
L’Essor : À la 29è édition du Fespaco à Ouagadougou, notre pays a présenté une dizaine de films en compétition officielle et obtenu deux prix spéciaux. Notamment le prix du documentaire long métrage de l’Uemoa pour votre film Fatow ou les fous et celui de l’Assemblée législative de transition du Burkina pour Klema, la saison sèche, de Boubacar Gakou Touré. Qu’est ce qui explique ce bilan mitigé ?
Fousseyni Maïga : Le bilan de la participation malienne à cette édition du Fespaco est plus que satisfaisant de notre point de vue, tant au regard des conditions dans lesquelles les films présentés ont été produits, que du passé récent de notre cinéma. Depuis 6 ans, aucun film malien n’avait été présent dans la catégorie long métrage fiction. Cette année, le pays avait deux films en lice dans la course pour l’étalon d’or.
Les productions maliennes étaient en compétition avec des œuvres qui avaient bénéficié du financement de leurs pays respectifs et de l’accompagnement des guichets de financement internationaux. Pendant les éditions passées de ce rendez-vous africain du 7è art, une dotation spéciale était mise à la disposition du Centre national de la cinématographie du Mali (CNCM) pour la production d’un film long métrage qui devait porter les couleurs du Mali au Fespaco.
pour cette édition, aucune dotation n’a été mise à disposition. Qu’à cela ne tienne, le pays a présenté 11 films et dans toutes les sections classiques du Fespaco. Nous avons présenté également 2 films dans les catégories fiction et documentaire long métrage. Le fait seulement d’être présent dans cette section est en soi une victoire. Cela dénote de la vitalité de notre cinéma et de la forte capacité de résilience des acteurs du cinéma. Le secteur cinématographique malien fait face à de nombreux défis. Mais au-delà, le cinéma malien connaît une nette progression qui pourrait avoir un plus grand impact, si des mesures d’accompagnement sont prises en faveur du secteur.
L’Essor : Les œuvres cinématographiques que nous avons envoyées au Fespaco n’ont pas été vues auparavant. Des professionnels estiment qu’elles devraient être préalablement soumises aux critiques. Ne pensez vous pas que cela aurait permis de les améliorer ?
Fousseyni Maïga : La présentation des œuvres aux professionnels avant le Fespaco et leur distinction est un faux débat. Des œuvres ont été présentées aux professionnels avant d’être envoyées au Fespaco ou dans d’autres festivals, mais n’ont pas été primées. Certaines n’ont même pas été sélectionnées. Par contre, certaines œuvres n’ont jamais été présentées en amont aux professionnels, mais ont raflé des distinctions à travers le monde, y compris au Fespaco.
Chaque film a son histoire et derrière chaque œuvre, se cachent des réalités qui vont au-delà des supputations. Tous les films au festival sont envoyés directement soit par le réalisateur ou son producteur. Le CNCM ne dispose d’aucun moyen d’appréciation sur les films. Le CNCM soumet ses films de la même manière. Les films maliens envoyés au Fespaco sont des œuvres indépendantes et rien n’oblige les réalisateurs à les soumettre au visionnage du CNCM.
Les films sont jugés par des jurys, dont l’appréciation reste subjective. Le plus important de mon point de vue reste notre présence et la qualité des œuvres présentées. Les jugements de valeur qui ne tiennent pas compte du contexte dans lequel les films maliens ont été présentés cette année et des avantages comparatifs dont disposaient les films avec lesquels ils étaient en compétition n’ont pas lieu d’être. Nous nous inscrivons dans un processus de construction et partons du principe qu’avec un minimum d’accompagnement, le niveau de nos œuvres sera substantiellement relevé.
L’Essor : La problématique de financement du cinéma malien est une réalité. Mais est-ce que la fusion du Fonds d’appui à l’industrie cinématographique (FAIC) et le CNCM ne pourrait pas être une solution ?
Fousseyni Maïga : Il ressort clairement que la dotation du FAIC n’a toujours pas reçu l’adhésion favorable des services techniques du ministère de l’Économie et des Finances. Les arguments évoqués pour justifier cet état de fait sont à la fois conjoncturels et légitimes. La clé aurait pu être une volonté politique qui se fait attendre depuis des années. À la lumière de ces réalités, il reste évident que le département doit envisager des alternatives internes pour faire bouger les lignes.
Le contexte politique, avec la volonté manifeste du Chef de l’État de dédier cette année à la culture, est une magnifique opportunité à saisir en termes de lobbying et de plaidoyer. Avec une synergie d’actions des différents acteurs et un effort de persuasion, le Fonds pourrait bénéficier d’une dotation ne serait-ce que symbolique. Bien entendu, la fusion du CNCM et du FAIC reste une solution envisageable en dernier recours.
L’Essor : Pensez-vous que notre pays a besoin d’une véritable école supérieure des métiers du cinéma ?
Fousseyni Maïga : La création et le développement d’une école spécialisée dans les métiers du cinéma seraient une excellente soupape pour la professionnalisation du cinéma malien. Mais en attendant que les conditions soient réunies pour atteindre cet objectif, il est important de s’appuyer sur l’existant. Le Conservatoire des arts et métiers multimédia Balla Fassèkè Kouyaté travaille sur un Master spécialisé dans les métiers du cinéma. Cette dynamique doit être encouragée et soutenue.
Elle serait une excellente alternative. Aussi, le Laviscol et l’IUT ont entamé une démarche très louable au niveau de l’Université Yambo Ouologuem. En appuyant leurs efforts, nous pouvons créer un écosystème dynamique en termes de formation. Nous avons également l’opportunité de mobiliser les meilleures expertises ici au Mali dans le cadre de formations ponctuelles et différentes master class thématiques.
Propos recueilis par
Youssouf DOUMBIA
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