#Mali : Femmes journalistes : Le chemin de croix ?

Elles doivent surmonter beaucoup d’obstacles pour réussir leur vie de femmes de médias. Il s’agit notamment des contraintes conjugales, professionnelles et sociales

Publié jeudi 22 août 2024 à 18:15
#Mali : Femmes journalistes : Le chemin de croix ?

Ces braves dames méritent l’attention et l’accompagnement de leur belle famille  

 

Le travail à des heures tardives et durant les jours fériés, les absences longues du fait des activités professionnelles (reportages, enquêtes et missions à l’intérieur comme à l’extérieur du pays) dans le foyer conjugal… Voici un peu un aperçu de l’emploi du temps qui donne du fil à retordre aux femmes journalistes quand il s’agit de se mettre en couple. La chance n’est pas donnée à toutes de réussir leur vie conjugale tout en restant dans ce métier. Cette particularité est due au fait que les femmes qui exercent ce métier sont soumises à d’autres contraintes conjugales et sociales qu’elles sont tenues d’assumer et assurer en même temps les obligations professionnelles qui s’imposent.

Certaines jettent l’éponge pour sauver leur union. Fatoumata Kéita, une journaliste de formation, a choisi cette option. Après son mariage, elle a renoncé à une opportunité de recrutement dans un média de la place après y avoir effectué plusieurs années de stage. Son époux ne voulait pas d’une femme qui passe des heures en dehors de son foyer. Aujourd’hui, la journaliste de formation cherche à se reconvertir dans un autre métier pour subvenir à ses besoins.

De son côté, le mariage d’Aminata Doumbia n’a pas survécu aux contraintes de ses beaux-parents. Ces derniers n’acceptaient pas de la voir rentrer tard. Sa belle-mère exigeait que le déjeuner ainsi que le dîner soient préparés par elle et non pas par la travailleuse domestique. Après plusieurs années de sacrifices espérant que sa famille allait modérer son comportement, la dame déchante. Elle demande le divorce. Contrairement à Fatoumata, d’autres consœurs trouvent ou inventent des astuces pour vivre leur passion et se plier en même temps aux exigences de leur belle-famille.

La journaliste Kadidiatou Sanogo reconnaît que le métier de journaliste est différent des autres professions où l’employé travaille de 07h30 à 16 heures au plus tard. Elle affirme que le journaliste est appelé à tout moment à aller sur le terrain, en mission à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, pendant des semaines, hors de son foyer. La professionnelle de médias regrette les préjugés visant à coller à la femme le statut de ménagère qui n’a pas le droit d’exercer une fonction. C’est ainsi que, selon elle, certains hommes hésitent à laisser leur femme travailler comme journaliste.

Ou alors, ils posent leurs conditions en demandant à ce que celle-ci rentre au foyer avant le crépuscule. Pour être une bonne femme au foyer et bien exercer son métier, Kadidiatou Sanogo conseille à ses consœurs de s’organiser et communiquer avec les membres de sa famille. Et de poursuivre qu’il faut qu’elle montre à son conjoint que c’est son travail et qu’elle a besoin de son accompagnement pour réussir sa carrière.

«La femme journaliste doit se préparer à tout, car nous sommes dans une société où les préjugés socio-culturels l’emportent sur les considérations professionnelles d’épanouissement de la conjointe. Aussi, notre société ne s’accommode pas du fait que le mari puisse apporter un appui aux tâches ménagères de sa femme en vue de l’épauler, parce qu’elle est absente pour raison de service», soutient Mme Kadidiatou Sanogo, avant d’inviter ses consœurs à se focaliser sur leurs objectifs et à transcender les barrières si elles veulent faire une belle carrière dans ce métier.

 

ASTUCES- Quant à Mady Tounkara, journaliste dans un organe privé, elle raconte que c’est après son mariage qu’elle s’est rendue compte qu’il était difficile de s’occuper d’un foyer et d’exercer correctement son métier de journaliste. Mais, elle y est parvenue, grâce à son courage et à la communication. Quand on a des enfants, dit-elle, les choses deviennent plus compliquées.

Car, argumente-t-elle, il faut leur assurer une bonne éducation et veiller sur eux. «Un jour, j’avais un reportage et je suis rentrée très tard alors que j’avais un bébé de 4 mois à la maison. À mon retour, mon mari m’a posé la question de savoir si j’aimais réellement mon enfant. Je lui ai parlé des contraintes de mon travail. Depuis ce jour, il me soutient. Il m’accompagne souvent dans mon travail de terrain et s’occupe des enfants en mon absence», se réjouit-elle.

Mme Camara Fatoumata Mah Thiam Koné, journaliste, s’est suffisamment  préparée à affronter les contraintes de son métier. Parce que c’était son rêve d’enfance. La responsable de la communication de la Caisse malienne de sécurité sociale (CMSS) avoue que les femmes journalistes traversent beaucoup de difficultés en vue de concilier vie professionnelle et familiale. Mme Camara Fatoumata Mah Thiam Koné explique comment elle arrive à tenir au bureau, malgré les contraintes du foyer. «Mon époux m’a facilité les tâches dans l’exercice de mon travail», se réjouit celle dont le dévouement au foyer conjugal a servi également à sauver son mariage.

«Avant de sortir tous les matins, je mets un point d’honneur à préparer le petit-déjeuner. Puis, je m’occupe de la mise en route des enfants pour l’école», explique-t-elle. La célèbre journaliste use des astuces pour rendre la vie plus attrayante avec son conjoint. «J’embrasse tendrement mon mari avant de prendre congé de lui tout en m’assurant qu’il a connaissance de mon agenda dans les moindres détails. En cas de changement de dernière minute, je l’avise», indique Mme Camara, avant de poursuivre qu’elle s’assure aussi en cours de journée de savoir si son époux a pris ses repas.

Celle qui est plus connue sous le pseudonyme de Mah Thiam souligne le rôle essentiel d’une communication en temps réel au sein du couple. Elle conseille notamment d’échanger sur les agendas respectifs. Selon elle, il n’y a pas d’incompatibilité entre journalisme et femme au foyer. «Un mari veut avoir une femme à côté de lui en dehors des heures de service. Et ça, il faut l’assumer», insiste la chargée de communication de la CMSS.

La responsable du Journal «L’Annonceur», Dado Camara, reconnaîtra que la principale difficulté que rencontrent les femmes journalistes est surtout la gestion de l’emploi du temps. Personnellement, elle dit n’avoir pas eu assez de problème parce qu’elle a accepté de communiquer avec ses beaux parents, son mari et son entourage et leur a fait comprendre les défis de son métier.

A-t-elle eu plus de chance d’être comprise que d’autres, certainement oui. Mais à n’en pas douter les femmes journalistes doivent faire preuve de plus d’ingéniosité pour convaincre de la nécessité d’exercer leur métier sans que cela n’éveille des soupçons malveillants et s’évertuer à faire accepter leur statut de femmes travailleuses aux membres du foyer, du mari en passant par les beaux parents et les enfants aussi qui doivent s’accommoder aux longues absences de leur mère.


Ce challenge peut être gagné par toute femme qui veut exercer un métier qui nécessite des absences prolongées dans le foyer conjugal et doit se conjuguer avec l’apport économique à la construction et à la consolidation du ménage. Le travail de la femme ne doit en aucun cas nuire à la stabilité morale et économique du foyer conjugal. Si cela est gagné, les oppositions à son statut de femme travailleuse s’estomperont tout naturellement. À moins que la femme ait la malchance de vivre avec un mari qui s’oppose viscéralement au changement de statut autre que de ménage. Ceci est une autre histoire.

Anne Marie KEITA

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