Réinsertion post-carcérale : La prison mène à la réussite

À condition d’en sortir. C’est le cas de certains ex-détenus de la Maison centrale d’arrêt de Bamako. L’histoire d’Ousmane Koné est saisissante à cet égard

Publié mardi 27 décembre 2022 à 06:55
Réinsertion post-carcérale : La prison mène à la réussite

Né vers 1991 à Bamako, Ousmane Koné est un ancien détenu de la Maison centrale d’arrêt de Bamako (MCA). Issu d’une famille recomposée, le trentenaire a abandonné l’école depuis le bas âge. Il a trainé dans la rue pendant de nombreuses années. Père d’une petite fille, il s’est engagé dans l’achat et la vente de produits stupéfiants dans un quartier périphérique de Bamako. Ousmane ne mesurait pas les conséquences de son acte.

«J’achetais des stupéfiants avec d’autres personnes et je les revendais à mon tour pour faire des bénéfices», confie l’ex-détenu. Pour des faits de vente de produits stupéfiants, il a été arrêté en 2018 par la police et a écopé d’une peine de deux ans de prison. Ousmane est envoyé à la Maison centrale d’arrêt de Bamako où il purgea une année avant d’être transféré au Centre de détention de Koulikoro pour bagarre afin d’y purger le reste de sa peine.

EXPÉRIENCE EN MILIEU CARCÉRAL- En prison, les conditions de détention sont difficiles, la solitude rythme le quotidien des détenus surtout quand on vient d’un milieu qui est parallèle à la prison, raconte l’ancien détenu. Malgré les visites de leurs proches, certains prisonniers vivent en rupture avec leurs familles, les liens deviennent compliqués surtout quand la peine est longue. «Dans de nombreux cas, les familles s’en lassent et au final plus personne ne nous rend visite. Les autres détenus deviennent notre seule famille.

On crée des liens avec eux», explique notre interlocuteur. Cependant, selon Ousmane Koné, la privation de liberté peut aider le prisonnier à prendre sa vie en main pour changer, comme elle peut le pousser à récidiver. «J’étais décidé à changer et je me disais qu’après la prison, je ne retournerai plus dans un centre de détention. La solitude était mon quotidien, je n’avais pas d’amis et je ne parlais pas beaucoup», raconte-t-il. Au-delà de la privation de liberté, le centre de détention est aussi un lieu d’apprentissage. Des activités de formation sont mises en place afin que le détenu puisse préparer sa future réinsertion au sein de la société.

LA DANCE- La direction nationale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée (Dnapes) en partenariat avec Think Peace a mis en place une série d’activités socio-professionnelles pour préparer la réinsertion des détenus.

Selon le premier responsable de la Dnapes, Ibrahima Tounkara, le programme de réinsertion post-carcérale est basé sur le volontariat. Des activités telles que la danse, la couture, la coiffure, le maraichage, la pisciculture et la menuiserie sont initiées depuis la prison. «Rien n’est imposé aux détenus qui ne veulent pas être insérés. Des programmes leur sont proposés, c’est à eux d’accepter et de choisir les activités qui leur conviennent», souligne le directeur de la structure pénitentiaire.

Timide et solitaire, Ousmane indique n’avoir participé à aucune séance de réinsertion au début de sa détention mais restait à coté pour regarder les autres dans leurs activités. «Un jour, au cours d’une activité de danse, on m’a invité à y participer et je me suis bien amusé.

La danse m’a donné une occasion de m’épanouir et d’oublier mon stress en prison. Dès lors, je n’ai raté aucune autre séance», relate avec sourire l’ex-détenu. Pendant cette activité, Ousmane confie n’avoir eu aucune difficulté car c’est une activité qu’il maitrise bien depuis son enfance. En effet, lors des soirées dansantes ou « balani show » entre copains, il remportait toujours les concours de danse.

Cependant, il nous confie que plus sa sortie de prison approchait, plus l’inquiétude et le désespoir s’installaient chez lui. «J’avais une idée. Mais comment entreprendre, qui pourrait m’aider, étaient entre autres, des interrogations qui taraudaient mon esprit», explique Ousmane. Ce qui était sûr c’est  qu’après sa détention, il ne retournerait plus en prison. Il soutient que la danse a été un éveil de conscience et un signe d’espoir pour lui.

«Je savais déjà ce que je voulais faire après ma sortie», explique-t-il.  Comme signe d’espoir, à sa sortie, il est contacté par Think Peace, une ONG qui a un programme d’insertion pour les anciens détenus. Cette organisation lui a fourni des matériels nécessaires pour se lancer dans la danse.

Selon la responsable chargée du milieu carcéral de ladite organisation, Dembélé Mariam Diarra, les ateliers de réinsertion permettent aux ex-détenus de bénéficier des séances de formation qui font en sorte qu’après la prison, ils puissent mener leurs activités pour être insérés dans la société. Les formations suivies en prison ont été d’une grande utilité pour Ousmane. Il trouva facilement sa voie dans la danse et participa à son premier spectacle qui se révèlera comme le début d’une belle carrière de danseur.

