Préservation des forêts classées : La solution des activités génératrices de revenus pour les riverains

Le Mali dispose de 112 forêts classées et périmètres de protection d’une superficie de 1.338.991 ha, soit moins de 1% de la superficie du pays. Ces forêts classées font l’objet d’une exploitation abusive entrainant leur dégradation

Publié jeudi 16 février 2023 à 06:32
Préservation des forêts classées : La solution des activités génératrices de revenus pour les riverains

 En créant cette association, plusieurs femmes exploitantes des forêts se sont reconverties en entreprenant des activités génératrices de revenus

  

En 2020, l’Union européenne, dans un rapport sur l’état des forêts au Mali, a estimé que 82% des superficies forestières ont été détruites depuis 1960. En 2014, le pays ne possédait que de 788.111 ha de forêts contre 4.475.000 ha en 1960. La superficie des galeries forestières a fortement diminué et les savanes boisées ont reculé pour faire place à des savanes arborées et même à des savanes arbustives.

Dans les zones périurbaines, l’exploitation anarchique du bois et d’autres activités pour la satisfaction des besoins surtout énergétiques domestiques et aussi comme source de revenus pour combler le déficit de la production agricole continuent d’accentuer la dégradation du couvert végétal. La forêt classée de la Faya est l’exemple type de cette détérioration due à une forte pression des populations sur les ressources forestières.

Le chef de poste des eaux et forêts de Kasséla, le lieutenant  Siriman Doumbia, rappelle que la  forêt de la Faya a été classée suivant l’arrêté n°4054/S.E du 27 novembre 1943 du gouverneur général de l’Afrique occidentale française. Cet arrêté de classement reconnaît les droits d’usages aux populations riveraines.

L’article 42 du Code forestier précise que dans le domaine classé, les droits d’usages sont réservés exclusivement aux communautés riveraines de la forêt. Ces droits d’usages portent sur le ramassage de bois mort (sans que cela ne revête un caractère commercial), la récolte de plantes médicinales, de kapoks et autres produits alimentaires, le pâturage par les animaux domestiques des villages riverains à l’exception des zones mises en défens. Par contre, le parcage des animaux n’est pas reconnu comme droit d’usage.

Le constat est que, dans l’usage de ces droits, les populations bénéficiaires de la forêt de la Faya en abusent en transgressant les limites fixées par le Code forestier. Malgré le bien-être que cette forêt leur procure, les populations riveraines y exploitent anarchiquement du bois et à des fins commerciales. Pour certains, c’est une méconnaissance des avantages des forêts, et pour d’autres, c’est parce qu’il n’y aurait pas d’autres alternatives pour subvenir aux besoins vitaux.

Pour Daouda Dembélé, conseiller du chef du village de Kasséla, les causes de la dégradation des forêts en général et de la Faya en particulier, sont liées à l’exploitation du bois. Il s’explique : «À partir du moment où ces hommes et femmes n’ont pas d’activités, chaque jour que Dieu fait, ils se dirigent vers la forêt pour couper le bois».

 

100 À 150 charrettes- Le natif de Kasséla estime que la valeur intrinsèque de la forêt est méconnue de la population. Normalement, dit-il, on ne doit même pas rentrer dans la forêt sans autorisation. Daouda Dembélé déplore qu’actuellement, la Faya subit des pressions sans précédent de la part des exploitants du bois énergie. À preuve, du matin au soir, on peut compter 100 à 150 charrettes chargées de bois par jour».

Conséquence de cette exploitation sauvage et illégale : la Faya est devenue une zone quasiment déserte, sans bois ni animaux. Comme alternatives pour lutter contre la coupe du bois, le conseiller du chef de village propose surtout la mise en place de projets structurants au bénéfice des populations riveraines.

La forêt est en effet exploitée par certains pour subvenir aux besoins vitaux des familles et par d’autres pour se faire de l’argent. Selon Mme Cissé Moussou Keïta, secrétaire administrative de l’Association pour le village de Kassédougou, le manque d’activités économiques génératrices de revenus est l’une des grandes préoccupations de la population de Kasséla. «Les éleveurs n’ont pas de quoi nourrir leurs animaux et ceux qui veulent faire le jardinage manquent d’espace. Dans ces conditions, il est difficile de dire aux uns et aux autres d’arrêter la coupe du bois qui se révèle être une activité économique pour la population», analyse Moussou Keïta.

Tout comme Daouda Dembélé, Mme Cissé Moussou Keïta prône la mise en place de projets afin de créer des activités génératrices de revenus pour les hommes ainsi que pour les femmes. Selon elle, il faut des unités de transformation agro-alimentaire comme la transformation de la mangue, de production de jus d’oranges ou toutes autres choses qui pourront permettre aux femmes d’avoir des revenus, sans dommage pour l’environnement. Elle propose l’implantation d’unités de transformation ou l’aménagement d’espaces pour le maraîchage. Ces activités pourront, dira-t-elle, amener les femmes à ne pas s’intéresser à la coupe du bois.

