Agriculture périurbaine à Bamako : Quand la passion l’emporte sur la vocation

Cette activité concerne des fonctionnaires en activité ou à la retraite, des agents du secteur privé ou des commerçants. La plupart l’exerce pour meubler leur temps de loisirs

Publié jeudi 13 mars 2025 à 09:12
Agriculture périurbaine à Bamako : Quand la passion l’emporte sur la vocation

Ces producteurs sont majoritairement confrontés au manque de main-d’œuvre

 

La culture des céréales sèches, le maraîchage, l’élevage et la pisciculture, sont entre autres, des activités menées par de nombreux Bamakois. Parmi ceux-ci, figurent des fonctionnaires en activité ou à la retraite, des agents du secteur privé et des commerçants. La plupart de ces personnes vont au champ, pour meubler leur temps de loisirs et non par nécessité. Ces producteurs périurbains sont majoritairement confrontés au manque de main-d’œuvre, d’ouvriers agricoles et de financement, parmi tant d’autres. À ces difficultés, s’ajoutent les défis du changement climatique. 

«Le champ ne nous rapporte rien. On ne fait que gaspiller notre argent. J’exerce cette activité par passion sinon, je n’en tire aucun bénéfice. Or, avec l’argent que j’ai investi dans mon champ, je pourrais faire d’autres choses», raconte cet ingénieur des mines, qui a pris sa retraite anticipée pour se convertir dans l’agriculture périurbaine. Nous lui avons rendu visite dans son champ où il nous a briefé sur la situation de ses six hectares, situés sur la route de Ségou, à quelques kilomètres de Kasséla. S’exprimant sous anonymat, ce «paysan de circonstance» précise qu’il a été victime de plusieurs cas de vols orchestrés par ou avec la complicité de ses ouvriers.

À en croire notre interlocuteur et bien d’autres, cette forme d’agriculture n’est pas rentable en dépit de la passion qu’elle suscite chez ces cadres ou salariés. 
À moins d’une heure de route, notre équipe de reportage arrive à destination. À travers une visite guidée des lieux, le propriétaire explique les difficultés qu’il rencontre dans son entreprise. «Vous voyez l’espace, c’est une superficie de six hectares. J’ai investi plusieurs millions de Fcfa dans l’exploitation. Cependant, je ne peux pas dire que le champ m’a rapporté des bénéfices ou fait gagner telle somme», affirme-t-il. Et d’ajouter que, dans l’avenir, ce champ peut lui servir d’habitation.


Mamadou Dao abonde dans le même sens que ce vieux retraité. «J’ai été élevé dans une localité où l’agriculture est la principale activité. D’où mon intérêt pour cette activité», confie-t-il. Ce natif de la Région de Sikasso est un économiste de formation qui évolue actuellement dans l’agriculture, depuis 1997, à NGolobougou, situé à quelques kilomètres de la ville de Bamako. Dans cette localité proche de la Cité universitaire de Kabala, dans la Commune de Kalaban-Coro, il possède environ cinq hectares.

Selon lui, l’État doit revoir sa politique d’aide aux agriculteurs pour assurer l’autosuffisance alimentaire. «Aujourd’hui, je pense que les autorités doivent valoriser l’agriculture pour aider les familles à vaincre la faim, la misère et promouvoir le développement local. Après les récoltes, l’État doit nous aider à vendre nos produits à des prix raisonnables ou rentables, sinon les commerçants gagnent plus que nous les producteurs», fait savoir Mamadou Dao.

 

PAS DE BÉNÉFICE- Cette activité n’est qu’une passion pour lui. Il estime qu’à la fin du mois, après les dépenses, il ne gagne pas de bénéfice. «Je fais l’agriculture par plaisir. En fin de compte, ce que je dépense par mois, dans l’exploitation de mon champ et les frais de déplacement, sont plus importants par rapport à ce que je gagne», précise-t-il.

Dans la même dynamique, Mamadou Dembélé pratique l’agriculture périurbaine depuis 2020. Il cultive de l’arachide et fait aussi le maraîchage. Ce natif de Koutiala regrette d’avoir investi dans un champ parce que, soutient-il, il n’y trouve pas son compte en retour. «Quand j’achetais mon champ, j’étais motivé pour contribuer à l’autosuffisance alimentaire. Après cinq ans d’activités, je me rends compte que c’est une entreprise très compliquée et moins rentable. Par mois, je peux dépenser 150.000 Fcfa pour le déplacement ainsi que pour la main d’œuvre. Alors que je n’ai jamais fait une production de cette valeur, même après quatre mois d’activités», confie-t-il. Le nouveau producteur envisage de s’engager dans un business différent de l’agriculture.

Pour aider ces exploitants à faire face aux problèmes de l’agriculture périurbaine et à défendre leurs intérêts, un collectif des acteurs a été créé en 2024 dans le but de collaborer avec l’État pour développer le secteur. Le trésorier général de la coopérative, Ousmane Sylla, explique que ce «collectif rassemble les agriculteurs, éleveurs et pisciculteurs pour favoriser le secteur afin que tout le monde puisse avoir satisfaction». «Le but principal de cette association est, selon lui, de trouver une solution durable aux difficultés (problème de ressources humaines et de commercialisation)». Le regroupement compte collaborer avec l’État pour lutter contre l’insécurité alimentaire, notamment, en misant sur l’agriculture périurbaine.

Contrairement à ces producteurs, d’autres affirment que l’agriculture pratiquée dans les environs de Bamako est une bonne affaire mais qui exige «un don de soi». L’agriculture est une activité lucrative qui prend en compte plusieurs facteurs. «Lorsque vous vous engagez dans ce secteur, avec une volonté bien affichée, un projet bien établi, vous avez la possibilité d’y faire progresser rapidement votre entreprise agricole. Car, l’agriculture aujourd’hui n’est plus de subsistance, mais plutôt un business», explique Bréhima Sogoba.

 Ce journaliste, qui parvient à se tirer d’affaires est, lui-même, son propre manœuvre. «La difficulté dans l’agriculture, est la gestion des ressources humaines. Dans toute entreprise, lorsque vous avez des difficultés majeures liées à cette question, vous aurez du pain sur la planche. Cela freine la réussite de beaucoup de personnes dans ce domaine», dit-il. «En plus de la cherté du matériel ou des équipements agricoles, l’accès au financement est difficile», argumente notre confrère. Malgré l’existence des structures d’accompagnement, cet interlocuteur estime que l’accès au financement reste toujours limité. À ce propos il accuse : «Si certaines catégories de personnes continuent de bénéficier de fonds, les vrais acteurs n’en trouvent pas.»

 

8 MILLIONS DE CHIFFRE D'AFFAIRES- Conscient qu’aujourd’hui, l’agriculture est l’une des activités les plus prometteuses, un commerçant qui a voulu garder l’anonymat, avoue avoir abandonné le commerce au profit de l’agriculture dans la périphérie de Bamako. «Avec un chiffre d'affaires de 8 millions de Fcfa par campagne», cet entrepreneur de renom savoure son succès, à travers notamment la culture des céréales et le maraîchage. Selon la Direction régionale de l’agriculture du District de Bamako, la campagne agricole 2024 prévoyait 10.283/10.21 hectares soit un taux de réalisation de 99,92% contre 9.740 hectares en 2023. Pour une production totale de 30.892 tonnes contre une prévision de 29.157 tonnes. Le District de Bamako contribue à 4,24 % du besoin alimentaire de Bamako. De nos jours, la zone enregistre 332 producteurs.


Parlant de la rentabilité de l’agriculture périurbaine, Sidiki Daou, directeur régional de l’agriculture du District de Bamako précise que «c’est une activité bien rentable qui, seulement, demande une planification, une gestion et un encadrement». «Beaucoup de personnes se lancent dans l’agriculture, sans chercher à comprendre les exigences. Le champ est une entreprise qui demande plus d’engagement», estime le directeur régional.

Selon lui, beaucoup de Bamakois se frottent les mains dans cette activité. Ce sont ceux qui sont encadrés et conseillés par son service. «Je connais des fonctionnaires, des commerçants qui ont des champs et se sont investis dans l’agriculture périurbaine et réalisent un chiffre d’affaires de 8 millions de Fcfa par an. Même le maraîchage dans la ville de Bamako est une bonne affaire pour certains acteurs», assure-t-il. Pour une meilleure évolution du secteur avec des bénéfices, le directeur régional pense que les producteurs doivent changer de mentalité. «Nous devons cultiver pour vendre et non cultiver et vendre. C’est-à-dire les producteurs doivent chercher à connaître la période de chaque produit pour pouvoir gagner de l’argent», précise-t-il.


Moussa M. DEMBÉLÉ

Rédaction Lessor

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