Salif Keïta saluant le premier président du Mali, Modibo Keïta
La triste nouvelle est tombée, samedi peu après 10h : Salif
Keïta dit Domingo, le meilleur footballeur malien et africain de tous les temps
et l’un des plus grands joueurs de l’histoire du football mondial, s’est éteint
à l’âge de 77 ans.
La «Panthère noire» (autre surnom de Salif Keïta, ndlr)
était malade et avait disparu des écrans radars depuis plusieurs mois, mais
jusqu’à ce samedi 2 septembre, la planète foot du Mali pensait que Domingo
allait vaincre la maladie et retrouver le monde qui a fait sa réputation, un
monde où son parcours et sa personnalité continueront à inspirer des millions
de jeunes footballeurs à travers le monde.
La carrière ou plutôt l’histoire de Salif Keïta commence en 1963, quand le natif de Ouolofobougou-Bolibana signe sa première licence avec l’AS Réal de Bamako, à l’âge de 17 ans. Mais auparavant, il avait porté les couleurs des Pionniers de Ouolofobougou, l’équipe de son quartier.
Quelques
matches suffisent au jeune joueur pour convaincre l’entraîneur français des
Scorpions, Laurel et accéder à l’équipe première. Dans la foulée, Domingo dispute
et gagne son premier match officiel avec le Réal contre le Djoliba. La même
année, Salif Keïta est appelé en équipe nationale, où il fait son grand baptême
du feu lors d’un match amical qui s’est déroulé au stade Mamadou Konaté.
Ensuite, il est sélectionné, avec quelques jeunes de sa
génération pour les Jeux des nouvelles forces montantes d’Indonésie. L’histoire
était en marche pour le jeune surdoué. En 1964, Salif Keïta se révèle à la
planète-foot du continent africain à l’occasion d’un match qui oppose le Mali
et la Côte d’Ivoire à Abidjan.
Domingo débute la rencontre sur le banc, mais
après l’ouverture du score par les Ivoiriens, le staff technique de la
sélection nationale décide d’intégrer le jeune attaquant à la 30è minute. Salif
Keïta s’illustre en marquant le but de l’égalisation, permettant ainsi au Mali
d’obtenir le partage des points.
L’année suivante (1965), Domingo dispute la première finale
de la Coupe d’Afrique des clubs champions (actuelle Ligue des champions
d’Afrique) sous les couleurs du Stade malien, mais ne peut empêcher la défaite
des Blancs contre l’Oryx de Douala (Cameroun). à l’époque, le règlement de la
compétition autorisait les équipes à renforcer leur effectif avec deux joueurs
issus d’un autre club et le choix de Salif Keïta était une évidence pour les
Blancs de Bamako.
Après cette finale perdue par les Stadistes, la planète-foot de l’Afrique découvre véritablement le génie créateur et l’instinct de buteur inné du jeune international malien, lors de la campagne 1966 de la même Coupe d’Afrique des clubs champions. En effet, en 8 matches avec le Réal, Domingo marque 14 buts et conduit les siens en finale.
Face au Stade d’Abidjan, tous les regards se tournent vers le natif de Ouolofobougou, mais comme le Stade malien un an auparavant, le Réal chute à son tour sur la dernière marche et Salif Keïta se contentera du titre de meilleur réalisateur de la compétition. S’ajoute à cette liste, la finale des premiers Jeux africains de Brazzaville que la Panthère noire a perdue avec l’équipe nationale face au Congo (1965).
PREMIER BALLON D’OR AFRICAIN- Après trois finales perdues, le prolifique buteur voit enfin son mérite récompensé en 1970 avec le premier Ballon d’or africain du magazine France-Football. Trois ans auparavant, Salif Keïta avait quitté le Mali et le Réal pour poser ses valises à Saint-étienne.
C’est avec les Verts (surnom de Saint-étienne, ndlr) que l’international malien
va écrire les plus belles pages de sa carrière : trois titres de champion de
France (1968, 1969, 1970), deux Coupes de France, 140 buts en 185 matches,
meilleur joueur étranger du championnat (1968), Oscar du meilleur joueur du
championnat (1970), Soulier d’argent européen (1972, 42 buts), record de buts
en une seule rencontre de championnat (6 réalisations).
Parmi les autres hauts
faits d’armes de Salif Keïta, on peut citer la prestation héroïque du Malien
contre le Bayern Munich de Franck Beckenbauer et de Gerd Müller en Coupe
d’Europe des clubs champions (actuelle Ligue des champions d’Europe).
Battue 2-0 à l’aller en Allemagne, Saint-étienne, bien emmenée par l’attaquant malien, crée la sensation en s’imposant 3-0 au Stade Geoffroy-Guichard. Hervé Revelli (2è et 59è min) a permis aux Stéphanois d’égaliser à deux buts partout sur l’ensemble des deux rencontres, avant que la Panthère noire ne donne la qualification aux siens en marquant le troisième but d’une tête rageuse (81è min).