Mme Kouyaté Kandia Kamissoko, une habitante du village de Kasséla, trouve que la responsabilité de la dégradation de cette forêt est imputable à tous. D’après ses explications, des reboisements se faisaient constamment. Mais aujourd’hui, ces actions ont été arrêtées faute de soutien de la part des autorités. «Chacun pense à son intérêt personnel oubliant ainsi les intérêts communs», déplore Mme Kouyaté, avant d’exhorter les autorités à penser à la population de Kasséla par la création de projets pouvant aboutir à leur indépendance vis-à-vis des forêts. Pour elle, la population n’a pas accès aux retombées financières de cette forêt.

Quant à Mamadou Coulibaly, commerçant à Kasséla, il dira qu’il faut accentuer les actions de reboisement et veiller à l’application rigoureuse des textes forestiers qui peuvent sauver l’environnement du Mali. En plus de ces actions, il suggère une étroite collaboration entre la population et les services des eaux et forêts. Dans leur rôle de protection de l’environnement, les agents de ces services sensibilisent sur les méfaits des actions qui mènent à la dégradation de la forêt.


En dépit du nombre réduit d’agents et des moyens limités, ils continuent, avec dévouement, de veiller au contrôle de l’exploitation des ressources forestières et fauniques. Ils entreprennent également des initiatives de reboisement pour restaurer certains espaces dégradés.

Pour une gestion durable de la forêt de la Faya, le chef de poste des eaux et forets de Kasséla, le lieutenant Siriman Doumbia, recommande la multiplication des séances de sensibilisation, d’information à l’endroit de la population. Mais aussi la mise en œuvre du plan d’aménagement et une franche collaboration entre les agents des eaux et forêts et la population.

 

ADK sensibilise- Dans le cadre de son combat contre l’exploitation abusive de la forêt de la Faya, l’Association pour le développement du village de Kassédougou (Kasséla) et son partenaire, la fondation global Greengrants Fund, ont organisé samedi dernier un forum d’information et de sensibilisation des femmes et des exploitants forestiers.


La conférence avait pour objectif, a expliqué le président de l’Association, Ousmane Kodio, de discuter avec les populations concernées particulièrement les femmes sur l’importance de cette forêt et sur les dispositions légales et règlementaires concernant son exploitation. Au cours de cette journée, une centaine de participants venus de Kasséla et des villages riverains de la forêt de la Faya, ont été sensibilisés sur les conséquences de la coupe du bois et sur les avantages quant à la nécessité de la protéger.

La secrétaire administrative de l’Association, Mme Cissé Moussou Keïta précisera que l’objectif de cette session est de sensibiliser les femmes sur l’exploitation abusive de la forêt.  «On n’a pas les moyens de leurs dire d’arrêter la coupe du bois, mais nous avons eu l’idée de leur fait comprendre comment agir sans dégrader la forêt», confiera-t-elle.

Il faut rappeler que la forêt classée de la Faya qui est située dans le cercle de Kati (Région de Koulikoro), s’étend sur une superficie totale de 79.822 hectares, assortie de quatre enclaves réservées à des villages riverains pour la culture agricole. Ces enclaves sont celles de Diaféguéya, de Tonga, de Niéniélé et de Zantiguila. Cette forêt relève de la gestion technique de la direction régionale des eaux et forêt de Koulikoro à travers le cantonnement des eaux et forêts de Kati et du poste de Kasséla.

 

Sauver le couvert végétal- La surexploitation des ressources de la forêt a fortement dégradé le couvert végétal. Pour mettre fin à cette surexploitation, les femmes de Kasséla, anciennes exploitantes des ressources de la forêt de la Faya, se sont regroupées dans une association nommée Faya-ton. Son but, selon sa présidente Mme Koné Massira Traoré,  est de contribuer à la restauration du patrimoine forestier de la Faya.

L’idée de la créer est intervenue suite à une prise de conscience de la dégradation de la forêt de la Faya. En créant cette association, plusieurs femmes exploitantes des forêts se sont reconverties en entreprenant des activités génératrices de revenus. Ces femmes ont pu bénéficier d’un périmètre maraicher avec l’appui du programme de Gestion décentralisée des forêts (Gedefor), cela dans le but de pérenniser et de protéger la Faya pour la future génération.

Ce périmètre maraicher leur permet de produire des légumes frais pendant la saison pluvieuse et en contre saison. En plus des légumes, ces femmes produisent des plants pour le reboisement de la Faya. Ainsi, à travers ce maraichage, les femmes se débrouillent et oublient la coupe du bois dans la forêt. «Si les femmes se mettent à couper du bois, c’est parce qu’elles n’ont pas d’autres sources de revenus.


Elles doivent subvenir aux besoins de la famille et souvent même payer la scolarité des enfants. C’est donc difficile pour ces femmes de laisser la coupe du bois alors qu’elles n’ont pas d’autres activités à faire», explique Mme Koné Massira Traoré. Et de laisser entendre que si les femmes ont des activités génératrices de revenus, cela sera une solution à l’exploitation abusive de la forêt.

Anne Marie KEITA

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