Animaux sauvages : Ces « médicaments traditionnels» en voie de disparition

La faune et la flore ont un grand rôle dans la médecine traditionnelle. Mais les bêtes de la brousse se font rares au fur et à mesure que leur habitat se réduit comme une peau de chagrin à cause de l’exploitation abusive

Publié jeudi 09 mars 2023 à 06:55
Animaux sauvages : Ces « médicaments traditionnels» en voie de disparition

 Ces parties de différents animaux abattus, notamment des têtes sont vendues par les «donso»

 

 

La conservation et la préservation des nombreuses formes, aussi belles que variées, de la faune et de la flore sauvages procurent de multitudes avantages à l’homme et à son environnement. D’où le besoin urgent d’intensifier la lutte contre la criminalité pesant sur les espèces sauvages. En effet, la réduction du nombre des espèces a des conséquences importantes en termes économiques, environnementaux et sociaux. Ainsi au Mali, de nombreuses espèces sauvages sont en voie de disparition de nos forêts. Une disparition à bas bruit qui touche directement la sphère cynégétique (en rapport avec la chasse) mais aussi la pharmacopée, la vie sociale, les équilibres naturels, le tourisme, etc.

Ils font commerce de marchandises peu banales. Eux, ce sont des vendeurs de tout ou partie d’animaux sauvages, désignés en bamanankan par le pseudonyme de «marabaka». Ils sont installés dans les environs de l’Institut national des arts (Ina), en plein centre-ville de Bamako, sur un site qui se repère facilement par la forte odeur qui y règne et par les nuées de mouches dans l’atmosphère.

En ce lundi matin de février, notre équipe de reportage les a rencontrés. Mamadou Traoré, aujourd’hui quinquagénaire, a fait carrière dans cette activité embrassée depuis son jeune âge  et qui lui a permis de fonder une famille et de bâtir sa propre maison. «J’ai hérité ce métier de mon père qui était un « donso » (chasseur) à l’époque. Il tuait des animaux sauvages qu’il partageait avec les membres de la communauté. En retour, ceux-ci l’aidaient dans les travaux champêtres. De nos jours, les animaux sauvages sont peu nombreux en brousse en dehors des lièvres, des perdrix et des pintades», raconte-t-il.

Certains animaux sont pourtant très demandés dans le grand public pour des raisons essentiellement médicinales, souligne le « marabaka ». Mais ces animaux ont quasiment disparu de notre pays comme par exemple le « Dadjé » (une grande antilope) ou le Sigui (le buffle sauvage), énumère-t-il. Par contre, constate Mamadou Traoré, on trouve encore des hyènes et des lions même s’ils se font rares car l’eau et l’herbe sont moins abondantes en brousse, créant un environnement peu propice à la survie autant des fauves que de leurs proies.

 

CONSERVER LE POUVOIR- Cette disparition progressive des animaux sauvages impacte directement les activités des « marabaka ». Ainsi, face à une demande en organes d’animaux sauvages qui ne faiblit pas, l’offre ne peut suivre. Mamadou Traoré cite à ce propos un produit très demandé car connu pour maintenir la femme dans le foyer conjugal : le « Siguiwolo » (la peau du buffle).


Il est aujourd’hui introuvable. Autre produit toujours recherché : la peau de lion. Les «patrons» l’achètent pour raffermir et conserver le pouvoir, explique notre interlocuteur. Malgré sa réputation controversée, l’hyène aussi est très prisée, assure-t-il. Elle apporte la chance surtout sa tête, ses poils et son museau. Sa peau sert à soigner des maladies comme le paludisme.

Pour se procurer tous ces «produits», il faut se fournir auprès des «donso».

C’est ce que fait régulièrement Mohamed Konaté, un autre « marabaka » du marché. À leur retour de la chasse, les « donso » lui vendent des parties de différents animaux abattus, notamment des têtes. Généralement, indique-t-il, il faut les fumer et les mélanger avec du beurre de karité pour fabriquer des remèdes.