C’était le 1er octobre 1969 et quand Domingo fut
sacré Ballon d’or africain quelques mois plus tard (1970), un journaliste
français, membre du jury du Ballon d’or de France-Football dira : «Nous sommes
réellement embêtés, car combien de fois nous avons voulu lui (Salif Keïta,
ndlr) remettre le titre de meilleur joueur du championnat Français.
Malheureusement, il n’était pas français, il était Malien. Malheureusement il
ne joue pas pour l’équipe de France».
Le 31 mars 1971, ce fut au tour de l’entraîneur de
Saint-étienne d’abonder après un match ayant opposé une association de joueurs
marseillais et stéphanois à Santos : «Si Salif était dans un grand pays de
football, il aurait été égal à Pelé».
Un
an après cette confrontation avec l’équipe du Roi Pelé à Colombes en France,
l’ancien sociétaire du Réal participe à la 8è édition de la Coupe d’Afrique des
nations (CAN) au Cameroun avec la sélection nationale. Sous la houlette de
l’entraîneur allemand Karl-Heinz Weigang, le Mali se hisse en finale, après
avoir éliminé en demi-finale, le Zaïre (actuelle RD Congo).
Une fois encore, tous les regards se tournent vers le premier Ballon d’or africain, mais l’attaquant malien se blesse après seulement 25 minutes de jeu et quitte ses camarades la mort dans l’âme. Ce mauvais coup du sort se transforme en cauchemar pour les Mamadou Keïta «Capi», Cheick Diallo, Kidian Diallo, Cheickna Traoré «Kolo», Cheick Fantamady Keïta qui s’inclinent 3-2 devant les Diables rouges du Congo.
La même année, la Panthère noire quitte Saint-Etienne pour s’engager avec Marseille où il ne passe qu’une petite saison, avant de rejoindre Valence en Espagne (1973-1976). Ensuite, l’attaquant international portera les couleurs du Sporting Portugal (1976-1979), avant de quitter l’Europe, direction les états-Unis, précisément, New England Team. C’est dans ce club qu’il décidera de raccrocher définitivement les crampons (1980) qu’il a chaussé à 477 reprises pour un total de 263 buts, toutes compétitions confondues.
UN CENTRE FONDATEUR- Après sa retraite et l’organisation de
son jubilé à Bamako, Dakar et Abidjan, Salif Keïta décidera de créer son propre
centre qui sera baptisé Centre Salif Keïta (CSK). Ce centre, porté sur les
baptismaux en 1993, sera l’un des premiers du Mali et va révolutionner le
football national par sa politique de formation et la qualité de son football.
Très rapidement, le CSK accède à l’élite et le football pratiqué par les Boys
(surnom des pensionnaires du CSK, ndlr) fait rêver des milliers de jeunes
Maliens.
Comme la sélection espagnole qui s’est inspirée avec succès du tiki taka du Barça dans les années 2010 (victoires à la Coupe du monde et à l’Euro), les sélections nationales seront les grandes bénéficiaires de la création du CSK.
Ainsi, la première génération issue du centre, composée, entre
autres, des Seydoublen Keïta, Mahamadou Diarra «Djila», Dramane Coulibaly
«Scifo», Mahamadou Dissa «Petit Dissa», va faire vibrer la planète foot du
monde en remportant la médaille de bronze au Mondial junior en 1999 au Nigeria,
avec en prime, le titre de meilleur joueur décerné au milieu de terrain
Seydoublen Keïta.
De son côté, Petit Dissa a obtenu le trophée de Soulier
d’argent. La création du CSK, la réussite et la côte de popularité des joueurs
formés au centre vont pousser d’autres personnes, notamment les anciens
internationaux à créer, un peu partout dans le pays d’autres écoles de football
au grand bonheur des enfants et des clubs locaux.
L’État ne restera pas en marge du vaste mouvement de
changement lancé par Salif Keïta. Sur instruction de l’ancien président feu
Amadou Toumani Touré «ATT», le ministère en charge des Sports, crée à son tour,
plusieurs écoles de football, d’athlétisme, de basket-ball, pour les confier
aux anciens internationaux.
Avant la création du CSK, Domingo avait été ministre délégué chargé de la Promotion des Entreprises sous la Transition qui a été dirigée par le même ATT après le renversement du régime du général Moussa Traoré (1991).
En
2005, le premier Ballon d’or africain sera propulsé à la tête de la Fédération
malienne de football (Femafoot), un poste qu’il occupera jusqu’en 2009, avant
de le quitter pour se consacrer au CSK et à son hôtel qu’il a construit à son
retour des états-Unis, c’est-à-dire, après avoir mis fin à sa carrière.
Les funérailles de la Panthère noire sont prévues ce
mercredi 6 septembre et d’ores et déjà, plusieurs dirigeants sportifs, dont des
représentants de la Fédération internationale de football association (FIFA),
de la Confédération africaine de football (CAF) et d’autres instances sportives
sont annoncés à Bamako pour rendre un dernier hommage à l’illustre disparu.
Dors en paix, Domingo !
Soulemane Bobo TOUNKARA
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