Innovations agricoles : Faible appropriation en milieu paysan

La vulgarisation et l’adoption de ces connaissances peinent à obtenir le succès escompté à cause du manque du personnel d’encadrement ainsi que du faible pouvoir d’achat des producteurs

Publié jeudi 09 novembre 2023 à 09:53
Innovations agricoles : Faible appropriation en milieu paysan

La recherche a mis au point beaucoup de technologies qui sont aujourd’hui utilisées par les producteurs


Sur les sites d’expérimentation du Centre régional de recherche agronomique de Sotuba, des variétés de cultures (mil, sorgho, arachide, niébé, riz, fonio, plantes fourragères et légumes), développées par la recherche, font des émules. Ces nouvelles variétés climato intelligentes, adaptées au changement climatique, sont testées. À ce jour, elles démontrent un niveau de rendement précis et élevé contrairement aux qualités locales de semences que certains producteurs, toujours réticents, peinent à abandonner.


Depuis plusieurs années, la recherche au Mali a beaucoup travaillé sur le développement des technologies agricoles pour faciliter la pratique de l’agriculture et maximiser les rendements. Des variétés de cultures résistantes aux maladies sont désormais disponibles. Des techniques d’irrigation efficaces ont aussi été mises au point par nos chercheurs pour optimiser l’utilisation de l’eau. Il y a même des technologies modernes permettant de surveiller les cultures. Toutes ces technologies ont été pensées dans le seul but d’accroître la productivité agricole, réduire la dépendance aux conditions climatiques variables et renforcer la résilience des communautés agricoles.


Cependant, ces nouvelles techniques peinent à s’imposer. Elles pénètrent timidement le monde agricole. En cause : le faible pouvoir d’achat des petits exploitants agricoles, ce qui limite leur accès à ces innovations dont les coûts sont souvent hors de portée. C’est le cas de Mme Somboro Blandine Sangala, membre de la Coopérative des femmes maraîchères de Kabala (Cofeka). Dans ce périmètre, les femmes ont du mal à s’adapter aux conditions climatiques de la zone, à cause de l’insuffisance de moyens et de technologies adéquates. «Nous avons toujours des retards sur la production de la campagne maraîchère. Notre site se trouve dans une zone marécageuse où nous constatons une rétention d’eau sur une longue période. Nous attendons toujours la fin de l’hivernage pour bien mener nos activités», explique-t-elle.


L’année dernière, l’humidité était une fois de plus le handicap principal pour Mme Somboro Blandine Sangala et ses collègues exploitantes qui souhaitent pratiquer la culture maraîchère durant toute l’année. Malheureusement, avoue la maraîchère, elles n’arrivent pas à trouver des semences locales qui s’adaptent à ces conditions particulières de leur milieu de culture. Elles n’arrivent pas non plus, faute de moyens financiers, à s’approprier les technologies adéquates pour améliorer les rendements de leurs parcelles de haricot vert, de pois de terre, de laitues et tomate. Mme Somboro Blandine Sangala et sa coopérative compte sur l’accompagnement de la recherche afin de faciliter l’adoption des nouvelles techniques de maraîchage et des variétés de semences améliorées afin d’augmenter leur productivité. Il est connu que les semences améliorées sont d’une importance capitale pour tout système d’exploitation agricole qui se veut performant. Elles garantissent le rendement et la productivité agricole à hauteur de 30 à 40%.


DÉFIS DE LA VULGARISATION- La recherche a mis au point beaucoup de technologies dont certaines sont restées longtemps dans les tiroirs, explique le directeur scientifique de l’Institut d’économie rurale (IER). Selon Dr Khalifa Traoré, ces technologies sont constituées de plusieurs variétés climato intelligentes dont des variétés de mil, sorgho, arachide, niébé, riz, fonio, ainsi que des plantes fourragères et des légumes. Ces variétés ont été choisies et développées de sorte qu’elles puissent être en accord avec le changement climatique et permettre aux exploitations de s’adapter. Pour le chercheur, ces technologies doivent être ressorties pour une large adoption en milieu paysan.


Les vulgarisateurs agricoles sont les premiers utilisateurs des résultats de la recherche. Leur mission est de diffuser largement ces technologies en milieu paysan à travers des stratégies pour leur adoption face aux caprices du climat. Sarikou Senou est chef de division conseil et vulgarisation agricole à la direction nationale de l’agriculture (DNA). Interrogé sur la question, il explique que son service travaille sur toute l’étendue du territoire national pour informer largement les paysans des conséquences du changement climatique par rapport à la mise en œuvre des programmes agricoles.


Le vulgarisateur confirme que la recherche et la vulgarisation ont introduit des semences adaptées par zone de production en vue de renforcer la résilience des producteurs. Notre pays est en  effet composé de plusieurs zones agro climatiques. Ainsi, selon Sarikou Senou, une variété de sorgho très performante pour la Région de Sikasso ne présente pas forcément les mêmes performances pour les Régions de Ségou ou Mopti. Les spécificités agro-climatiques diffèrent d’une région à une région, d’où l’adaptabilité propre à chaque zone agricole. Toutefois, précise le chef de la division conseil et vulgarisation agricole à la DNA, les nouvelles pratiques qui contribuent à l’amélioration de la production sont vulgarisées auprès de tous les producteurs. Et les innovations sont testées en milieu paysan avant leur large diffusion, ajoute-t-il.


Sarikou Senou révèle que la plupart des producteurs s’attachent à un mode d’agriculture qu’ils perpétuent et produisent toujours leurs propres semences. Ce comportement persiste, malgré l’existence de programmes qui organisent des distributions gratuites de semences aux producteurs. Ainsi, les producteurs semenciers sont toujours confrontés à des méventes parce que les paysans ne se donnent pas la peine d’acheter leurs semences. «Les producteurs estiment qu’ils doivent bénéficier gratuitement des semences, ce qui fait qu’ils ne prennent pas toujours les précautions idoines pour s’approvisionner en nouvelles variétés.


Or, avec le changement climatique, le paysan doit acheter des semences de qualité adaptatives pour espérer produire en quantité et en qualité», analyse le vulgarisateur. Il invite les producteurs à se départir de leurs vieilles habitudes en adoptant les nouvelles technologies. Les semences locales ont un rendement de moins d’une tonne à l’hectare contre une quantité supérieure pour les  nouvelles variétés.
Avec l’augmentation du prix des intrants, tous les paysans ne sont pas en mesure d’acheter les bonnes qualités de semences. Certaines organisations non gouvernementales (ONG) leur fournissent des semences contre un remboursement en nature. Quant à la DNA, elle contribue, à travers l’État, à subventionner les intrants agricoles.


Par ailleurs, Sarikou Senou révèle que la DNA, dans sa stratégie de vulgarisation des pratiques agricoles, est confrontée à des difficultés de couverture par zone en termes de ressources humaines et de moyens logistiques. Pour relever ces défis, il demande aux autorités de mettre des moyens à la disposition des services techniques afin d’assurer une vulgarisation correcte des bonnes pratiques agricoles pour atteindre l’objectif de sécurité alimentaire dans notre pays.
La campagne maraîchère s’installe. Quelques producteurs avisés payent les semences améliorées d’oignon, de concombre, de piment, d’aubergine, etc. Ces rares clients se font désirer sur le marché des intrants. Le secrétaire général des revendeurs d’intrants agricoles de Bamako, Ousmane Sylla, souligne la morosité du marché.


Dans son magasin bien achalandé, sis au Quartier du fleuve, des sacs de semences améliorées (maïs, niébé, riz, mil, sorgho et arachide) sont disposés à même le sol. Une partie de la marchandise est entreposée devant le magasin. La hausse des prix des variétés est consécutive, selon le revendeur, à l’avènement de la Covid-19 et de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. À cela, s’ajoutent l’augmentation des prix des engrais et la fermeture de certaines usines de production de semences en Europe. Auparavant, «les variétés de maïs, de niébé, d’arachide étaient vendues entre 1.000 et 1.100 Fcfa. Mais cette année, les prix ont augmenté pour s’établir à 1.500 le kilogramme, voire 2.000 ou 2.500 Fcfa pour certaines variétés», explique Ousmane Sylla. Le catalogue officiel des variétés certifiées au Mali contient 298 espèces homologuées. Le secrétaire général des revendeurs d’intrants agricoles de Bamako demande aux producteurs de s’intéresser à ce document pour connaître les cycles et la rentabilité des semences adaptées à leur zone de culture et surtout de se former sur les nouvelles pratiques agricoles.

Makan SISSOKO

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