#Mali : Essor de l’entrepreneuriat féminin : La ministre Bagayoko Aminata Traoré expose sa stratégie

Dans cette interview réalisée dans le cadre des festivités du 8 mars, la ministre de l’Entreprenariat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle aborde les défis et les solutions pour le développement de l’entreprenariat féminin au Mali. Elle souligne les actions du gouvernement dans le soutien et l’encouragement des femmes entrepreneures

Publié lundi 11 mars 2024 à 08:38
#Mali : Essor de l’entrepreneuriat féminin : La ministre Bagayoko Aminata Traoré expose sa stratégie

L’Essor : Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les femmes entrepreneures au Mali ? 

Mme Bagayoko Aminata Traoré : Les femmes entrepreneures au Mali sont confrontées à plusieurs défis, notamment l’accès limité au financement, l’accès limité à la terre, les barrières culturelles et sociales, le manque d’accès aux réseaux professionnels et aux formations spécifiques. Le manque de valorisation du Made in Mali, la non protection du marché intérieur. Aussi, les contraintes liées à l’équilibre entre travail et famille affectent également leur épanouissement.

L’Essor : Comment le gouvernement s’attaque-t-il aux obstacles culturels et sociétaux qui brident l’entrepreneuriat féminin ?

Mme Bagayoko Aminata Traoré : Entreprendre au Mali n’est pas chose aisée, surtout pour une femme. Il y a d’abord les pesanteurs sociales, culturelles, religieuses dont il faut tenir compte. Le rôle des femmes dans notre société surtout hors de Bamako est de s’occuper de leur mari et de leurs enfants, c’est-à-dire la prise en charge de la famille et du foyer. Aussi, doivent-elles souvent avoir l’approbation de leur mari et de leur famille, de même que du chef de village dans certaines régions. Il nous faut encourager l’entrepreneuriat féminin en impliquant davantage les hommes pour être les porte-paroles des femmes entrepreneures, instaurer le dialogue dans les communautés en s’appuyant sur des femmes modèles, ayant su concilier la vie de femme entrepreneure et le rôle que la société lui confie (épouse, mère). Il faut communiquer encore plus sur l’apport de la femme entrepreneure, sur l’épanouissement de la famille et le développement de la communauté.

L’Essor : Quelles mesures concrètes l’État a-t-il mises en place pour soutenir et encourager l’entrepreneuriat féminin ?

Mme Bagayoko Aminata Traoré : Mon département est à pied-œuvre pour l’élaboration de la Stratégie nationale de l’entrepreneuriat avec la prise en compte des spécificités propres aux femmes. Nous avons déjà lancé la Campagne nationale de sensibilisation et d’information des jeunes en milieux scolaire et universitaire, dont l’objectif est de développer la culture entrepreneuriale chez les jeunes et les femmes.

Il nous faut également évaluer l’ensemble des politiques publiques et programmes d’accompagnements relatifs à l’entrepreneuriat spécifiquement féminin. Aussi, mettre en place une plateforme d’échanges entre les différents intervenants, faire un plaidoyer pour faciliter l’accès des femmes à des crédits, assurer la pérennité des nouvelles entreprises dirigées par les femmes. Un suivi post activité serait nécessaire.

Concrètement, le gouvernement à travers mon département et les services comme l’Agence nationale de promotion de l’emploi (ANPE), l’Agence pour la promotion de l’emploi des jeunes (Apej) et le Fonds d’appui à la formation professionnelle et à l’apprentissage (Fafpa), un certain nombre d’actions ont été réalisées en faveur des femmes, des veuves et des personnes vivant avec un handicap. Il s’agit, entre autres, des sessions de formation en «Germe» (Gérer mieux votre entreprise) et du Programme de Bourse à l’intention de jeunes femmes du Centre d’orientation professionnelle de coupe et de couture (COPCC), en coupe, couture, stylisme et modélisme et responsables et gestionnaires des Petites et moyennes entreprises et petites et moyennes industries (PME-PMI). Il faut aussi retenir le lancement du Programme d’accompagnement de l’ANPE à l’entrepreneuriat féminin à Kati et Bamako pour la création de 500 emplois, l’établissement de 50 unités d’entreprises et la distribution de 10 kits d’équipements et le lancement du programme d’installation et l’insertion de 320 femmes et artisans de Bamako, Koulikoro, en couture et en saponification.

