Exploitation du bois-énergie : Forte pression sur le domaine forestier

L’exploitation du bois-énergie correspond à l’utilisation du bois de chauffe, du charbon de bois, de l’énergie ligneuse... Cette activité est également une source de revenus pour de nombreux ménages

Publié mercredi 11 janvier 2023 à 07:25
Exploitation du bois-énergie : Forte pression sur le domaine forestier

Les familles utilisent du charbon et du bois pour la cuisine ou à d’autres fins

 

«L’exploitation du charbon est mauvaise pour la santé et détruit la forêt», regrette un habitant de Sélingué. Il s’agit de Sékou Keïta, exploitant de charbon de bois depuis plus de 15 ans. Il soutient que la production du charbon a fait qu’il n’y a plus d’arbre, d’où la hausse du prix du charbon dans certaines zones.


Conscient des effets néfastes de cette activité sur les forets, M Keïta avoue ne pas avoir d’autres choix pour subvenir aux besoins de sa famille que d’exploiter la forêt. «En réalité, nous dépendons de l’exploitation du bois, car nous n’avons pas d’autres activités génératrices de revenus après l’hivernage», confie-t-il.

De même, Mme Bagayoko Bintou Diarra, ménagère, reconnaît qu’il n’y a pas de familles qui n’utilisent du charbon et du bois pour la cuisine ou à d’autres fins. Elle soutient également que l’homme, dans la quête de satisfaction de ses besoins vitaux, porte atteinte aux ressources naturelles à sa disposition. «L’utilisation ou la commercialisation du bois-énergie est une source de revenus et aussi un besoin vital pour de nombreuses familles maliennes», dit-elle.

Vendeur de bois de chauffe, Adama Traoré confirme que la coupe de bois est une activité rentable, donc un gagne-pain. Il ne s’imagine pas renoncer pour l’instant à cette activité. «Mais, nous faisons en sorte de ne pas toucher aux domaines classés sur instruction des agents des eaux et forêts», souligne le vendeur de bois. à côté de lui, est assise Mariam Bagayoko, une vendeuse de charbon de bois.

Elle évolue dans ce secteur d’activité depuis plus d’une décennie, sans pour autant être inquiétée. «Pour produire le charbon, il faut aller très loin dans des zones éloignées. Cette situation est due au fait qu’il n’y a plus de bois dans les zones environnantes», fait-elle savoir. Mariam Bagayoko peut, avec le soutien d’autres personnes, produire 100 sacs de charbon par mois. Elle ignore superbement les effets néfastes de son activité sur l’environnement.

Contrairement à Mariam Bagayoko, Moussa Diakité, étudiant environnementaliste, est bien conscient du désastre provoqué par l’utilisation du bois-énergie. Notre interlocuteur en veut aux agents des eaux et forêts qui, dit-il, sont souvent complices.

Des chiffres qui parlent- La production et l’utilisation du bois-énergie constituent un besoin essentiel pour les êtres humains, mais elles sont aussi les principaux facteurs de la déforestation. Ces activités entraînent de fortes émissions de carbone et cela constitue un gaspillage des ressources en bois.

Selon les chiffres présentés en juillet 2018 par les autorités en charge de l’énergie, la biomasse représente environ 80 % de la consommation énergétique nationale, les produits pétroliers 16%, l’électricité 3% et les énergies renouvelables hors hydroélectricité ne représentent que seulement 1%. Ces statistiques sont implacables.

Aussi, l’inventaire forestier réalisé par le programme Alliance globale contre le changement climatique (AGCC-Mali) en 2014 dans les Régions de Kayes Koulikoro, Ségou, Sikasso et le District de Bamako indique que l’offre en bois énergie est estimée à 98.346.306 tonnes tandis que la demande est d’environ 6.724.570 tonnes par an, soit 7% de l’offre.

Lors d’une conférence-débats sur la problématique du bois énergie, organisée par l’Union européenne en novembre dernier, les conférenciers (experts des eaux et forêts) ont estimé que l’exploitation commerciale du bois-énergie constitue une activité plus importante. En effet 87,53% du bois-énergie sont commercialisés sous forme du charbon du bois contre 12,47 % sous forme de bois de chauffe.

Selon les mêmes experts, la consommation du charbon de bois est beaucoup plus élevée à Bamako : 13.553.631,852 de tonnes par an. Celle du bois de chauffe est de l’ordre de 1.113.045,492 tonnes par an. à ce titre, les experts estiment que le potentiel des forêts est insuffisant pour subvenir aux besoins de la population en bois-énergie. En effet, selon le Système d’information forestier (Sifor 2022), la superficie forestière du pays est de 34.741.210 hectares, soit 30% du territoire national. Faut-il rappeler que le bois-énergie correspond à l’utilisation du bois de chauffe ou du charbon de bois pour le chauffage, l’électricité ou encore la cuisson.


Il est source de revenus pour les ménages les plus modestes mais peut exercer une forte pression sur la biodiversité, particulièrement sur les forêts.  Le nombre de personnes dépendantes du bois-énergie n’a cessé de croître ces dernières années dans notre pays. Utilisé directement comme bois de chauffe ou transformé en charbon, le bois-énergie constitue la principale source d’énergie pour la population malienne.

Toutefois, la loi n°10-028 du 12 juillet 2010 définit les conditions de conservation, de protection, d’exploitation, de transport, de commercialisation, de mise en valeur et d’utilisation durable des ressources forestières. En la matière, elle stipule dans ses articles 32 et 33 que : «Toute exploitation dans le domaine forestier national est subordonnée à l’élaboration d’un plan d’aménagement».

Placé sous la gestion et le contrôle du ministère de l’Environnement et du Développement durable à travers la direction des eaux et forêts, le domaine forestier subit ces dernières années de fortes pressions liées aux activités comme la coupe abusive du bois, l’orpaillage et les feux de brousse. Certains acteurs opèrent dans l’informel et échappent le plus souvent au contrôle du service des eaux et forêts.

Les agents forestiers sont déployés sur toute l’étendue du territoire, mais leur effectif réduit ne permet pas de contrôler l’ensemble de nos forêts. De nombreuses conférences de sensibilisation organisées par les acteurs de l’environnement sur le phénomène, n’ont pas permis aux exploitants du bois-énergie de comprendre l’intérêt de la préservation des forêts. Aussi, faut-il reconnaître que les alternatives proposées ne sont pas à la portée de tous.

Des alternatives- Face à la dégradation accentuée des ressources forestières, il est urgent d’agir et de façon cohérente. Ainsi, un certain nombre d’études ont été commanditées par les autorités pour diagnostiquer le mal et y trouver des remèdes.

Une étude préliminaire sur la réforme du contrôle forestier réalisée par Koni Expertise en 1995 et présentée, lors de la conférence-débats sur le bois-énergie en novembre dernier, par un expert de la direction nationale de l’énergie, confirme cette dégradation. L’étude met beaucoup plus l’accent sur le flux des produits forestiers et surtout sur la consommation en bois-énergies du District de Bamako.

Face aux effets néfastes des périodes de sècheresse et des aléas climatiques combinés à celles de l’exploitation abusive du bois énergie, le gouvernement a initié des actions de promotion visant à trouver des alternatives au bois-énergie dans le cadre de la sauvegarde du patrimoine forestier, a indiqué Oumar Alasane Maïga, chef de division à la direction nationale de l’énergie, lors de la conférence-débat.

Ainsi, plusieurs projets de promotion des équipements améliorés de cuisson et des combustibles de substitution au bois-énergie ont été mis en œuvre par les structures techniques de l’État et des partenaires privés. Du côté étatique, il y a le Programme national de promotion du gaz butane (PNPGB), le Projet énergie domestique et accès aux services de base en milieu rurale (PEDASB 2004-2009), le Programme African Bio-Digester Component (ABC) qui prévoit l’installation de 6.000 bio-digesteurs d’ici à 2028.

A ces initiatives, s’ajoutent celles des promoteurs privés. En la matière, le groupe Yirimex-SA, dans l’objectif de réduire la déforestation et diminuer les émissions des gaz à effet de serre, a mis au point des fourneaux améliorés et des briquettes combustibles à base de déchets agricoles comme les coques d’arachide, les pailles de riz et les tiges de coton. Le groupe espère ainsi répondre, selon son président, à l’insuffisance énergétique au Mali et contribuer à la lutte contre la déforestation.

Sauf que cette alternative et bien d’autres ne sont pas faites pour toutes les bourses. Mme Bagayoko Bintou Diarra déplore : «Les alternatives qui existent actuellement ne sont pas à la portée des consommateurs». Selon elle, le gaz butane coûte aujourd’hui 7.000 Fcfa et les foyers améliorés varient entre 10.000 et 25.000 Fcfa

Anne Marie KEITA

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