Car, en cette matière, les « marabaka » ne sont qu’un maillon d’une chaîne de «soins» qui comprend aussi les grands prescripteurs que sont les féticheurs, les « djiné tigui », et les marabouts. «Toutes nos marchandises sont convoitées sur le marché, surtout par les jeunes diplômés sans emploi, les femmes en situation de détresse et les vieilles personnes», détaille Mohamed Konaté. Dans son échoppe où les prix s’échelonnent entre 500 et 100.000 Fcfa selon la rareté du produit demandé, le vendeur distingue particulièrement «la peau d’hyène qui, selon les marabouts, vous apporte la chance».

 

COUPE ABUSIVE- On comprend vite que pour cerner les enjeux fondamentaux liés à la protection de la vie sauvage, il faut repartir sur le terrain avec un chasseur, en l’occurrence Drissa Diarra communément appelé Kôtè Dri, un chasseur renommé du quartier Badialan II. Voilà 26 ans que le quadragénaire pratique ce métier, un héritage que lui a laissé son père. Et il a vu la nature changer : «Les animaux qu’on trouvait à 100 kilomètres de Bamako ne sont plus visibles qu’à plus de 500 kilomètres. La réduction de ces espèces n’est pas uniquement due à la chasse mais aussi, à l’extension des terres cultivables». «Si les animaux ont un abri sûr, ils prospèrent et se reproduisent», note le chasseur qui indexe aussi la coupe abusive des forêts qui fait fuir les animaux sauvages vers les pays frontaliers tels que la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Burkina Faso.

Ce constat, les pouvoirs publics aussi l’ont fait avant d’actualiser la réglementation. La loi n°2018-036 du 27 juin 2018 fixant les principes de gestion de la faune et de son habitat a ainsi remplacé un texte obsolète et apporté beaucoup d’améliorations favorisant une meilleure protection de la faune, indique Sagaba Samaké, un responsable des eaux et forêts.

Parmi les avancées, on peut citer, entre autres, la valorisation des connaissances traditionnelles des communautés locales à travers l’intégration des connaissances empiriques, la création d’aires protégées communautaires pour l’implication effective des riverains, la systématisation des Études d’impact environnemental, social et culturel (EIESC) pour prévoir les éventuels périls liés à la construction d’infrastructures routières, par exemple, et le compte rendu sur les tirs sanitaires afin de prendre les dispositions immédiates avant même les résultats cliniques, etc.


Les eaux et forêts ont renforcé la protection de la faune et de son habitat, en installant des brigades de lutte anti-braconnage et en promouvant l’implication des communautés par le développement de partenariats en faveur de la faune. Rappelant que la faune est un précieux trésor qu’il faut préserver pour nous et pour la génération future, Sagaba Samaké a souligné fort justement : «C’est le seul bien dont on peut tirer profit sans entamer le capital».

À ce propos justement, le Fonds mondial pour la nature (WWF) estime que la planète a perdu en moyenne près de 70% de ses populations d’animaux sauvages en une cinquantaine d’années. Ainsi, dans la dernière édition de la liste rouge mondiale (version 2022.2), sur les 150.388 espèces étudiées, 42.108 sont classées menacées.

Parmi ces espèces, WWF indique que 41% des amphibiens, 13% des oiseaux et 27% des mammifères sont menacés d’extinction au niveau mondial. La déforestation et la surexploitation des terres, l’utilisation non durable des ressources naturelles, l’introduction d’espèces invasives ainsi que le changement climatique et la pollution exercent une pression sans précédent sur la nature, précisent les Nations unies.

Fadi CISSE

Lire aussi : Cercle de Kolondiéba : Une attaque terroriste déjouée par les FAMa

Les Forces armées maliennes (FAMa) ont encore frappé un grand coup contre les groupes armés terroristes dans le sud du pays. Selon un communiqué de l’état-major général des Armées, des vecteurs aériens FAMa, en mission de surveillance et d’appui à un convoi de carburant sur l’axe Kad.

Lire aussi : Crise d’hydrocarbures: Le Premier ministre salue l'engagement des chauffeurs

Le Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga, en rencontrant, ce jeudi 6 novembre à la Primature, les quatre centrales syndicales des chauffeurs et conducteurs routiers du Mali, sur la crise du carburant, a déclaré que « les chauffeurs font plus que leur travail»..