L’objectif est de favoriser l’insertion socio-professionnelle par l’auto-emploi grâce aux kits d’équipements. S’y ajoute la remise de 150 machines à coudre à la direction du Service social des Armées pour l’autonomisation des femmes et des veuves des camps des Régions de Gao, Tombouctou, Mopti et Sikasso.

Le département à travers l’appui au Programme handicap emploi de l’ANPE a mobilisé en faveur des couches vulnérables 90 millions de Fcfa et 50 machines à coudre pour 69 projets des personnes en situation de handicap en marge de la 28è édition du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion. Plusieurs femmes ont bénéficié de la formation en transformation agroalimentaire à Siby avec remise d’équipements. Il faudra aussi retenir la remise d’une ligne de crédit de 50 millions de Fcfa de financement aux femmes et veuves des camps et au génie militaire de Bamako, par l’Apej en partenariat avec une micro-finance Layidu Wari.

L’Essor : Comment le gouvernement s’assure-t-il que les femmes entrepreneures ont accès aux mêmes opportunités que les hommes ?

Mme Bagayoko Aminata Traoré : Le gouvernement veille à l’application de certaines dispositions notamment la loi n° 2015-052 du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives et la Politique nationale Genre du Mali (PNG Mali) et son plan d’action. Par ailleurs, il n’y a pas de différence entre les hommes et les femmes en matière d’opportunités car ils bénéficient du même traitement de la part des pouvoirs publics quant à la passation des marchés publics.

L’Essor : Quel est l’impact de l’entrepreneuriat féminin sur l’économie malienne ?

Mme Bagayoko Aminata Traoré : L’entrepreneuriat féminin a un impact significatif sur l’économie malienne. En plus de contribuer à la croissance économique en créant des emplois et en stimulant l’innovation, il favorise également l’autonomisation des femmes et la réduction des inégalités de genre. L’augmentation du nombre d’entreprises dirigées par des femmes peut également diversifier l’économie en introduisant de nouveaux produits et services sur le marché. En somme, l’entreprenariat féminin joue un rôle crucial dans le développement économique et social du Mali.

Selon une étude réalisée par le réseau des Femmes opératrices économiques du Mali en mai 2022, ces dernières ont créé 6.700 emplois au minimum. Selon la représentation de l’Onu-Femmes au Mali, 73% des femmes sont dans le secteur informel de l’économie malienne et réalisent 200 millions de Fcfa de chiffres d’affaires. L’autonomisation des femmes passe par les activités génératrices de revenus. C’est le secteur agro-alimentaire qui attire le plus, les femmes entrepreneures. Un accompagnement ciblé sur les difficultés que connaissent les opérateurs économiques de ce secteur aura un impact sur les femmes. Ces difficultés sont, entre autres, le problème d’emballages, du marketing et d’accès aux services de qualité.

L’Essor : Comment mesurer l’efficacité des programmes d’aide à l’entrepreneuriat féminin ?

Mme Bagayoko Aminata Traoré : Le gouvernement s’appuie sur le budget programme qui donne par domaine d’impact, et par année, les ressources disponibles, les fonds supplémentaires ainsi que les donateurs. Ce qui fournit à ce programme d’appui à l’entrepreneuriat spécifiquement féminin, une planification plus rigoureuse basée sur des indicateurs mesurables. Aussi, les procédures de suivi et de rapportage permettent d’apprécier les progrès accomplis dans le temps, de capitaliser sur les bonnes pratiques et les leçons apprises tout en identifiant les activités ou les indicateurs non renseignés. Les outils de suivi et d’évaluation sont élaborés en fonction des emplois créés, des projets financés.

L’Essor : Comment le gouvernement collabore-t-il avec le secteur privé et les organisations de la société civile pour soutenir l’entrepreneuriat féminin?

