Dr Boubacar Bocoum sur la lutte contre la corruption et la réforme pénale : «Les dispositions du Code pénal réprimant la corruption révèlent une réelle volonté de lutter contre ce fléau»

Enseignant-chercheur à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako (USJPB), Dr Boubacar Bocoum attire l’attention sur les innovations apportées au Code pénal, sans passer sous silence l’absence de certaines règles. Le professeur de droit pénal évoque également des défis dans le secteur de la justice

Publié mardi 07 janvier 2025 à 08:03
Dr Boubacar Bocoum sur la lutte contre la corruption et la réforme pénale : «Les dispositions du Code pénal réprimant la corruption révèlent une réelle volonté de lutter contre ce fléau»

L’enseignant rappelle que l’histoire récente du Mali a été marquée par la guerre contre le terrorisme et la corruption galopante. Pour lui, la plupart des observateurs attribuent les causes sous-jacentes du conflit au Mali à des dizaines d’années de mauvaise gouvernance ayant engendré la distribution inéquitable des ressources, la corruption et les atteintes aux droits de l’Homme.

Toutes choses, estime Dr Boubacar Bocoum, ayant entraîné le mécontentement de la population, la violence et l’instabilité. Il affirme qu’il ne fait aucun mystère que la corruption engendre un cercle vicieux d’injustice et d’inégalités, affectant le développement économique et social. «Elle fausse le jeu des marchés et nuit à la qualité de la vie.

Elle joue un rôle de catalyseur de la criminalité organisée et d’ingérences étrangères hostiles», souligne-t-il. Selon lui, ce mal endémique porte gravement atteinte à nos institutions dont nous dépendons et affaiblit leur crédibilité, ainsi que leur capacité à mettre en œuvre des politiques publiques et à fournir des services de qualité. Ce phénomène est une constatation flagrante dans nombre de secteurs d’activité au Mali et un mal insidieux dont les effets sont aussi multiples que délétères, déplore le spécialiste du droit pénal.

Se prononçant sur la progression de l’offre de corruption, le chercheur précise que des exemples éloquents de corruption ont outré l’opinion publique et sérieusement ébranlé la confiance dans l’intégrité des institutions publiques et privées. Mais aussi dans la vie politique et les processus démocratiques.

S’agissant des postures normatives face à cette gangrène, notre expert juge que la corruption est un cancer. Si on la laisse se développer, argumente Dr Bocoum, elle étouffera notre société démocratique et détruira ses institutions. D’après lui, en homme averti, nous devons améliorer la prévention. Il ajoute que c’est dans cette optique que le législateur a érigé un outil majeur, le Code pénal dont les dispositions réprimant la corruption révèlent une réelle volonté de lutter contre ce fléau.

NOUVEAU DISPOSITIF PÉNAL- Boubacar Bocoum soutient que le nouveau dispositif pénal a intégré les améliorations dans ce sens. Et pour preuve, insiste l’analyste, la loi n° 027 du 13 décembre 2024 a tout d’abord étendu le champ d’application «rationae personae» de l’infraction de corruption aux agents publics étrangers.

Puis, la récente loi a créé trois autres infractions : le délit d’apparence, le délit d’acceptation ou d’offre de cadeaux indus et la simulation illicite, illustre le professeur de droit pénal. Et de poursuivre par l’extension de la responsabilité juridique aux personnes morales. Outre l’extension du champ d’application «rationae personae» de l’infraction de corruption, indique notre interlocuteur, aux agents publics et de justice, étrangers ou internationaux, le législateur a également consacré la responsabilité des personnes morales.

Il en est de même pour la protection des dénonciateurs, témoins et experts. Ce faisant,  des mesures appropriées sont prises pour assurer une protection des dénonciateurs, témoins et experts contre des actes éventuels de représailles ou d’intimidation. Dans le cadre du renforcement de la saisie et de la confiscation pénale, le nouveau Code pénal, a profondément réformé le régime général de confiscation, notamment en créant des dispositifs de confiscation plus étendus, explique Boubacar Bocoum.

Ce dernier déclare que le législateur a introduit la possibilité d’ordonner des mesures conservatoires sur les biens d’une personne inculpée, notamment afin de garantir l’exécution de la confiscation. Dr Bocoum révèle que ce nouveau texte a également créé l’Agence de recouvrement et de gestion des avoirs saisis et confisqués (ARGASC) dont l’une des principales missions est d’assurer la gestion des biens saisis et confisqués nécessitant des actes d’administration.

AUTRES AVANCÉES- L’instauration d’un système visant à renforcer la lutte contre les conflits d’intérêts. De l’avis de l’enseignant du supérieur, la lutte contre les conflits d’intérêts est devenue une nécessité devant la confusion de plus en plus fréquente des intérêts publics et privés. Le législateur décide, apprécie notre consultant, de renforcer  les mesures destinées à lutter contre les conflits d’intérêts et à restaurer le lien de confiance. La suppression également du principe d’opportunité des poursuites dont dispose le parquet en matière de corruption.

Désormais, en matière de corruption, fait remarquer l’universitaire, le procureur de la République financier qui reçoit des rapports à connotation pénale d’un organisme spécifiquement désigné par la loi est tenu d’informer les responsables de ces structures des suites données à ces transmissions qui ne peuvent être classées sans suite pour raison d’opportunité conformément aux dispositions de l’article 56 nouveau du Code de procédure pénale.

 La réforme de la prescription en matière de corruption, explicite l’expert, allonge le délai de prescription de l’action civile (jusqu’à 20 ans) en même temps qu’elle consacre la jurisprudence prévoyant, pour les délits occultes et dissimulés, le report du point de départ du délai de prescription de l’action publique au jour de leur découverte.

Dans  cette amélioration, l’on retient aussi le renforcement de la participation de la société civile à la lutte contre la corruption, se réjouit l’enseignant, rapportant que la loi confère le droit pour toute association reconnue d’utilité publique et régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans qui se propose, par ses statuts, de lutter contre la corruption, de se constituer partie civile à l’audience. En outre, approuve Boubacar Bocoum, l’adoption de mesures permettant d’identifier les sociétés fictives ou sociétés écrans.

À ce niveau, défend Dr Bocoum, une disposition de la nouvelle loi qui mérite ici de retenir l’attention, est celle qui instaure des mesures permettant d’éviter le recours à des sociétés écrans aux fins de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. 

En somme, le bilan sur les lois récemment adoptées est «globalement positif, mais si la lutte contre la corruption semble enfin devenue une priorité politique, beaucoup reste à faire», commente le professeur de droit pénal. Il a évoqué les nombreux éléments qui n’ont pas encore été pris en compte dans les dernières réformes législatives. Parmi lesquels, l’absence de véritables mécanismes permettant de responsabiliser les sociétés en obligeant celles-ci à se doter de mécanismes internes de lutte contre la corruption, l’absence de réforme du système judiciaire visant une parfaite indépendance du parquet.

À ce propos, notre expert fait connaître la nécessité d’une justice pénale suffisamment forte et indépendante pour garantir l’égalité de tous devant la loi, gage d’un État de droit. Sur ce point, «le visage du parquet malien est donc paradoxal avec des actions traduisant une capacité de modernisation tout en conservant un statut hiérarchisé en lien avec le politique», souligne Dr Bocoum.

S’y ajoutent des attentes croissantes de la part du grand public, une justice rapide et efficace ainsi que des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. «De toute évidence, le Pôle national économique et financier, malgré ses succès, doit donc sans cesse s’adapter pour conserver son efficacité face à des adversaires toujours plus innovants», conclut le spécialiste du droit pénal.

Namory KOUYATE

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