Lire aussi : Lutte contre la drogue et stupéfiants psychoactives : Environ 78 tonnes et 400 kg de stupéfiants saisis en 2025

La sensibilisation de plus de 300.000 jeunes soit 70% de la cible prévue et la saisie d’environ 78 tonnes et 400 kilogrammes de stupéfiants..

Lire aussi : Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion sociale : L’Onapuma termine en beauté la célébration

Les pupilles du Mali et du Sénégal ont rendu visite au coordonnateur des chefs de quartiers du District. Ce dernier leur a prodigué des conseils utiles.

Lire aussi : Mopti : la résilience communautaire récompensée par la labellisation des «Communautés favorables aux Pratiques Familiales Essentielles»

À Mopti, la cérémonie de labellisation des «Communautés favorables aux Pratiques familiales essentielles (PFE)» a consacré les efforts conjoints de l’Unicef, du gouvernement malien, de la Banque mondiale et de l’ONG CIAUD Canada. Dans une région marquée par l’insécurité et la préca.

Lire aussi : La solidarité à la malienne

Des bonnes volontés offrent gratuitement de l’eau aux usagers.

Les articles de l'auteur

Journées de relance de l’agence nationale de presse : Une meilleure vision pour un meilleur futur

Faire de l’Agence nationale de presse un produit de qualité pour un public bien ciblé, l’adapter au contexte et aux réalités du moment, lui assurer un financement public et développer les partenariats sont parmi les recommandations formulées par les participants.

Par Fadi CISSE


Publié jeudi 30 octobre 2025 à 07:40

Presse : l’IA, une menace ou un atout ?

L’Intelligence artificielle (IA) est un outil informatique qui permet en une fraction de seconde de travailler comme un humain. Avec un seul clic dans les moteurs de recherche, il vous offre un résumé satisfaisant de ce que vous cherchez. Plus besoin de faire recours aux différents sites d’information. Cette prouesse technologique est-elle une menace pour les médias classiques ? C’est la question que se posent les professionnels du secteur.

Par Fadi CISSE


Publié mercredi 29 octobre 2025 à 14:26

Consommer local : Des acteurs préconisent l’industrialisation

La consommation et la valorisation de nos produits locaux étaient, jeudi dernier, au centre d’un panel organisé par la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (Ccim) sur le thème : «De 2019 à nos jours : bilan, défis et perspectives»..

Par Fadi CISSE


Publié lundi 20 octobre 2025 à 13:10

Spéculation autour des hydrocarbures : Le ministre chargé du commerce appelle à l’esprit de responsabilité et de patriotisme

Face aux acteurs du secteur, Moussa Alassane Diallo a dénoncé la spéculation entretenue autour du carburant qui, selon lui, se manifeste sous trois formes : la rétention de stocks, la hausse non justifiée des prix et la désinformation sur l’approvisionnement du pays de façon à créer la psychose.

Par Fadi CISSE


Publié mardi 14 octobre 2025 à 07:44

Complexe nautique de Samaya : La Douane malienne vise loin

C’est sous un ciel nuageux dégageant une forte chaleur que le ministre de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou, a procédé, samedi dernier à Samaya, à la coupure du ruban symbolique du complexe nautique de la Direction générale des Douanes. C’était en présence du directeur général des Douanes, l’inspecteur générale Amadou Konaté..

Par Fadi CISSE


Publié lundi 29 septembre 2025 à 07:54

Systèmes financiers décentralisés : Des efforts remarquables accomplis durant l’année écoulée

À la fin de décembre 2024, la situation du secteur de la microfinance au Mali fait état de 116 SFD, 1.586.814 membres/clients, 158 milliards de Fcfa d’encours de dépôts et 191 milliards de Fcfa d’encours de crédits.

Par Fadi CISSE


Publié mardi 23 septembre 2025 à 07:51

Titre Forum de l’investissement en Afrique : La 1ère édition aura lieu du 2 au 4 décembre 2025 à Bamako

Pour renforcer le commerce et les investissements entre les états membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), le Centre islamique pour le développement du commerce (CIDC), en partenariat avec le ministère de l’Industrie et du Commerce, organisera du 2 au 4 décembre 2025 dans notre pays, la 1ère édition du Forum de l'investissement en Afrique..

Par Fadi CISSE


Publié mardi 16 septembre 2025 à 09:46

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner