![Société : Nous, les juifs de Tombouctou](http://admin.journalessor.ml/assets/img/posts/1648800922.jpg)
Apparemment, la question juive fait partie des mystères de Tombouctou. Dans cette publication, nous ne nous intéressons principalement qu’à la revendication identitaire conduite à partir de 1996 par Zakhor, une Association tomboctouctienne d'amitié avec le monde israélite.
Et pourtant le sujet n’est pas nouveau. Les traditions les plus anciennes ont signalé la présence des juifs déjà dans l’empire du Ghana. Les juifs ont fait partie de l’histoire de Koumbi, d’Aoudaghost et de Oualatta, trois grandes villes que les griots chantent toujours.
Le chercheur national contemporain le plus accompli sur la thématique reste Ismaël Diadié Haïdara. Lui-même fait partie de cette communauté. On peut même dire que c’est sur la voie de sa propre quête identitaire qu’il a réuni les matériaux qui aujourd’hui constituent une source de référence. Méthodiquement, il a collecté et exploité plusieurs types de matériaux dont le récit historique qui en tant que tel fait lui-même partie de l’histoire. Il y a les reconnaissances de dette, les bons de livraison entre commerçants juifs et arabes de la localité, documents comptables élaborés en arabe et en hébreux. Il y a surtout les pratiques agricoles dont le jardinage, la culture du blé et la linguistique….
En 1996, les « juifs oubliés de Tombouctou » ont refait surface vaillamment avec la publication d’un manifeste intitulé « Nous, juifs de Tombouctou ». Le manifeste dont il est question était en fait une lettre adressée au président de la République du Mali, au président de l’état d’Israël, à toutes les représentations diplomatiques accréditées au Mali et à toutes les communautés juives de par le monde.
La lettre est d’inspiration biblique. Elle fait une référence directe au prophète Moïse dans le Deutéronome 32.7. « Rappelle-toi les jours d'autrefois, remonte le cours des années, de génération en génération demande à ton père et il t'apprendra… », peut-on lire. Le texte poursuit « … le temps est venu de nous souvenir, et ce temps est des plus difficiles de notre Histoire depuis l'édit de l'Askia Muhammad qui nous obligea à nous convertir à l'islam en 1492, car de nos jours, il nous appartiendra de remonter le cours des années, de générations en générations, de rappeler nos origines israélites que nos pères et les pères de nos pères ont gardé en silence, et d'assumer cette origine ».
Cette référence à Askia Mohamad dans la pensée de cette communauté est essentielle. C’est sous son règne, à la tête de l’empire Songhoy et sous l’influence de certains de ses conseillers, que les juifs ont été contraints à embrasser l’islam. Cette conversion forcée intervenait, semble-t-il en violation des droits des juifs en terre d’islam. Ceux qui n’acceptaient pas cette conversion devaient partir.
Beaucoup sont restés en se confinant dans le secret de leur foi ; cette foi dont ils ont conservé et transmis la mémoire au fil des générations. C’est cette même volonté qui a nécessité la création de ZAKHOR, Association tombouctienne d'amitié avec le monde israélite.
Le manifeste de la communauté établit une esquisse du profil des familles fondatrices : les Lévites Kehath (Ka'ti), les Cohen et les Abana.
Les familles Kehat, lit-on, descendent de Ismaël Jam Ha Kot Alyahudi. Cet ancêtre est parti de Schéida. Il a traversé Oualata, Koumayra avant de se fixer à Tindirma, dans l’actuel cercle de Diré. La généalogie établit que « Ismaël est le père de Alfa Kota (ou Kati) également appelé Seydou Alafo, et aussi El-Hajj al-Muttawakil Allah, lui-même père de Alfa Mahmud Kati, auteur présumé du « Tarikh al Fettash ». Il serait mort en 1593.
« La famille Cohen, lit-on, descend du négociant juif marocain al-Hajj Abd al-Salam al Huhin, décédé à Tombouctou le 17 juillet 1766. » La famille Habana elle, descend de Habana, un teinturier réputé.
Le manifeste va plus loin dans la revendication identitaire ainsi que le laissent voir les lignes suivantes : « Nous sommes juifs comme juifs sont les Falasha et les Falashmora d'éthiopie. Notre Histoire ne peut s'entendre en dehors du destin des juifs déjudaïsés qui se reconnaissent pourtant israéliens d'origine. Nous sommes juifs parce que nos ancêtres son juifs, et à eux remonte la généalogie de toutes nos familles. Notre Judaïté est ethnique. Il nous appartient de l'assumer, et au monde de ces jours d'accepter. »
Le lien entre ces juifs qui vivent à Tombouctou et la grande nation juive de par le monde est mis en avant. La référence aux falashas et aux falashmoras d’éthiopie était un véritable coup d’éclat. Juifs, ils l’étaient. Juifs, ils le sont. Ils sont, certes, déjudaïsés en terre d’islam, mais ils sont juifs.
Cette référence faite, le manifeste a donné les motivations de cette revendication soudaine. Elles sont au nombre de trois.
La première était de « redevenir une communauté de Banu-Israël ». La prétention se fonde sur le fait qu’ils ont toujours porté et transmis les mêmes noms de famille. Ce trait a résisté dans l’histoire et le manifeste veut le perpétuer car « le pire héritage que nous puissions laisser à nos enfants est celle d'une vie fermée sur elle-même et a elle-même. Nos enfants doivent savoir ce que nous sommes et que nos pères ont caché des générations entières. ».
Et le manifeste de poursuivre : « Là où se trouve un juif de par le monde, là se trouve Israël ; Israël est de par le monde et Jérusalem et la terre promise en sont le nombril, car de par le monde se trouve la diaspora juive, et la diaspora est le corps éclaté d'Israël. ». Il persiste : « Nous ne nions pas notre attachement à Israël. De cette patrie sont nés les pères de nos pères, et son destin est notre destin… »
Le texte remonte encore à la Bible dans son rêve. « Pour chacun sa terre est « une terre de lait et de miel... » (Exodus 3.8) et nous, notre terre de lait et de miel, c'est Israël, pour cela, notre signe de validation est l’étoile de David appelée Kati-Mati dans notre communauté, car avec le nom de nos enfants, c'est tout ce qui nous reste de nos pères. » ; lit-on enfin.
La deuxième motivation était de revenir à notre langue d'origine, le Hébreu, comme élément essential de communication. Le manifeste donne des indications pertinentes sur la séquence de l’histoire qui a fait que les juifs ont été contraints de tourner le dos à l’Hébreu pour embrasser la langue arabe en 1492. L’arabe, depuis, serait devenu un élément structurant de la culture de la communauté juive, car c’est dans cette langue que les éléments constitutifs du Tarich el Fettash ont été rassemblés et rédigés.
« Rejeter l'arabe au nom de nos origines, c'est nous appauvrir; nous pouvons par contre, apprendre et enseigner à nos enfants le Hébreu en plus, et nous enrichir ainsi de la culture que porte cette langue. Moïse Maimonide a écrit « le Guide des Egares" dans cette langue et Ibn Gebirol lui aussi en cette même langue écrivit son « Fons-Vitaee », lit-on.
La troisième motivation était d’assurer la sauvegarde du patrimoine socioculturel. Cette prétention est aussi adossée à l’histoire : « Nous eûmes une même langue, une même foi, nous avons encore aujourd'hui, le même passé, les mêmes traditions, les mêmes cimetières et les mêmes espérances. Nous aurons donc le devoir de collecter les sources écrites et orales de notre histoire, de les publier afin de sauvegarder notre identité. ».
En 1996, quand ce manifeste a paru dans les colonnes du journal « Le Républicain » à Bamako, il a provoqué une secousse et mis en doute plusieurs types de conforts. L’écho sonore du document a été d’autant plus retentissant qu’il a bénéficié d’une grande opportunité médiatique. à l’époque, le Mali était engagé dans le cycle des négociations qui allaient aboutir à la « Flamme de la paix » à Tombouctou, un évènement qui a mobilisé une panoplie de journalistes à Bamako. Des spécialistes de la question, de grandes universités, dont certaines de Jérusalem, ont débarqué à Bamako, parce que le fait était insolite, donc une nouvelle. Une question se posait. Qui étaient ces juifs qui sortaient de l’oubli ? Pourquoi maintenant ? Veulent-ils migrer en Israël comme l’ont fait ceux d’éthiopie ?
Là, il faut dire que les objectifs de la communauté des juifs oubliés de Tombouctou n’étaient pas ceux d’un certain agenda international. à Tombouctou, le fait était seulement dans la revendication et la reconnaissance d’une identité. L’acceptation de l’islam était déjà un fait. L’acceptation de l’arabe aussi. Mais le reste de la communauté malienne devait, elle aussi accepter qu’en son sein, a existé et existe une composante juive. Sur ce point, les choses n’ont pas été simples. à Tombouctou, un voile de pudeur recouvre la question. Quand Ismaël Diadié Haïdara et ses congénères ont mis la question sur la place publique, ils ont été confrontés à un mur d’intolérance. Même quand, les matériaux mis en avant étaient d’une grande clarté, le fait n’a pas été intégré dans les attitudes. Apparemment, la question juive fait partie des mystères de Tombouctou.
25 ans après, qu’en est-il de Zakhor ?
Islmaël Diadié Haidara vit aujourd’hui à Grenade, en Espagne. De loin, il maintient le contact avec ses amis de Tombouctou avec lesquels il partage une finesse intellectuelle dont l’amour de la poésie. Ismaël a un deuxième ouvrage sur les « juifs de Tombouctou », un retour sur mille ans de présence juive dans la boucle du Niger, fini depuis 2000 attend d’être édité. Il s’agit d’un dictionnaire d’anthroponymie, de toponymie donnant à chaque entrée les textes écrits, les sources orales, et la bibliographie.
On peut juste regretter que dans son exil, Haïdara ait tourné le dos à la langue française. Il ne produit principalement qu’en espagnol. De son combat initié en 1996, il pense avoir contribué à faire bouger les lignes. Les communautés, nonobstant leur conversion à l’islam, gardent le souvenir de leur ascendance. Le coup de tonnerre consécutif à la publication du manifeste est vite retombé parce que les juifs de Tombouctou n’ont pas suivi le même chemin que ceux de l’éthiopie. La migration vers Israël n’était pas à leur agenda.
Actuellement, personne ne rejette systématiquement l’apport de la judaïté dans la configuration du tissu social de Tombouctou et même du Mali.
La communauté perd progressivement sa mémoire. Les nattes fassi portées par les dames ne sont plus de mise. Les vaches ne portent plus les signes hébraïques. On ne fait plus du pain sans sel. On ne respecte plus la tradition du samedi sans feu…
Références Bibliographiques
Ismaël Diadié HAïDARA, Quelques sources inédites relatives au commerce juif à Tombouctou au XIXe siècle, Milan, 1997
Ismaël Diadié HAIDARA, L’Espagne musulmane et l’Afrique subsaharienne », Bamako, éditions Donniya, 1997
Ismael Diadié HAIDARA, Les Juifs à Tombouctou, Bamako, Éditions Donniya, 1999, 146 pp
Ismaël Diadié HAIDARA, Le Pasha Jawdar et la conquête saadienne du Songhay (1591-1599), Rabat, 199
J. Oliel, « Juifs au Sahara (Les) », Encyclopédie
berbère, 26 | 2004
Dr Ibrahim Maiga
Rédaction Lessor
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