#Mali : Société : haro sur les discours de haine

Ces propos discourtois, inamicaux, méchants et revanchards affectent le moral des personnes à qui elles sont destinées. Toutes choses qui peuvent provoquer des tensions incontrôlables

Publié lundi 26 août 2024 à 17:47
#Mali : Société : haro sur les discours de haine

Le discours haineux est un propos injurieux qui provoque la colère, le désamour, le dégoût. Il vise un individu ou un groupe sur la base de caractéristiques intrinsèques telles que le genre, la religion, la race, l’état physique d’un humain et peut menacer la paix sociale. Aujourd’hui, la société est confrontée à ces genres de discours haineux dans la vie courante et qui deviennent, encore plus venimeux sur la toile, grâce à l’avènement des réseaux sociaux.

La haine est un mal qui ronge celui qui l’exprime et peut tuer ou inciter à la violence à tout moment. Elle doit être combattue afin d’éviter l’embrasement et l’effritement de la société. L’artiste Djénéba Seck, dans un de ses tubes, chantait : «A tɛ kɔrɔ, kumakan jugu tɛ kɔrɔ» (littéralement en français : les propos vexatoires ne vieillissent jamais !). Autrement dit, on les oublie difficilement. Elle sensibilise de ce fait la société sur les ravages que peuvent causer les propos haineux.

Kalifa Kéita est diplômé des lettres modernes, sorti de la Faculté des lettres, des langues et des sciences du langage (FLSL) de Bamako. Confronté à une situation de handicap survenu à l’âge avancé, il explique qu’il est témoin au quotidien de ce comportement répugnant. Selon lui, ces discours haineux sont prononcés couramment dans la circulation à cause du comportement inapproprié de certains usagers. Ce qui rend difficile la cohabitation entre les gens et exacerbe les relations.

Le jeune diplômé, aussi membre d’une association de personnes en situation de handicap, raconte volontiers la désillusion d’une de ses camarades dans son foyer. Cette dernière est réprimandée par sa «belle mère d’être sale et incapable de préparer de la nourriture». La belle mère ne s’arrête pas là, elle se «demande parfois comment son fils arrive à se coucher avec une femme qui ne marche pas», rapporte Kalifa Kéita qui affirme que plusieurs femmes en situation de handicap font l’objet de railleries dans leurs foyers conjugaux.

Salma, nom d’emprunt d’une mère de famille en Commune IV du District de Bamako, vit cette triste réalité. Un matin du mois de juillet dernier, elle est prise pour cible par son beau frère qui l’a insultée grossièrement. Pour cause, Salma n’a pas pu accomplir un travail la veille. Rencontrée, elle avoue qu’au-delà du courroux, le discours haineux donne des idées noires à celui qui le subit. Il est inoubliable pour ce dernier et l’amène à détester celui qui l’a tenu.

Elle raconte cela, très irritée contre son beau frère qui lui jette des injures graves chaque fois qu’il y a une mésentente entre eux. Ces agressions verbales, choquantes, humiliantes et avilissantes sont intolérables pour elle. À l’en croire, mieux vaut être frappé que d’être visé par des propos vexatoires «kumakan juguw». Cette mère de famille fait savoir que c’est la pauvreté, l’égoïsme, l’hypocrisie et l’orgueil qui font que les gens se détestent. «Nous devons nous aimer les uns les autres pour éviter l’effritement de la société», conseille-t-elle.

 

PROMOUVOIR LA CULTURE- Pour l’entente nationale, la lutte contre le discours haineux est très cruciale aujourd’hui. Il faut commencer par les petits discours qu’on tient dans les familles, les « grin», lors des rencontres,  propose Lawale Chaka Keita. Journaliste et écrivain, il laisse entendre que mêmes certains propos humoristiques, attribués à des communautés et à des groupes ethniques, construisent des préjugés, des clichés négatifs. Ils (propos) finissent par entretenir la haine chez ces gens qui les considèrent inconsciemment comme des acquis.

Par exemple, s’explique le journaliste, «on entend dire souvent que les gens de telle ou telle ethnie sont avares ou sont des esclaves. Ce sont des petits discours certes taquins dans le fond, mais qui peuvent exacerber les relations entre les personnes. Dans le pire des cas, quand ces propos sont accompagnés d’injures, de brimades et d’humiliations, ça devient une bombe sociale à retardement».

Selon notre interlocuteur, certaines personnes profitent du cousinage à plaisanterie «instaurée» par nos ancêtres entre des groupes ethniques pour dénigrer l’autre dans une rage manifeste de nuire ou d’humilier. Alors que chacun doit chercher à renforcer les liens entre les personnes, multiplier les contacts en allant vers l’autre. Et pour cela, les évènements artistiques et culturels tels que les biennales et autres qui rassemblent sont une aubaine qu’on doit entretenir car ils recèlent de forts motifs de brassages et de ce fait sont plus utiles que les réseaux sociaux.