Mme Bagayoko Aminata Traoré : Le gouvernement collabore avec le secteur privé et les organisations de la société civile pour soutenir l’entrepreneuriat féminin en mettant en place des partenariats et des programmes conjoints. Cela peut inclure des initiatives tels que les fonds de financement mixtes gérés en collaboration avec des institutions financières privées, des programmes de mentorat et de coaching fournis par des entreprises privées, ainsi que des campagnes de sensibilisation et des projets de développement communautaire menés en partenariat avec des Organisations de la société civile (OSC). En travaillant ensemble, le gouvernement, le secteur privé et les OSC peuvent maximiser l’impact de leurs efforts pour soutenir et renforcer l’entreprenariat féminin au Mali.

L’Essor : Comment s’assurer que les programmes d’aide à l’entrepreneuriat féminin répondent aux besoins spécifiques des femmes ?

Mme Bagayoko Aminata Traoré : Le gouvernement a montré ces dernières années que l’entrepreneuriat féminin est une priorité à travers plusieurs mécanismes qui établissent des cadres de collaboration ou de concertation entre lui, les Partenaires techniques et financiers (PTF) et la société civile, pour la mise en place de programmes de développement dédiés à l’autonomisation des femmes. Il s’attèle à répondre aux besoins spécifiques des femmes notamment l’accès au crédit, au financement lors de la création de leur entreprise et les problèmes de marketing et de communication dans la gestion de leur entreprise.

En plus de ces initiatives et actions gouvernementales notamment la création du Fonds d’appui à l’autonomisation de la femme et à l’épanouissement de l’enfant (Fafe), le Fonds de garantie pour le secteur privé (FGSP), l’Agence pour la promotion des investissements au Mali (Api-Mali), qui concourent à booster le secteur de l’entreprenariat en offrant des opportunités économiques, les organisations internationales comme l’Organisation des Nations unies (Onu), la Banque mondiale, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) font de la question féminine, une de leurs priorités pour le développement.

L’Essor : Quelle est la vision pour l’entrepreneuriat féminin au Mali à long terme ?

Mme Bagayoko Aminata Traoré : La vision à long terme du gouvernement pour l’entrepreneuriat féminin est de créer un environnement favorable où les femmes peuvent prospérer en tant qu’entrepreneures, contribuant ainsi de manière significative à l’économie nationale et à la société dans son ensemble. Cela implique de mettre en place des politiques et des programmes durables visant à éliminer les obstacles auxquels les femmes entrepreneures sont confrontées, à renforcer leur accès aux ressources financières, aux compétences et aux réseaux professionnels, et à promouvoir une culture d’égalité des sexes et d’autonomisation économique. En investissant dans l’entrepreneuriat féminin, le gouvernement vise à créer un Mali où toutes les femmes ont la possibilité de réaliser leur plein potentiel en tant que chefs d’entreprises et leaders économiques.

L’Essor : Avez-vous un message ?

Mme Bagayoko Aminata Traoré : La femme malienne est de nature entreprenante, quel que soit le milieu. Pour reprendre une maxime du journaliste Georges Monbiot «si la richesse était le résultat inévitable du travail intense et de l’entrepreneuriat, toutes les femmes en Afrique seraient des millionnaires». Avant de terminer mon propos, je lance un message aux jeunes et aux femmes : «Qui décide d’entreprendre, s’engage à mûrir une idée porteuse, puis une activité professionnelle qui consiste à créer et gérer une entreprise ou une organisation, en assumant les décisions stratégiques, les plans d’affaires, l’ambition de se démarquer et de réussir son rêve avec exigence mais dans une gamme de thématiques essentielles liées à l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes».

Lors du lancement de la campagne de sensibilisation sur l’entrepreneuriat des jeunes en milieux scolaire et universitaire, j’ai dit ceci aux jeunes : «l’entreprise est comme une graine que l’on sème et comme une plante. On doit s’occuper de cette graine qu’on a semée, en l’arrosant, en mettant les engrais. Cette graine, cette entreprise va ensuite grandir et lorsqu’elle grandira, elle donnera ses fruits et ses fruits vont non seulement profiter aux jeunes porteurs et promoteurs qui ont pris le risque de planter cette graine, de créer cette entreprise, mais elle va aussi profiter à toute la communauté, à toute l’économie».

Propos recueillis par

Mariam A. TRAORÉ

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