Hamdallaye ACI 2000 : L’envers du décor dans le quartier chic

Les eaux de ruissellement stagnent dans ce quartier huppé de la capitale pendant l’hivernage

Publié mercredi 09 mars 2022 à 07:17
Hamdallaye ACI 2000 : L’envers du décor dans le quartier chic

L’Agence de cession immobilière (ACI) a changé fondamentalement le visage de l’ancienne zone aéroportuaire. Principal centre d’affaires de la capitale abritant les sièges de plusieurs grandes entreprises, des restaurants et des supermarchés, il traîne des problèmes d’assainissement et de viabilisation qui ne sont pas dignes d’un endroit huppé

Les anciens occupants que nous avons interrogés, se disent impressionnés par la mutation de l’ancienne zone aéroportuaire. C’est le cas d’Oumou Traoré, médecin généraliste rencontrée à la devanture de sa maison sise non loin de la place «Can». Elle y habite depuis 20 ans. Notre interlocutrice trouve que l’ACI 2000 est devenu, au fil des ans, un endroit huppé avec des gratte-ciels et autres œuvres architecturales abritant des grandes entreprises, des supermarchés, des restaurants et pâtisseries et disposant de plusieurs espaces de loisir.

Un boom architectural qui cache sans doute certaines tares constatées dans l’évolution de cet endroit de la capitale. La quinquagénaire Oumou Traoré déplore par exemple l’absence de marché dans le quartier. «Il nous faut parcourir à pied chaque matin la route de Djicoroni-Para pour trouver un marché et pouvoir acheter les condiments pour la cuisine. Raison pour laquelle, souvent, j’achète beaucoup d’articles pour les mettre au frigo», confie-t-elle. En revanche, se réjouit-elle, il y a beaucoup de supermarchés à l’ACI 2000, dont la plus imposante est «Mille et Une merveilles».

Hassan Keita tient sa boutique depuis 2007 à l’ACI 2000, du côté du cimetière de Lafiabougou. «Quand je suis venu m’installer, il y avait juste quelques belles maisons en dur à côté des constructions en banco. Maintenant, avec ces grands immeubles, on se croirait en Europe», s’exclame-t-il. Cependant, le boutiquier déplore de sérieuses lacunes d’équipements de voirie, notamment en matière d’assainissement, car en saison des pluies, plusieurs routes dans ce quartier chic deviennent impraticables pour les usagers. «Faute de collecteurs, pendant la période de pluies, ma clientèle diminue car il faut franchir les eaux usées pour venir à ma boutique. À cause de cette situation, certains de mes clients préfèrent acheter ailleurs», explique-t-il.

Le sujet de l’assainissement et des nuisances revient souvent dans les commentaires lorsqu’on parcourt la documentation sur l’ACI. Le 15 avril 2009, le journal : Le Scorpion titrait : Hamdallaye ACI 2000, une belle cité insalubre. Le journal dénonçait les pratiques illégales nuisibles à l’environnement : feux d’ordures la nuit qui polluent l’air, déversement de tas de sable ou débris de matériaux dans les caniveaux, en particulier au niveau des immeubles en chantier. L’article de presse déplorait l’odeur nauséabonde provenant des eaux stagnantes, la prolifération de mouches, moustiques, cafards, crapauds. Un véritable taudis, selon nos confrères, où se côtoient rongeurs nuisibles et immondices !

Ces nuisances n’empêchent pas le quartier d’être très attractif. Lorsque l’on consulte le site Bamako Immobilier, des terrains sont mis en vente partout, notamment à côté d’emplacements stratégiques: Orca, Avenue du Mali, Radisson ACI, ambassade des États-Unis, Bougie Ba, Fondation Blondin Bèye, Espace Bouna, etc. Les prix sont les suivants : 300 m2 cédés à 70, voire 80 millions de Fcfa, 450 m2 à 150 millions de Fcfa, 500 m2 entre 100 et 200 millions de Fcfa, 700 m2 à 300 millions de Fcfa, etc.

 

UN DÉVELOPPEMENT MIEUX RÉGULÉ- L’aménagement du quartier de l’ACI 2000 s’inscrit dans une politique d’urbanisation au long terme. Rencontré dans sa famille, Imrane Abdoulaye Touré est ancien directeur national de l’urbanisme et secrétaire général du ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, des Domaines, de l’Aménagement du territoire et de la Population jusqu’en octobre 2021. L’homme est la mémoire vivante de l’urbanisation de Bamako depuis les années 1990. Il rappelle que le développement urbain s’inscrit dans un cadre réglementaire.

