Idéaux du 26 Mars : Le défi de résister, en toutes transitions

Que le temps passe vite. Il y a 34 ans, un vent venu des bords de la Spree, sous affluent du fleuve Elbe qui arrose Berlin, en Allemagne, changeait le destin politique de plusieurs pays du continent et de notre pays.

Publié mardi 25 mars 2025 à 07:46
Idéaux du 26 Mars : Le défi de résister, en toutes transitions

Deux ans presque auparavant, un «mur de la honte» s’effondrait sous le coup de boutoir des forces progressistes assoiffées de démocratie en Europe, en Amérique latine, en ex-URSS, en Afrique et dans une moindre mesure en Asie. Les changements démocratiques, comme une trainée de poudre, se sont emparés du continent africain au rythme des révolutions de palais plus ou moins sanglants, de conférences nationales, de l’instauration du multipartisme partiel ou intégral et de la restauration de plusieurs pans des libertés individuelles collectives escamotées pendant plusieurs décennies après les indépendances.

Dans notre pays, la révolution du 26 mars 1991 a mis fin à 23 ans de régime civilo-militaire avec les phases de gouvernance du Comité militaire de libération nationale (CMLN) et de l’Union démocratique du Peuple malien (UDPM). À l’aube de mémorable 26 mars 1991, le vent nouveau de la démocratie a rafraichi le Mali, le Ramadan et la saison chaude ne semblaient entamer en rien l’ardeur des acteurs du « mouvement démocratique», chapoté par la coordination des associations et organisations démocratiques.

Des hommes et des femmes, dans des associations, mouvements et partis clandestins d’abord, puis autorisés (les associations) par le régime qui sera leur victime, s’étaient mis de longue date à créer les conditions du changement politique. Puis arrive le vent de la démocratie pour les aider à parachever leur lutte.

La nouvelle gouvernance démocratique s’installait, au détour d’une transition menée par les civils et les militaires et des élections générales en 1992, avec un trop plein de promesses de changement radical à tous les niveaux. Le Malien se mettait à rêver d’un Mali nouveau et d’une vie nouvelle dont les libertés nouvelles ne suffisaient à combler. La forte demande sociale attendait d’être satisfaite et chacun voulait sa quote-part de bonheur.

Des chantiers nouveaux ouverts sur tous les fronts ont donné des éléments de preuve de ce changement général promis : écoles, centres de santé, routes, projets générateurs de revenus. L’Adema, nouveau parti au pouvoir, qui s’est installé à Koulouba, à l’Assemblée nationale et dans une bonne part de municipalités aura laissé son empreinte d’un parti fort et structuré. Même si le premier mandat du Président Alpha Oumar Konaré a soufflé quelques braises ardentes sur le front social et jusqu’au sein du parti. 
La fin d’une décennie de règne de l’Adema en 2002 et son incapacité à réussir le passage de témoin en son sein a été le début d’un dépérissement de l’image de marque du renouveau de la gouvernance démocratique dont elle aura été le porte flambeau.


À partir de là, le fait partisan qui fait la force de la gouvernance politique a laissé la place à une nouvelle forme de gouvernance avec un candidat indépendant et des partis satellites autour. Les observateurs de l’espace politique malien peuvent se demander si ce type de transition politique de la gouvernance, une décennie après la révolution du 26 mars, était vraiment pensée par les acteurs de la frange politique du mouvement démocratique car c’est bien à la composante militaire qu’il est revenu de reprendre le flambeau en 2002, avec le retour au pouvoir du soldat de la démocratie, Amadou Toumani Touré, élu avec une coalition de partis autour du «Mouvement citoyen».

De cette date à ce 26 mars 2025, différentes vagues auront secoué  le marigot politique malien jusque dans ses profondeurs insoupçonnées : deux mandats présidentiels non aboutis, trois insurrections militaires, trois transitions. À la décharge des pionniers de la démocratie malienne, l’on mettrait dans la balance les contingences socio-économiques, géopolitiques pour lesquelles le pays a été rarement bien préparé à contrer les impacts : dévaluation du franc CFA, ajustements structurels, terrorisme, printemps arabes, etc.

Pour autant, le mouvement démocratique aura laissé son empreinte à travers plusieurs pratiques républicaines ancrées, en dépit des changements de régimes : la semaine et la journée des Martyrs, le mois de la solidarité et de lutte contre l’exclusion, l’espace d’interpellation démocratique, etc. Il aura aussi marqué les esprits par des édifices comme les monuments, des infrastructures de la mémoire en lesquels les Maliens se retrouvent. Comme ce fut le 17 mars dernier au monument Cabral, ce 26 mars le Président de la Transition ou son représentant procédera au dépôt de gerbes de fleur au Monument des Martyrs en présence des représentants des associations et organisations démocratiques et de certains pionniers du 26 mars 1991.


À 34 ans, la démocratie malienne semble à la croisée des chemins, entre transition politique, avènement d’un monde multipolaire, naissance de l’AES, dénonciation des partenariats bilatéraux et multilatéraux (départ de l’ambassadeur de France, des forces françaises, de la Miunsma, sortie du G5 Sahel, de la Cedeao, de la Francophonie). La démocratie malienne, née des idéaux du 26 mars 1991, tente de résister aux transitions tous azimuts, surtout en cette période de transition, d’affirmation forte de la souveraineté du Mali sur fond de construction du Mali kura. Et surtout au début d’une 4e république naissante qui marque le crépuscule de la 3e république, enfant légitime de la révolution du 26 mars 1991. Et pourtant, «les derniers des Mohicains» du 26 mars 1991 encore en activité tentent de sauver un héritage malmené tout en restant scotchés aux idéaux de la lutte pour la démocratie, afin de continuer d’honorer la mémoire des nombreux martyrs tombés pour la cause.


Ali Nouhoum Diallo, Mountaga Tall et bien d’autres continuent de se battre à la loyale par la force des idées et des actions pour ce faire. Leurs partis continuent, par le système d’alliance et de regroupement, à porter la voix dans l’espace politique. Pour autant la relève est-elle assurée ? La nouvelle génération du landerneau politique malien tente de prendre ce qui est à prendre de cet héritage qui a presque leur âge, non sans vouloir suivre sa propre voie. Est-elle bien formée idéologiquement comme ses devanciers héros du 26 mars 1991 ? La réponse mérite une longue patience, une observation minutieuse et un pari pour un renouveau politique malien de belle facture.

Alassane Souleymane

Lire aussi : Fonctions publiques au Mali : Les agents non identifiés seront radiés des effectifs après le délai de grâce

Les agents qui ne se sont pas présentés lors des opérations d'identification biométrique ont un délai de grâce de trois mois, allant du 8 septembre au 8 décembre 2025 pour régulariser leur situation administrative.

Lire aussi : Incivisme : L’artiste Black M. interpelé

De son vrai nom, Alpha Diallo, le rappeur Franco-guinéen, connu sous le nom d'artiste « Black M », en séjour en Côte d'Ivoire et se trouvant dans une situation de conduite imprudente, a été interpellé..

Lire aussi : Insolite: Neymar désigné hériter d'un autre homme que son père

Nouvelle incroyable au Brésil concernant Neymar Jr. En effet, le footballeur a été désigné hériter d'un milliardaire en dollars autre que son père. Le testament a été rédigé à son nom..

Lire aussi : Goundam : Le geste philanthropique d’El Hadj Alphamoye Haîdara

Une habitante de la ville de Goundam a vu sa maison effondrer suite aux multiples érosions et intempéries survenues au cours de la saison d’hivernage..

Lire aussi : Kayes : EDM-SA rétablit l’électricité dans le secteur des logements sociaux

Après avoir passé trois nuits dans le noir, certaines familles des logements sociaux de Kayes et ses alentours ont enfin poussé un ouf de soulagement suite au rétablissement de l’électricité dans leur secteur. Rappelons que certaines concessions de la cité ATT Bougou (logements sociaux) et .

