
Les autorités chargées de la répression sont mobilisées pour combattre le fléau. À Sikasso comme dans les autres zones frontalières, la consommation des stupéfiants est une triste réalité. Des jeunes de 14 à 20 ans s’adonnent à la pratique qui contribue à les déshumaniser en un laps de temps. Notre équipe de reportage a approché les acteurs du secteur pour avoir d’amples informations.
Âgé d’une vingtaine d’années, Youssouf Togo réside au quartier Mamassoni. Ce jeune garçon a abandonné l’école en 8è année quand il a commencé à consommer les stupéfiants. Il a été amené deux fois chez les médecins psychiatriques après avoir piqué une crise de folie. «Chaque fois qu’il est guéri et qu’il revient à la maison, il reprend la consommation des stupéfiants avec ses amis», confie un membre de la famille Togo qui a requis l’anonymat.
Le cas du jumeau Lassine Koné est encore pire. Résidant à Wayerma II, il est très dépendant de la consommation des stupéfiants. Il passe toute la journée à déambuler dans les quartiers et tente parfois d’agresser les passants. La situation économique de sa famille fait que Lassine n’arrive pas à suivre les soins appropriés. C’est aussi le cas de Hamidou Diarra qui, malgré la drogue, était brillant à l’école. Selon ses anciens camarades de classe, sa situation s’est aggravée quand il est venu à Bamako pour poursuivre les études universitaires. À cause de la drogue, il a abandonné les études. De retour à Sikasso, Hamidou s’est fait consulter par un spécialiste de la santé mentale. Grâce aux traitements, il est devenu calme.
Le médecin colonel Nayara Sanou est spécialiste de santé mentale à Sikasso. Selon lui, il existe bel et bien un lien entre la santé mentale et la consommation des stupéfiants. À ce propos, il souligne que nombre de ses patients consomment du cannabis. Or, poursuit-il, cette drogue contient du tétrahydrocannabinol qui crée les troubles de comportement chez la personne. «Le consommateur se croit à l’aise. Il a l’insomnie. Il ne craint rien et il vaque à ses occupations», explique le Dr Sanou.
En outre, le spécialiste indique que sur 10 consultations dans la semaine, il peut recevoir deux toxicomanes. De septembre 2020 à août 2021, le Dr Sanou dit avoir reçu 69 à 80 toxicomanes. En termes de traitements, le médecin colonel procède très souvent de la chimiothérapie et de la psychothérapie permettant d’empêcher le malade de fréquenter les lieux de vente de la drogue. Par ailleurs, le spécialiste en santé mentale invite les médias à informer les populations sur les méfaits de la consommation des stupéfiants. Toute chose qui permettrait, selon lui, de réduire le nombre de consommateurs.
4,5 tonnes- «De novembre 2020 à août 2021, l’Office central des stupéfiants (OCS) de Sikasso a saisi plus d’une tonne de cannabis ou chanvre indien, dix comprimés de diazépam, plus de 277 grammes de produits pharmaceutiques contrefaits et 133 comprimés de Tramadol», révèle le commandant de l’Antenne régionale de l’OCS, le chef d’escadron Moumini Bengaly. Il estime que la saisie des stupéfiants est en régression dans la Région.
Au cours des années 2018 et 2019, l’OCS a respectivement incinéré plus de 4,5 tonnes de chanvre indien ; 1,5 kg de graine de cannabis et plus de 6.500 comprimés de Tramadol. En 2019, la structure a incinéré 7,8 grammes de cocaïne, 12 grammes de crack, 1 gramme de off, plus de 245 kg de cannabis, 389 boules de cannabis, 1,5 kg de graine de cannabis et plus de 300 comprimés de Tramadol. «Sikasso est une zone carrefour car c’est le point de rencontre des Burkinabés, des Ivoiriens et des Guinéens. C’est cela qui facilite l’entrée des stupéfiants», explique-t-il, précisant que parmi les pays limitrophes, c’est le Burkina Faso qui importe la plus grande quantité de stupéfiants au Mali.
S’exprimant sur les types de stupéfiants consommés à Sikasso, Moumini Bengaly cite le Tramadol car il coûte moins cher. Un comprimé de Tramadol est cédé à 25 ou 50 Fcfa par les revendeurs. En plus du Tramadol, il y a aussi le cannabis qui est très consommé à Sikasso, selon le chef d’escadron Bengaly. Pour lui, les trafiquants de drogue dissimulent leurs marchandises dans plusieurs parties du véhicule : pneu, volant, tableau de bord et feux rouges. D’autres se servent des poupées, des boîtes de sardine, des mannequins (en plastique) ou des marionnettes.
Pour bannir le trafic de stupéfiants dans la Région, le chef de l’OCS de Sikasso pense qu’il faut mettre l’accent sur le renseignement. Pour cela, il demande la collaboration des populations. «Au cours de l’année 2020, nous avons effectué 50 voyages et interpellé 69 dealers, dont 3 Nigérians, 3 Burkinabés, 3 Guinéens et 60 Maliens. De novembre 2020 à ce jour, nous avons effectué 16 voyages et interpellé 18 individus, dont 1 Burkinabé, 1 Ivoirien, 1 Nigérian et 15 Maliens», relève-t-il.
Le procureur près le Tribunal de Sikasso, Maky Sidibé, rappelle que la consommation des stupéfiants est interdite par l’article 99 de la loi n°01-078 du 18 juillet 2001 portant sur le contrôle des drogues et précurseurs interdits. Selon le magistrat, la juridiction de Sikasso a enregistré l’année dernière 44 détenus pour consommation et détention de stupéfiants.
Mariam F. DIABATÉ
Amap-Sikasso
Mariam DIABATE / AMAP - Sikasso
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