Selon lui, au Mali, la mise en place a été tardive. C’est en 1979-81 qu’est élaboré et adopté le premier Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de Bamako, révisé ensuite en 1990 et en 1995. Cette dernière révision a fait de l’ancien aérodrome de Bamako une zone de développement, dont la mise en œuvre a été confiée à l’ACI (Agence de cessions immobilières), chargée de la viabilisation et de la vente initiale aux enchères des terrains. En 1995-96, un plan d’urbanisation sectorielle est défini, précise Imrane Abdoulaye Touré. Pour l’expert, ces dispositions ont constitué un progrès, car à l’époque Bamako comportait beaucoup de quartiers spontanés, nés de l’attribution de parcelles par les chefs coutumiers. «La vente aux enchères instaurait aussi une certaine transparence.

Par la suite, la spéculation a décuplé le prix des terrains. Si à l’origine, ceux-ci ont pu être vendus autour de 35.000 Fcfa/m2 (70.000 au maximum), ils peuvent atteindre aujourd’hui 300.000 à 400.000 Fcfa/m2», détaille notre interlocuteur. Précisant que la viabilisation de la zone a été correcte, Imrane Abdoulaye Touré ajoute que les carences constatées ultérieurement dans la gestion de l’assainissement sont dues à un chevauchement de responsabilités entre l’ACI et les collectivités. Par exemple, le dépôt des ordures était prévu pour chaque lotissement, mais les collectivités n’ont pas toujours respecté ces dispositions, et il faut reconnaître, souligne notre interlocuteur, que dans ce cas la décentralisation a accentué la dilution des responsabilités et le désordre.

 

«METTRE À JOUR ET APPLIQUER LES TEXTES»- D’une façon générale, relève Imrane Abdoulaye Touré, le cadre règlementaire est suffisant. Par ailleurs, il estime que la stratégie d’urbanisation a besoin de Schémas régulièrement mis à jour (en principe tous les 5 ans). Or, il a fallu attendre 2005 pour voir une proposition de nouveau schéma directeur, et celle-ci n’a pas été suivie d’effet. «Même dans le cas actuel, on peut considérer que les textes existent, mais qu’il y a un problème d’application, dans une situation où beaucoup d’intérêts sont en jeu. Bref, il faut vraiment qu’on ait un document de planification adapté au contexte actuel», propose-t-il.

Selon l’actuel directeur national de l’urbanisme et de l’habitat, le bilan du plan d’urbanisme de l’ACI 2000 peut être considéré comme positif, malgré quelques points d’ombre. Amadou Doumbia note que l’ACI a permis une modernisation et une verticalisation des constructions en vue de la densification urbaine.


Ce qui peut être considéré comme une rupture par rapport aux pratiques de la IIè République : lotissements non viabilisés, constructions en banco, prolifération des quartiers spontanés. Pour le patron de l’urbanisme et de l’habitat, l’ACI a donné à la capitale malienne une physionomie plus organisée en termes de distinction entre quartiers riches et quartiers pauvres et avec la création d’un quartier d’affaires digne de ce nom en plein cœur de la capitale malienne. À cet égard, notre interlocuteur remarque également des aspects négatifs, notamment le changement de vocation de certains espaces, suite aux différentes modifications du plan de lotissement de la zone, ainsi que les problèmes d’inondations récurrentes (ACI 2000 et quartiers limitrophes).

Pour avoir d’amples informations relatives aux différentes préoccupations, les efforts de notre équipe sont restés vains après plusieurs tentatives de rapprochement avec la direction de l’ACI.

 

Fadi CISSE

Lire aussi : Gestion des crises : Le Comité interministériel renforce le contrôle sur les stocks et la distribution

Le Comité interministériel de gestion des crises et des catastrophes s’est réuni ce mardi 18 novembre à la Primature sous la présidence du Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga..

Lire aussi : Visite du Premier ministre à l’Omap : Réduire les délais et fluidifier la distribution

Le Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga a effectué ce mardi 18 novembre une visite à l’Office malien des produits pétroliers (Omap), placé sous la tutelle du ministère de l’Économie et des Finances..