Lire aussi : Mopti : Plusieurs points à l’ordre du jour de la 2è session ordinaire du CROCSAD 2025

La salle de conférence du gouvernorat de Mopti a abrité du lundi au mardi dernier les travaux de la 2è session ordinaire du Comité régional d’orientation, de coordination et de suivi des actions de développement (Crocsad) de la région au titre de l’année 2025..

Les articles de l'auteur

Perspectives sahéliennes : Yeux doux pour l’AES, d’Ouest en Est

La diplomatie américaine sous le Président Donald Trump continue de surprendre les observateurs des relations américano-africaines, à la lumière des récentes déclarations de hauts responsables diplomatiques..

Par Alassane Souleymane


Publié mardi 02 septembre 2025 à 07:47

Perspectives sahéliennes : La citoyenneté sahélienne, par les jeunes, entre camps et brigades

Au moment où il répondait à l’invitation de son homologue malien, le Général de Division Abdoulaye Maïga, pour le lancement de la Brigade citoyenne au Mali le 20 août dernier, le Premier ministre burkinabè, Rintalba Jean Emmanuel Ouédraogo, laissait derrière lui, dans son pays, les dernières séquences d’une initiative citoyenne nationale dénommée Camp Vacances Faso Mêbo..

Par Alassane Souleymane


Publié mardi 26 août 2025 à 09:32

À l’heure du Mali : Dans la marche du monde, bas les mythes !

Elle a captivé l’attention du monde entier, le temps d’un éclair. Et deux mois après sa fin, qui s’en souvient encore ? Nous parlons de la désormais célèbre «guerre des 12 jours» entre l’Iran et Israël. Les conflits les plus brefs sont souvent le fruit d’une conclusion tacite sur le vainqueur ou d’un compromis autour des intérêts vitaux des puissants protagonistes..

Par Alassane Souleymane


Publié vendredi 22 août 2025 à 08:17

Perspectives sahéliennes : L’impératif d’un cadre humanitaire coordonné

Du 7 au 9 juillet dernier, la ministre malienne en charge du Développement social a eu la lumineuse initiative de réunir à Bamako les acteurs humanitaires de l’espace AES, ainsi que quelques pays amis, pour réfléchir à une problématique brûlante d’actualité : «Politiques humanitaires et mécanismes de financement de l’action humanitaire dans l’espace AES : enjeux, défis et perspectives»..

Par Alassane Souleymane


Publié mardi 19 août 2025 à 08:09

À l’heure du Mali : Les racines du Mali contre les sirènes de la France

Les obsèques de l’ancien ministre Tiébilé Dramé n’ont pas été seulement un moment de recueillement et de mémoire pour un homme politique qui aura été de toutes les luttes pour la démocratie et les libertés. Elles ont aussi marqué un moment de retrouvailles pour une certaine classe dirigeante ayant régné sur le Mali durant une époque charnière que l’on peut appeler «l’ère démocratique»..

Par Alassane Souleymane


Publié lundi 18 août 2025 à 08:06

Perspectives sahéliennes : Salkadamna ou le début de la révolution industrielle au Sahel par le charbon

Il est des propositions qui tombent à point nommé, et pour étayer un proverbe : l’union fait la force. La proposition du Niger en fin de semaine dernière, invitant ses partenaires du Mali et du Burkina Faso à s’associer à l’exploitation de sa mine de charbon de Salkadamna, mérite une attention immédiate..

Par Alassane Souleymane


Publié mardi 12 août 2025 à 08:46

À l’heure du Mali : «Mali kura taasira», avec la torche de Sika Koné

Du 29 mai au 4 août, le décompte nous donne deux mois et six jours. Cet intervalle correspond à la période consacrée à la publication des comptes rendus des émissions du programme de communication gouvernementale intitulé «Mali kura taasira», qui en était à sa troisième édition, sous la férule du Centre d’Information Gouvernementale (CIGMA)..

Par Alassane Souleymane


Publié vendredi 08 août 2025 à 10:06

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner