![#Mali : Mariage forcé : Des vies brisées à jamais ?](http://admin.journalessor.ml/assets/img/posts/1715884262.jpg)
Le
mariage au Mali est un acte solennel par lequel un homme et une femme
établissent entre eux une union dont les conditions, les effets et la
dissolution sont régis par le code civil dans le cas du mariage civil ou par
les lois religieuses dans le cas du mariage religieux. À côté des unions
librement consenties, nous assistons à des mariages où généralement le
consentement de la femme n’est requis pour sceller l’acte.
Ainsi, il
n’est pas donné à toutes les femmes de choisir leur époux. Certaines doivent
accepter de gré ou de force leur nouveau mari. Ce mariage sans consentement dit
également forcé est un phénomène répandu dans notre pays. Selon une étude du
Fonds des Nations-unies pour l’enfance (Unicef), datant de 2020, le Mali
enregistre un taux de prévalence du mariage forcé de 61% se classant parmi les
10 pays les plus affectés par cette pratique. Nombreuses sont les victimes de
cette relation forcée qui souffrent en silence.
Assétou
(nom d’emprunt) est mariée, il y a 12 ans à un homme qu’elle n’a jamais aimé.
L’insistance de sa mère l’a obligé à accepter la demande de son prétendant.
Assétou explique que les arguments avancés par sa génitrice étaient que l’amour
d’une femme pour son mari n’a pas d’importance, et que cela va naître plus
tard, avec le temps. «Elle a essayé de me convaincre en me disant que mon futur
mari est riche, qu’il va me combler de cadeaux», confie cette promotrice d’un
salon de coiffure qui avait espéré un jour tomber amoureuse de son conjoint.
Douze ans
après, aucun germe de l’amour n’a poussé dans son cœur. Conséquences ? Elle n’a
jamais pris plaisir à satisfaire ses devoirs conjugaux avec son mari. «Certains
s’imagineront que j’ai un copain. Je n’ai jamais connu un autre homme avant et
après mon mariage», assure celle qui s’est résignée à rester dans ce mariage et
y passer le restant de sa vie convaincue que c’est son destin. Elle justifie sa
décision par le fait qu’elle est mère de deux filles qui ne méritent pas de
vivre séparées de leurs parents. «Mais, je reste aussi par pitié pour lui qui a
tout fait pour que je puisse l’aimer. Il est resté gentil et doux. Il n’a
jamais crié sur moi à plus forte raison me frapper», avoue la coiffeuse.
La jeune
Bintou a été mariée en 2020 contre son gré à l’un de ses cousins. Elle affirme
que c’est une décision de ses parents visant à renforcer les liens de parenté.
Son dégoût pour cette union était si énorme qu’elle ressentait toujours de
l’horreur lors des rapports intimes avec son conjoint. «Je vomissais durant
l’acte. Cela a fini par me donner le dégoût de faire l’amour. J’ai fui à
plusieurs reprises pour aller chez mes parents. Ils m’ont toujours conduite de
force chez mon mari», se souvient l’habitante de Lafiabougou, en Commune IV
du District de Bamako.
Il lui est arrivé
d’aller se cacher chez une de ses amies. Finalement, elle sera repérée à
travers son numéro de téléphone grâce au concours d’un opérateur de téléphonie
mobile. Après son accouchement, Bintou est allée chez son père pour la
quarantaine. C’est à la suite de ce séjour qu’elle a supplié son père de ne pas
la renvoyer chez son époux.
Aujourd’hui, la jeune commerçante est en instance
de divorce. Mais, elle craint de rester célibataire à vie comme l’a menacé son
désormais ex-mari. Ce dernier, témoigne-t-elle, est un adepte des pratiques
surnaturelles. «Quand j’étais chez lui, il venait tout le temps avec des
décoctions prises avec des marabouts et des charlatans afin de gagner mon
amour», se souvient-elle. Contrairement à Bintou qui a préféré fuir son «mari
forcé», d’autres femmes commettent l’irréparable. Elles attentent à leur vie ou
à celle de leur époux.
RÉSIGNATION-
L’on s’en souvient, en décembre 2021 à Koulikoro, selon des sources
sécuritaires, une victime du mariage forcé âgée de 16 ans avait tué son
conjoint à l’aide d’un pilon. La même année, une autre s’était donnée la mort
par pendaison à Yilimalo, un hameau du Cercle de Bafoulabé. Des proches de la
victime avaient affirmé que le mariage forcé était à l’origine de son suicide.
Elle
avait été battue et amenée de force chez son mari quelques jours avant son
geste fatal. L’imam d’une mosquée de Yirimadio en Commune VI du District de
Bamako, Mohamed Koné, indique qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point
de consentement. «Nous invitons encore les parents à faire preuve de compassion
pour leurs enfants et de mettre fin aux mariages forcés», plaide-t-il, avant de
préciser que le mariage en islam est conditionné notamment au consentement de la
femme, celui de son tuteur et la présence d’au moins deux témoins musulmans et
honnêtes.
Quant à
notre code du mariage et de la tutelle, son article 283 stipule : «Il n’y a pas
de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement. Le consentement n’est point
valable s’il a été extorqué par violence ou s’il n’a été donné que par suite
d’une erreur sur la personne. Il doit être donné oralement et en personne
devant l’officier d’état civil par chacun des futurs époux. Il est constaté par
la signature ou à défaut par l’apposition d’empreintes digitales au pied de
l’acte», dira un avocat qui a requis l’anonymat.
Pour lutter contre le mariage forcé, le sociologue Modibo Touré déclare qu’il faut mener des actions de sensibilisation auprès des parents et des autorités afin de les informer des dangers sur les mariages forcés.
Il
explique qu’il faut informer les enfants et les jeunes sur leurs droits et leur
apprendre à les défendre. Modibo Touré propose de lutter contre les barrières à
l’éducation afin de garder les filles à l’école. Et de poursuivre qu’il faut
aider les familles à augmenter leurs revenus, grâce à la création
d’opportunités d’épargne et d’activités génératrices de revenus pour éviter que
les parents ne marient leurs filles et aient les moyens de les envoyer à
l’école.
Car, justifie-t-il, très souvent, ces familles n’ont pas de sources de revenus pour prendre en charge les enfants. Les filles, dans ce cas de figure, servent de prétexte en les donnant en mariage afin de diminuer les charges d’une part et d’autre part éviter les dérives d’une débauche qui pourrait déshonorer la famille.
Djeneba BAGAYOGO
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