Tout citoyen mérite le respect. Toute action qui peut contribuer à ébranler ce principe doit être banni dans la cité. Le directeur général (DG) de l’École supérieure de journalisme et des sciences de la communication (ESJSC) de Bamako, Dr Aboubacar Abdoulwahidou Maïga, pense que ce genre de discours porte atteinte à la dignité des gens. En temps de crise comme c’est le cas actuellement dans notre pays, on ne doit pas se permettre de proférer des discours de haine. «Nous sommes une société de paix, de dialogue, de solidarité et de sympathie.


Nous sommes empathiques les uns envers les autres, compatissants quant d’il y a une douleur chez quelqu’un», fait savoir l’enseignant-chercheur. Grâce au cousinage à plaisanterie, lorsqu’on veut dire quelque chose de blessant, on le fait de façon courtoise et amicale de telle sorte que la personne concernée ne se sente pas offusquée, ni humiliée. «Dans notre cas actuel, nous devons faire attention, car nous sommes un peuple soudé et fragile à la fois. Lorsque quelqu’un se sent vexé à tort, cela peut attiser la mésentente et créer de la dissension.

La haine et la division ethnique ont été entretenues et savamment distillées entre les communautés qui jadis cohabitent depuis des millénaires en bonne intelligence. À plusieurs reprises, le pays a frôlé l’embrasement ethnique n’eussent été les ressorts du cousinage à plaisanterie qui ont permis d’apaiser la tension», explique Dr Aboubacar Abdoulwahidou Maïga.

 

RENFORCER L’ÉDUCATION- Le DG de l’ESJSC insiste sur le renforcement de l’éducation surtout pour les enfants qui sont laissés pour compte au téléphone et sur les réseaux sociaux. Les parents doivent être plus présents à leurs côtés, conseille-t-il. Avant de compléter que le concept d’une nation, c’est quand les gens ont accepté de se mettre ensemble et de travailler pour le même but et intérêt comme notre devise le stipule «Un Peuple, Un But, Une Foi». Pour lui, les discours qui se tiennent doivent favoriser la communion, l’entente et le vivre ensemble.

Les universitaires ont la mission d’analyser l’histoire, de l’expliquer en mettant en exergue les valeurs intrinsèques qui constituent le fondement de la nation qu’on représente et conduire le peuple sur la bonne voie. Car les paroles haineuses peuvent heurter la sensibilité humaine, affecter le moral des victimes et provoquer des blessures psychologiques qui vont avoir du mal à être cicatrisées, soutient l’universitaire.

Dr Fodié Tandjigora, sociologue à la Faculté des sciences humaines et des sciences de l’éducation (FSHSE), rappelle que les discours de haine relèvent de l’inimitié, de la méchanceté, de la revanche et procèdent de la malveillance à nuire à autrui. Cette haine peut inciter à la vengeance. Elle peut jaillir à la suite aussi bien d’un discours politique, religieux que ordinaire et peut provoquer la dislocation du tissu social. Pour lutter contre ces propos inappropriés, les leaders d’opinion à savoir les politiques, les religieux et les activistes sur les réseaux sociaux doivent donner l’exemple. Nous assistons malheureusement sur les réseaux, à l’apologie de la haine à travers les règlements de compte, les appels à la haine et à la vengeance. Les jeunes qui sont les adeptes invétérés de ces supports risquent de gober ces faits.

La loi sur la cybercriminalité est déjà un grand pas pour mettre le holà à ces pratiques malsaines. Tout comme le directeur général de l’ESJSC, l’enseignant-chercheur en sociologie prône aussi l’éducation des enfants et les invite à tenir des langages qui font la promotion de la cohésion sociale. Les réseaux sociaux ont ouvert un nouvel espace d’expression virtuelle et c’est sur ce boulevard que les gens se défoulent pour solder leurs comptes, ce qui est vraiment dommage, regrette le sociologue.

N'Famoro KEITA

Lire aussi : Commémoration de l'an II de la reprise de Kidal: Le CDM lance la révolution progressiste populaire malienne

Dans le cadre de la commémoration du deuxième anniversaire de la reprise de Kidal par les Forces armées maliennes (FAMa), le Collectif pour la défense des militaires (CDM) a tenu un grand meeting, ce vendredi 14 novembre au stade Mamadou Konaté à N’Tomikoribougou, en Commune III du District .

