
L’Essor : Il est facile de mettre un nom sur le visage. Mais qui êtes-vous réellement ?
Je suis Mme Wassa Dao enseignante et présidente de l’Association des bouffons de Koutiala. Je suis diplômée en dessin bâtiment et après quelques années de chômage, je me suis reconvertie enseignante en faisant une formation en pédagogie pour être apte à dispenser des cours aux tout petits.
L’Essor : Quel contenu donnez-vous au korèduga ?
Pour moi, le korèduga symbolise les vertus de résignation, de pardon, de passivité mais aussi de sagesse. C’est un mouvement culturel très répandu dans le Miniankala et très bien structuré au niveau de sa société secrète. Son emblème est le vautour, un oiseau très mystique et se caractérise par le respect du prochain, la décrispation de toutes les situations conflictuelles. En un mot, le korèduga, c’est celui qui apporte la joie dans les cœurs, qui prône l’entente, l’atmosphère de la bonne intelligence sociale dans la communauté.
L’Essor : Comment conciliez vous l’enseignement avec cette pratique culturelle ?
Je commencerai par préciser que le Korèduga n’est toujours pas compris. Pour moi, c’est un héritage familial. J’ai de qui tenir, puisque mes parents et grands-parents étaient des initiés de cette société secrète durant toute leur existence. Cette pratique culturelle n’est pas liée au niveau d’études, ni au sexe encore moins à la religion.
Quel que soit le niveau de la formation, on ne peut être au dessus du Kurèduga parce que c’est le statut supérieur de la sagesse dans tous les domaines de la vie. Notre ménage est toujours accompagné par un Gon (symbole de Kurèduga), c’est une tradition de la famille. Cet instrument spécifique accompagne toujours nos trousseaux de mariage pour nous rappeler, mais aussi annoncer à la belle famille le statut de Korèdouga.
Son lien avec l’école est très pertinent. C’est une école de vie et nous utilisons beaucoup la philosophie du Korèduga pour attirer l’attention des enfants sur les mauvais comportements, les relations humaines, le sens de la responsabilité. Mais aussi le respect des biens publics, l’amour de la patrie, les maux de la société, notamment l’égoïsme, l’ingratitude, la méchanceté et l’ignorance pour éduquer, informer et sensibiliser les mômes.
L’Essor : Quel est votre secret de jumeler l’enseignement et le Korèduga ?
Le Korèduga est d’office enseignant, guérisseur, fédérateur, éducateur, réconciliateur et bâtisseur. Il est également le détenteur d’un savoir-faire et un savoir-être. Il a le devoir d’inculquer son savoir à la société, particulièrement aux enfants. Donc, je suis dans mon rôle de Korèduga lorsque je suis en face des enfants dans la classe. J’utilise la pensée du Korèduga pour renforcer mes cours et cela a été un grand atout pour moi, car le Korèduga est aussi un esprit de patience, du courage et de résilience.
L’Essor : Les Korèdugaw font tout à l’envers. Par exemple dire «aw ni su», c’est-à-dire bonsoir, en plein jour, ou je ne suis pas content de te rencontrer pour signifier son hospitalité. Est-ce un langage d’initiés ?
Pour les korèdugaw, le monde est une fausse apparence et le Kurèduga veut tout simplement corriger ce mensonge sans blesser ou nuire à qui que ce soit. Pour lui, c’est le faux qui apparaît et donc il dit toujours le contraire pour attirer l’attention des humains sur le bon coté. Il s’agit également de montrer que l’apparence est trompeuse, c’est pourquoi il s’habille en haillons ornés avec des objets usés et inutiles. Cet aspect ludique du Kurèduga est aussi pédagogique pour amener les gens à oublier les difficultés et la nostalgie.
L’Essor : Quel est le rôle fondamental du korèduga dans la société africaine ?
Il joue un rôle de premier plan au niveau de la communauté, parce qu’il est avant tout le grand baobab du village et chacun peut s’en servir. Il sert aussi de conseiller, d’éducateur, de thérapeute. Il a la mission de se mettre au service de la société pour créer un équilibre entre les hommes et instaurer un esprit de paix, d’entente et de vivre ensemble.
Les Kôrêdugaw occupent une place centrale dans l’identité culturelle des communautés maliennes. Ils sont de grands dépositaires de savoirs sur les plantes utilisées pour guérir les maladies, traiter les femmes qui souffrent de l’infertilité. Ils incarnent la générosité, la tolérance, l’inoffensivité et la maîtrise du savoir, mais surtout se plient aux règles préétablies par la société contre le mensonge, le vol et le viol…
L’Essor : Qu’est-ce que l’Association des bouffons de Koutiala ambitionne de réaliser dans une année estampillée culturelle ?
Notre rôle sera déterminant, car nous sommes un groupement qui participe au développement de notre communauté. Nous sommes un trait d’union entre les différentes communautés et participons à tous les événements. L’association fabrique des savons «Minanko safinè» pour la vaisselle, mais aussi pour la lessive, à un coût accessible à la bourse du citoyen lambda et à la qualité avérée. Les femmes de Koutiala apprécient bien. Notre petite unité de production contribue au développement et permet à l’association de s’épanouir.
Je pense qu’on ne peut pas traverser une année de la culture sans le retour à nos valeurs éthiques. Le Korèduga est le meilleur exemple du retour à ces valeurs parce que la pratique a franchi des siècles, selon des aînés qui ont été initiés.
Au-delà, notre association organise chaque année une manifestation avant l’hivernage pour implorer Dieu en vue d’une bonne récolte de l’année à venir. Mais aussi pour exaucer l’aspiration à la parenté de couples infertiles, la guérison des malades, la quête de conjoints pour les jeunes filles et aplanir d’autres difficultés de la société. Et les vœux émis sont généralement exaucés. Beaucoup de gens nous reviennent pour remercier l’esprit du Kurèduga.
L’Essor : Avez-vous un message particulier ?
Naturellement. En tant qu’éducatrice et initiée au Korèduga, je lance un appel pour le retour aux valeurs fondamentales qui représentent l’essence de notre développement socioéconomique et culturel. Nous devons rester très attachés à nos valeurs pour bien vivre et nous épanouir dans nos entreprises et projets.
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Un mode d’expression atypique
Faire un tour à Koutiala, la capitale de l’Or blanc, sans rencontrer ou entendre parler de Wassa Dao relève quasiment de l’impossible. L’enseignante initiée au korèdugua est citée en exemple un peu partout.
C’est une femme débordante d’énergie et semble avoir une emprise sur le monde moderne qui nous invite à entrer dans une salle. Drapée dans de vieux lambeaux, parés de colliers de fève et d’objets divers, elle surprend par son mode d’expression.
«Aw ni su», prosaïquement bonsoir, nous lance-t-elle à la figure en plein jour. Pas le temps de digérer notre étonnement, elle enchaîne «je ne suis pas contente de vous recevoir. Je vous souhaite de vivre un jour sans».
Après explications, ces paroles devaient être interprétées à l’envers parce qu’elle nous marquait son hospitalité et nous souhaitait de vivre un agréable séjour dans sa ville.
Propos recueillis par
Amadou SOW
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