Lire aussi : Koulikoro : Fini les soucis d’électricité à la morgue du CSref

Le Centre de santé de référence de Koulikoro (CSref) a été doté d’un kit solaire d’une valeur de 10 millions de Fcfa par le directeur de Orange transit, Bréma Dramé dit Bama, ressortissant de la ville..

Lire aussi : Sikasso : Le carburant disponible dans certaines stations-service

Plusieurs localités du pays connaissent la crise du carburant. Mais à Sikasso la situation est relativement appréciable. Actuellement, certaines stations-service de la ville sont opérationnelles..

Lire aussi : Ségou : Affluence record dans les stations-service

Des files interminables d’automobilistes et de motocyclistes s’étirent sur des dizaines de mètres. Certains y sont, depuis quelque temps, pour pouvoir s’approvisionner en carburant et vaquer à leurs occupations essentielles.

Lire aussi : Vente illicite des pesticides : Une pratique très dangereuse

À Bamako, il existe un peu partout des commerçants et revendeurs clandestins de pesticides. Dans la circulation, dans les boutiques des quartiers et dans les marchés hebdomadaires, ils proposent des produits pouvant combattre les nuisibles sans l’autorisation des structures compétentes et en v.

Les articles de l'auteur

Médias professionnels : Six pays à l’école des pharaons

Le Centre de formation et des études médiatiques de Caire, en Égypte, accueille depuis hier, 13 journalistes professionnels de 6 pays d’Afrique. Le Mali y est représenté par nos collègues Fadi Cissé, journaliste au Desk économie et Développement rural, et Bembablin Doumbia du Desk politique. La Côte d'Ivoire, la Guinée, la République Démocratique du Congo (RDC), Madagascar et la Mauritanie sont également représentés à ce 40è stage des communicateurs africains francophones..

Par Fadi CISSE


Publié lundi 10 novembre 2025 à 11:14

Journées de relance de l’agence nationale de presse : Une meilleure vision pour un meilleur futur

Faire de l’Agence nationale de presse un produit de qualité pour un public bien ciblé, l’adapter au contexte et aux réalités du moment, lui assurer un financement public et développer les partenariats sont parmi les recommandations formulées par les participants.

Par Fadi CISSE


Publié jeudi 30 octobre 2025 à 07:40

Presse : l’IA, une menace ou un atout ?

L’Intelligence artificielle (IA) est un outil informatique qui permet en une fraction de seconde de travailler comme un humain. Avec un seul clic dans les moteurs de recherche, il vous offre un résumé satisfaisant de ce que vous cherchez. Plus besoin de faire recours aux différents sites d’information. Cette prouesse technologique est-elle une menace pour les médias classiques ? C’est la question que se posent les professionnels du secteur.

Par Fadi CISSE


Publié mercredi 29 octobre 2025 à 14:26

Consommer local : Des acteurs préconisent l’industrialisation

La consommation et la valorisation de nos produits locaux étaient, jeudi dernier, au centre d’un panel organisé par la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (Ccim) sur le thème : «De 2019 à nos jours : bilan, défis et perspectives»..

Par Fadi CISSE


Publié lundi 20 octobre 2025 à 13:10

Spéculation autour des hydrocarbures : Le ministre chargé du commerce appelle à l’esprit de responsabilité et de patriotisme

Face aux acteurs du secteur, Moussa Alassane Diallo a dénoncé la spéculation entretenue autour du carburant qui, selon lui, se manifeste sous trois formes : la rétention de stocks, la hausse non justifiée des prix et la désinformation sur l’approvisionnement du pays de façon à créer la psychose.

Par Fadi CISSE


Publié mardi 14 octobre 2025 à 07:44

Complexe nautique de Samaya : La Douane malienne vise loin

C’est sous un ciel nuageux dégageant une forte chaleur que le ministre de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou, a procédé, samedi dernier à Samaya, à la coupure du ruban symbolique du complexe nautique de la Direction générale des Douanes. C’était en présence du directeur général des Douanes, l’inspecteur générale Amadou Konaté..

Par Fadi CISSE


Publié lundi 29 septembre 2025 à 07:54

Systèmes financiers décentralisés : Des efforts remarquables accomplis durant l’année écoulée

À la fin de décembre 2024, la situation du secteur de la microfinance au Mali fait état de 116 SFD, 1.586.814 membres/clients, 158 milliards de Fcfa d’encours de dépôts et 191 milliards de Fcfa d’encours de crédits.

Par Fadi CISSE


Publié mardi 23 septembre 2025 à 07:51

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner