Surpopulation carcérale : Un défi pour l’administration pénitentiaire

Pour y faire face, les solutions ne manquent pas. Elles vont de la construction de nouvelles Maisons d’arrêt à des peines alternatives à l’emprisonnement, en passant par la médiation pénale, la diminution des renvois, l’institution de juges d’application des peines…

Publié mardi 13 décembre 2022 à 07:14
Surpopulation carcérale : Un défi pour l’administration pénitentiaire

 

L’administration pénitentiaire espère acquérir un nouveau site pour la construction d’une nouvelle Maison d’arrêt

 

«La surpopulation carcérale qui constitue incontestablement une des plaies de notre système carcéral s’explique par notre système judiciaire caractérisé par la lourdeur, la lenteur et une certaine inefficacité». Le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, dépeignait ainsi les conditions de vie dans nos prisons. Mamoudou Kassogué intervenait à l’ouverture de la sixième édition de la Conférence annuelle de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée, tenue le mois dernier dans la Région de Ségou.

Au Mali, les maisons d’arrêt concernées par cette surpopulation sont notamment celles de Bamako, Kayes et Sikasso. La Région de Ségou est également confrontée à cette situation. La surpopulation carcérale est une réalité dans les maisons d’arrêt de Ségou (environ 240 km de la capitale malienne) et de Niono.


Celle de Ségou, qui nous intéresse ici, a été construite pour une capacité d’accueil de 100 détenus. Elle compte présentement 220 détenus, soit un taux d’occupation de 220%, soit un surplus de 120 détenus, selon la direction régionale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée. Pour s’en convaincre, notre équipe de reportage y a effectué une visite.

Construite par les colons français pour mieux asseoir leur autorité, la Maison d’arrêt et de correction de Ségou est située dans le camp de la Garde nationale. En cette matinée de mardi, un calme olympien règne à l’extérieur. Le personnel pénitentiaire est en poste. Pour avoir accès aux lieux de détention, les visiteurs, sans exception, se soumettent à une fouille minutieuse.


Sacs et autres matériels tel que le téléphone y sont interdits. La vieille bâtisse résiste aux aléas climatiques. Deux portes s’ouvrent pour permettre l’accès aux lieux de détention. La Maison d’arrêt de Ségou compte trois quartiers distincts : un pour hommes, un pour mineurs et un pour femmes. 

Au quartier des hommes, où nous entamons notre visite, sous un vaste hangar, des pensionnaires s’en donnent à cœur joie dans les jeux de belotte, de dame, au tissage de panier et d’éventail. Certains font du rafistolage ou fabriquent des sacs. Depuis des chambres, d’autres observent curieusement les visiteurs à travers les grilles.

Entre peur et souci de mener à bien notre mission, nous franchissons le seuil d’une des cellules. Certains détenus sont condamnés, d’autres des prévenus. Chacun dispose d’un matelas. Quelques-uns font la grasse matinée, d’autres devisent tranquillement entre eux. Ventilateurs et humidificateurs rivalisent pour rafraîchir les lieux.

Dans cette cellule de 16,86 m sur 4,94 m, on peut voir aussi des bouteilles d’eau et de quoi brancher les appareils électroménagers comme les téléviseurs. Sans compter des effets personnels comme des couvertures, des draps, des moustiquaires… dans un état de propreté plus ou moins appréciable. Le chef de chambre H.B précise qu’ils sont au nombre de 41 personnes.

 

RÉDUIRE LE NOMBRE- La cellule d’en face abrite 35 personnes, répond S.C, condamné pour escroquerie. Il y loge depuis 6 mois et devra purger une peine de 5 ans. «Nous sommes nombreux au point qu’on se couche l’un sur l’autre en plein sommeil. Il est vrai que nous ne pouvons pas vivre comme si nous étions chez nous, mais nous invitons les autorités à faire des efforts pour réduire le nombre dans les chambres», supplie le trentenaire, avant d’expliquer les désagréments liés à ce facteur.


«Quand vous êtes nombreux, souvent il y a des disputes. Certains te provoquent même si tu te retiens, dès fois tu es obligé de répliquer. En dehors de cela, ton intimité n’est pas respectée. Souvent en tant qu’adulte, tu t’habilles devant tes petits frères. Ce n’est pas tellement intéressant», se plaint le père de 2 enfants. Il invite la justice à accélérer les procédures : «Beaucoup parmi nous ne sont pas encore jugés. Si certains sont jugés et innocentés, cela pourra réduire le nombre».

Au quartier pour mineurs, un garçon de 14 ans en détention pour une affaire de vol, exprime sa frustration. «Comme vous pouvez le constater, nous sommes six dans la chambre entre trois lits superposés. Je trouve que ce nombre est trop élevé. Il y a beaucoup de désagréments. Quand certains tombent malade, tu peux passer une nuit blanche à cause de leurs complaintes», confie l’ancien apprenti carreleur.

Un constat que partage le directeur régional de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée. «Nous avons un effectif de 220 détenus dont 46 prévenus, 80 inculpés dont 2 femmes, 8 garçons mineurs et une fille mineure, 94 condamnés dont 17 étrangers», explique l’inspecteur principal Abdoulaye Séméga. Et de préciser que 126 détenus sont en attente de jugement. Les raisons sont multiples, selon lui. La ville se développe, sa population aussi tandis que la capacité d’accueil est restée intact, car il n’y eu aucune construction de cellules ou de quartiers, souligne Abdoulaye Séméga.


S’y ajoutent, selon lui, la lenteur dans la procédure judiciaire, le nombre limité de magistrats, la non application des mesures alternatives à l’emprisonnement comme le Travail d’intérêt général (TIG), la médiation pénale, l’insécurité généralisée dans la région, l’insuffisance des sessions d’assises et l’augmentation de la délinquance.

Cette situation contribue, estime l’inspecteur principal, à la dégradation générale des conditions de détention (l’hygiène, la santé, l’alimentation des personnes détenues). La surpopulation carcérale augmente le stress, provoque l’insomnie chez le personnel pénitentiaire, rend difficile le respect des droits des personnes détenues et leur réinsertion socio-professionnelle, développe le directeur régional de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée.

 

RÉINSERTION SOCIALE- Pour y faire face, il propose des pistes de solutions. L’inspecteur principal Abdoulaye Séméga prône la construction d’une nouvelle Maison d’arrêt sur un grand espace qui respecte les normes de détention en lien avec le respect des droits de l’Homme en milieu carcéral et la réinsertion sociale.

Il propose des mesures comme les peines alternatives à l’emprisonnement, l’application stricte du Code pénal et le Code de procédure pénale (CPP), la diminution des renvois, l’institution de juges d’application des peines, la promotion des pénitenciers agricoles et la multiplication des grâces présidentielles… Il préconise également la visite permanente des centres de détention par les magistrats du parquet et les juges d’instruction.

Signalons que la recherche des solutions à la surpopulation a conduit le département de la Justice à engager un vaste programme de relecture des textes notamment le Code pénal et le Code de procédure pénale afin de raccourcir les délais des procédures et de favoriser la célérité dans le traitement des dossiers. Un atelier national de validation de l’avant projet du Code pénal et du code de procédures pénales a déjà été tenu.

La suppression attendue des cours d’assises et l’institution des chambres criminelles au niveau des tribunaux de grande instance constituent des innovations phares sur lesquelles le département compte pour inverser la tendance.


L’objectif étant de faire en sorte qu’il y ait moins de détenus provisoires par rapport aux détenus condamnés dans nos établissements pénitentiaires.

L’acquisition d’un nouveau site pour un projet de construction d’une nouvelle Maison d’arrêt à Ségou et répondant aux normes standard est en cours de traitement.

Aminata Dindi SISSOKO / AMAP - Ségou

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