Constitution. La première
hypothèse est le coup d’État. Car quand il y a coup d’État, une période
transitoire s’ouvre au terme de laquelle, on met en place une nouvelle
Constitution pour basculer dans une nouvelle République.
La deuxième hypothèse
que le constitutionnaliste évoque est une révolution qui remet en cause les
dispositions de la Constitution existante. «Quand la Constitution est malmenée
dans ce sens, on la met de côté pour mettre en place une nouvelle Constitution»,
indique Dr Fousseyni Doumbia.
Selon notre interlocuteur, la troisième hypothèse
qui se trouve être la plus importante et la plus démocratique est le consensus.
Le consensus peut décider, en l’absence d’un coup d’État ou même d’une révolution,
de mettre en place une nouvelle Loi fondamentale.
À titre d’exemple, il cite le
cas du Bénin en 1990 où le changement de Constitution n’a pas été la conséquence
d’un coup d’État ou d’une révolution mais plutôt le fruit d’un consensus.
Dans le cas précis du Mali, le chercheur
rappelle que la question de l’élaboration de la nouvelle Constitution a été évoquée
par l’ensemble des rencontres nationales que le pays a organisées après les évènements
du 18 août 2020.
Il a cité les concertations nationales des 10,11 et 12
septembre 2020 et les Assises nationales de la refondation qui ont décidé de l’élaboration
d’une nouvelle Constitution.
Même s’il reconnait que tout le monde n’était pas à
ces assises, il dira qu’il y a quand même une dose de consensus qui a accompagné
la décision d’aller vers l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Mieux, il
soutient que le président de la Transition n’a pas pris l’initiative de lui-même.
Il n’a fait que matérialiser les recommandations des Assises.
Parlant du délai pour la publication des résultats
provisoires et définitifs, Dr Fousseyni Doumbia dira que la nouvelle loi électorale
a prévu à son article 151 et repris aussi par la loi organique concernant la
composition et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle que l’Autorité
indépendante de gestion des élections (Aige) proclame les résultats provisoires
sans délai après la fin des opérations référendaires.
À ce niveau, le constitutionnaliste précise que l’Aige proclame les résultats sans délai et les transmet à la Cour constitutionnelle, qui au regard de la loi organique de 1997 modifiée en 2002 concernant sa composition et son fonctionnement dit que cette institution dispose de deux mois pour proclamer de manière définitive, les résultats du référendum.
4è RÉPUBLIQUE- Dès que les résultats définitifs
ont été proclamés par la Cour constitutionnelle, le président de la Transition
a pris un décret pour promulguer la nouvelle Constitution. «À partir de cette
promulgation suivie de la publication dans le Journal officiel, la 4è République
commence automatiquement et la Constitution de la 3è République rentre dans les
archives.
Elle appartient à l’histoire désormais», explique-t-il. Avant de préciser
que le Mali va être encadré désormais par cette nouvelle Constitution. Celle du
22 juillet 2023.
Parlant des implications institutionnelles de
ce changement de Constitution, le constitutionnaliste souligne que la nouvelle
Loi fondamentale a prévu la disparition immédiate de la Haute cour de justice.
Pour Dr Fousseyni Doumbia, elle est automatiquement dissoute et les autres
institutions qui sont maintenues vont continuer à fonctionner jusqu’à la désignation
par voix de nomination ou d’élection des membres qui vont les conduire.
Selon
lui, le Haut conseil des collectivités qui va être institué en Senat va
continuer à fonctionner jusqu’à l’installation définitive de cette institution.
La Cour des comptes qui a été créée va également connaitre ses membres et
ensuite les autres institutions. Pour ce qui concerne la Cour
constitutionnelle, il dira qu’il y a beaucoup de gens qui attendent à tort ou à
raison le remplacement des actuels membres de cette institution.
Sur cette question, Dr Doumbia précise que la
nouvelle Constitution cite les institutions démocratiques qui vont composer la
Cour constitutionnelle dans l’hypothèse du renouvellement de ses membres. Selon
lui, il n’y aura pas de remembrement de la Cour tant que les institutions habilitées à envoyer des gens à savoir
l’Assemblée nationale, le Senat, le président de la République ne sont pas en
place.
D’après lui, la mise en place de ces institutions demande de nouvelles élections.
Ainsi, il faudra certainement attendre la fin de la Transition pour recomposer
la Cour constitutionnelle.
Pour ce qui est des autres institutions, il
dira que le processus va suivre son cours. Le président de la République sera désigné
par voie d’élection. Ce qui suppose que le président de la Transition va être
aussi remplacé par un président démocratiquement élu par le peuple malien. Le
constitutionnaliste fait une précision de taille.
Selon Dr Fousseyni Doumbia,
avec la naissance de la 4è République, toutes les institutions qui en résultent,
qu’elles soient par voie de nomination ou d’élection, vont être recomposées
dans une certaine mesure parce que la nouvelle Constitution marque le début
d’un nouvel ordre national juridique.
D’après lui, s’il y a des mandats
constitutionnels eu égard à la Constitution de 1992, ceux-ci ne seraient plus
d’actualité. Car les mandats des institutions qui sont en place sous l’empire
de la Constitution de 1992 vont être recomposés le moment venu.
Dieudonné DIAMA
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