RÉINSERTION RÉUSSIE- Pour Dembélé Mariam Diarra, la réinsertion post-carcérale consiste à appuyer les ex-détenus sur le terrain et s’assurer qu’au niveau des communautés, ils sont acceptés malgré leurs séjours dans un établissement pénitentiaire. L’histoire de l’ex-détenu Ousmane Koné démontre que la réinsertion post-carcérale est bien possible. Dans un quartier chic de Bamako où nous l’avons rencontré, dans son espace de répétition, il travaille sur ses spectacles.

Il a intégré un groupe de danseurs qui joue dans divers endroits de la capitale. Ce qui lui a donné l’opportunité de rencontrer des personnalités et de franchir les frontières pour des tournées internationales. Il prépare actuellement un spectacle pour cette fin de mois de décembre et un autre pour le mois de janvier. Ousmane Koné a une activité génératrice de revenus qui occupe son temps. Ses spectacles sont beaucoup appréciés par les spectateurs.

Selon Yacouba Coulibaly, collaborateur d’Ousmane Koné et ancien détenu qui s’est inséré aussi à travers la danse, les formations initiées à leur profit ont été bénéfiques. «Grâce à ces formations, de nombreux anciens détenus disent avoir réussi à surmonter les difficultés en prison et à se reprendre en main. Car elles leur donnaient beaucoup de motivation pour refaire leur vie et se réinsérer plus facilement dans la société», témoigne-t-il.

Même si la réinsertion de Ousmane a réussi, nombreux sont les ex-détenus comme lui qui rencontrent beaucoup de difficultés.  Après un séjour dans un établissement carcéral, le retour en famille est compliqué. La première difficulté qui peut surgir après la prison est le manque de confiance des parents et le regard de la société. «Les gens ont du mal à te faire confiance surtout quand ils savent que tu as séjourné dans un milieu carcéral. Personne ne te soutient car ils se disent que tu peux récidiver à tout moment. Après une longue absence, on fait face à un nouveau monde, on cesse d’exister pour certains », déplore Ousmane Koné.

Abondant dans le même sens, Dembélé Mariam Diarra explique que les difficultés sont d’ordre social et surviennent après la prison. Pour atténuer ces difficultés, des activités de socialisation sont menées pour l’acceptation des ex-détenus au niveau communautaire. Car, beaucoup d’ex-détenus sont abandonnés par leurs familles après la détention et ils n’ont personne vers qui se tourner. Ces activités de socialisation ont permis à beaucoup d’anciens détenus de renouer avec leurs familles respectives.

Aujourd’hui, Ousmane ambitionne d’aider d’autres personnes dans le besoin. Il est co-fondateur d’une association avec Yacouba Coulibaly, dénommée « Bolon », pour aider les enfants de la rue. Le but est de soutenir ceux-ci et leur donner de l’espoir. «Think Peace a été d’une grande aide pour moi, je le dis partout, haut et fort parce qu’elle m’a donné un éveil de conscience qui m’a touché et qui a fait que j’ai pensé à aider d’autres personnes en retour», soutient l’ex-détenu. Fier d’avoir aujourd’hui une activité génératrice de revenus, Ousmane est résolument engagé à réussir sa vie sur la bonne voie et à aider les autres.



L’administration pénitentiaire a une double mission

L’administration pénitentiaire a une double mission, celle de la surveillance et la réinsertion des personnes privées de liberté. Pour le premier responsable de la direction nationale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée (Dnapes), la réinsertion consiste à rétablir le lien familial entre les ex-détenus et leurs communautés, en leur proposant des activités socio-professionnelles. Pour Ibrahima Tounkara,  celles-ci se préparent depuis la prison à travers des ateliers d’apprentissage notamment  en  menuiserie, en savonnerie, en agriculture, en élevage ou en pisciculture.

Toutefois, a-t-il souligné, ce programme de réinsertion est basé sur le volontariat. Rien n’est imposé aux détenus qui ne veulent pas être insérés. Des programmes sont proposés aux détenus et c’est à eux  d’accepter et de choisir les activités qui leur conviennent. Pour une bonne coordination des activités de socialisation, l’administration pénitentiaire s’est dotée d’une politique de réinsertion sociale qui précise les grandes orientations pour une meilleure réinsertion des ex-détenus.

À cet effet, le premier responsable de l’administration pénitentiaire a expliqué que la réinsertion est applicable aux condamnés, car leur temps de détention est déjà connu et facilement, on peut leur proposer des activités. Par contre, pour  les détenus provisoires, il est difficile de leur proposer un programme de réinsertion dans la mesure où ils ne sont pas jugés et leur temps de détention n’est pas connu.

Parlant des difficultés rencontrées par sa structure, Ibrahima Tounkara a évoqué l’insuffisance du budget dédié à la réinsertion, qui ne permet pas de disposer des activités de réinsertion au niveau de l’ensemble des Maisons d’arrêt du pays. L’idéal, a-t-il dit, serait d’avoir des activités dans chaque centre de détention. Il a pointé du doigt aussi l’infériorité du nombre de détenus condamnés et le manque des formateurs pour les détenus.

Selon lui, la législation malienne ne prévoit pas de suivi post-carcéral dans le sens que la mission de l’administration ne s’étend pas aux détenus libérés. Cependant, avec l’appui de certains partenaires tels que Think Peace, la structure est dotée d’un document de suivi post-carcéral. Cela permet aux partenaires qui sont intéressés par ce suivi d’avoir un repère.

Mariétou KOITE

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