Lire aussi : Mali: La CDTM s'engage à renforcer ses structures

Les militants de la Centrale démocratique des travailleurs du Mali (CDTM) sont réunis depuis ce vendredi 14 novembre 2025 au Mémorial Modibo Keïta dans le cadre des travaux du 2è Congrès ordinaire de cette centrale syndicale..

Lire aussi : BNDA : Un geste pour faire battre le cœur des enfants souffrant de malformations cardiaques

La Banque nationale de développement agricole (BNDA) vient de remettre un chèque de 15 millions de Fcfa à l’hôpital mère-enfant, «Le Luxembourg», pour la prise en charge des enfants souffrant de malformations cardiaques. Cette somme est destinée à la prise en charge chirurgicale de 5 enf.

Lire aussi : Forum des médias du Sud global à Johannesburg : Xinhua et l’Union africaine ouvrent le débat sur la gouvernance mondiale

L’événement a réuni 200 participants représentant 161 organisations de médias, d’entreprises, de think tanks et de centres d’études stratégiques, venus de 41 pays africains et de Chine.

Lire aussi : Cercle de Takalote : Le Gouverneur de la Région de Kidal en visite à Koniba

Le Général de division Elhadji Gamou, gouverneur de la Région de Kidal, a effectué, le vendredi 7 novembre 2025, une visite de terrain à Koniba, dans le Cercle de Takalote. Cette visite s’inscrit dans le cadre du renforcement du dialogue avec les populations et du suivi des actions de dévelo.

Lire aussi : Général El Hadj Gamou : Pilier de l’unité et de la stabilité à Kidal

Dans un ouvrage de 65 pages, publié en octobre 2025 et dédié au Général Elhadji Gamou, gouverneur de Kidal depuis novembre 2023, Dr Ahmadou Touré, docteur en sciences politiques et expert en gouvernance, médiation et sécurité, met en lumière l’unité nationale, la stabilité, la réconci.

Les articles de l'auteur

Pêche à la ligne : Un passe-temps à Bamako

Au-delà du loisir de pêcher, ce hobby permet à des férus de l’activité de deviser tranquillement sur les berges du fleuve Niger et de profiter des effluves de la brise de terre nocturne.

Par N'Famoro KEITA


Publié jeudi 30 octobre 2025 à 07:56

Éradication de la rage : La nécessaire implication de toute la communauté

En 2024, les services vétérinaires ont recensé 1.385 personnes mordues par 16 animaux de différentes espèces dans notre pays.

Par N'Famoro KEITA


Publié mercredi 01 octobre 2025 à 09:05

Spécial 22 septembre 2025, Renforcement du mix énergétique : Les trois projets majeurs du président Goïta

Il s’agit des centrales solaires de Sanankoroba, Safo et Tiakadougou-Dialakoro pour une capacité totale de 400 mégawatt (MW). Les travaux ont été lancés en 2024 par le Président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Goïta.

Par N'Famoro KEITA


Publié vendredi 19 septembre 2025 à 21:56

Santé des végétaux : L’OPV évalue les capacités phytosanitaires du Mali

La santé des végétaux est un enjeu mondial majeurL’Office de protection des végétaux (OPV) a organisé, hier dans ses locaux, le 2è atelier d’évaluation des capacités phytosanitaires du Mali..

Par N'Famoro KEITA


Publié mardi 09 septembre 2025 à 08:22

Convention groupée de la zone 4 de la JCI Mali : Pour l’excellence et le leadership

Placée sous le thème : « Jeunesse engagée : apprendre et innover pour relever les défis de l’employabilité des jeunes du Mali », la 16ᵉ convention groupée de la zone 4 (Z4) de la Jeune Chambre Internationale (JCI) du Mali s’est tenue samedi dernier, au Centre de formation des collectivités territoriales..

Par N'Famoro KEITA


Publié mardi 26 août 2025 à 09:53

Sébénikoro : Elle se défenestre à la suite d’un différend avec son époux

Les disputes du couple sont choses courantes dans nombre de foyers. Cependant, ces histoires sortent de l’ordinaire lorsque la femme totalement hors d’elle-même décide de mettre fin à ses jours. Pourtant, c’est une scène dramatique du genre auquel les habitants de Dramanebougou, un des secteurs de Sébénicoro, quartier populaire de la Commune IV du District de Bamako, ont vécu la semaine dernière..

Par N'Famoro KEITA


Publié jeudi 31 juillet 2025 à 12:08

Sotrama : De la gloire à la décadence ?

Ces minibus tirent leur nom d’une société de transport dont l’ambition s’est noyée dans un flot de cafouillages. Aujourd’hui, les acteurs prônent une reprise en main du secteur.

Par N'Famoro KEITA


Publié mercredi 30 juillet 2025 à 10:18

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner