
Pour le chercheur, dans la dernière mouture du projet de
Constitution remise au chef de l’État, on se rend compte que les termes qui fâcheraient
dont ceux relatifs à la laïcité ont été bien dissimulés à plus d’un titre
notamment le caractère laïc de l’État, les questions du fait religieux, etc.
Dr
Aly Tounkara pense que cela peut paraître pour certains comme une fuite en
avant mais lorsqu’on regarde d’une manière objective, on se rend compte que
dans beaucoup de démocraties, le mot laïcité n’apparaît pas dans des
Constitutions. Il reconnait qu’une Constitution ne peut pas tout écrire.
Il parle d’un autre point important qui est la création du Senat. Pour lui, le
Sénat dans le contexte malien aujourd’hui n’a vraiment pas de plus-value quand
on interroge sa création en termes d’efficacité et de pertinence.
Parlant de la visite du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga
au Burkina Faso, il souligne que beaucoup d’annonces ont été
faites. Mais objectivement, Aly Tounkara pense que ce qu’on pourrait retenir de
cette visite et qui pourrait être aussi réaliste, c’est de voir les Armées des
deux pays évoluer conjointement, de part et d’autre, dans le but de lutter
efficacement contre les groupes radicaux violents.
Le chercheur soutient que
cette visite pourrait se solder dans un avenir proche par un commandement
commun et par l’émergence d’un contingent composé des deux Armées. Pour ce qui
est de l’idée de fédération, l’universitaire estime que ce ne sont que des
bases qui sont jetées à ce stade. Lesquelles bases vont permettre dans la durée
aux trois pays à savoir le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, d’avoir
leurs mots à dire par exemple, lorsqu’il y a lieu de fixer les prix d’un
certain nombre de ressources naturelles comme le coton. à défaut de pouvoir le
transformer sur place, ces états peuvent
se retrouver sur les marchés mondiaux et peser lourdement dans les discussions.
De la même manière, Dr Tounkara rappelle que l’or est commun à ces trois pays
et bien d’autres richesses du sous-sol. De ce fait, dans un avenir proche, on
peut assister à ce genre de facilités en termes de fixation de prix même de
transformation sur place entre les trois pays. Mais, pour ce qui est de la
gouvernance fédérale, Aly Tounkara pense
que cela s’appelle le long temps.
D’ailleurs, il précise que les initiateurs d’un tel projet
ne pourraient aucunement assister à sa réalisation car il faudra compter sur
trois à cinq décennies pour prétendre voir ces trois pays évoluer sous un état
central. «Ce qui est faisable à court terme, c’est la fédération des efforts
dans la lutte contre le terrorisme, la mutualisation des efforts dans
l’exploitation et la valorisation des ressources naturelles notamment la
fixation des prix à travers les marchés », indique le directeur du CE3S,
qui souligne que ce sont des choses qui peuvent être faites dans un avenir
proche.
Toutefois, il déclare que tout cela ne peut prendre corps que lorsque
les trois chefs d’état vont d’abord se réunir et prioriser les actions à mener.
« C’est bien que les ministres des Affaires étrangères, les Premiers
ministres des trois pays se retrouvent mais la rencontre entre les trois chefs d’état est importante pour franchir certaines étapes », insiste Dr
Tounkara, estimant qu’un autre élément important est l’avenir de cette fédération.
AUX ABOIS- Pour le chercheur, rien n’indique que les
gouvernements qui seront issus des élections au terme de ces trois périodes de
transition, s’inscriront dans la continuité ou dans la lignée des bases jetées
par les trois actuels chefs d’état. C’est pourquoi, il pense que les
pessimistes vis-à-vis de cette fédération n’ont pas forcément tort.
« L’avenir
de cette fédération va forcément ou en grande partie dépendre des hommes et des
femmes qui seraient à la tête de ces trois états en termes de continuité et de
discontinuité », soutient Aly Tounkara. D’après lui, la probabilité est
forte qu’il y ait une certaine hésitation de la part des nouvelles élites qui
seront issues des urnes au terme des différentes périodes de transition. également,
selon lui, la probabilité est tout à fait forte que certaines actions considérées
par les militaires au pouvoir comme prioritaires, deviennent accessoires avec
les pouvoirs issus des élections.
Se prononçant sur les propos xénophobes et racistes du président
tunisien contre les Subsahariens, Dr Tounkara dit que ceux-ci ont été condamnés
de part et d’autre. Pour lui, le président tunisien est aux abois. Il est à la
tête d’un pays qui a connu des bouleversements profonds la dernière décennie.
Et il peine à satisfaire toutes les demandes formulées par les Tunisiens qui se
sont révoltés à un moment donné.
Pour le chercheur, les demandes sont très
fortes et il n’arrive pas à les satisfaire, à y apporter des réponses durables.
Pis, le président Kaïs Saïed peine à définir clairement l’horizon. Et tous les
changements au niveau du système judiciaire en Tunisie et de la conduite de l’état
sont un témoignage éloquent qu’il est aux abois. Dr Tounkara estime que c’est
une façon pour lui de détourner l’attention des Tunisiens et de jouer sur la
fibre patriotique.
Le directeur du CE3S livre également son analyse sur les récents
propos du président Emmanuel Macron concernant les relations entre la France et
ses anciennes colonies. Pour lui, ces propos prouvent que le pré carré français
est une nostalgie et fait partie du passé. Et dans le même temps, les
dynamiques en cours exigent à l’état français, de revoir ses perceptions vis-à-vis
de ses anciennes colonies.
Au-delà de cette revisite de perception, Aly
Tounkara pense que la France doit également s’accommoder avec les évolutions en
cours, sortir d’une posture condescendante vers une posture d’égal à égal,
beaucoup plus humaniste, qui accepterait de voir l’autre comme son égal. Pour lui, les sentiments de supériorité, le
fait d’infantiliser l’autre, de voir celui-ci comme un abruti, de toujours
penser que l’autre serait du moyen-âge, ont eu raison sur la politique du président
Macron vis-à-vis des anciennes colonies françaises. Le chercheur prévient
toutefois qu’aucune puissance, qu’elle soit occidentale, asiatique ou européenne,
n’est désintéressée. Seulement, il est de la responsabilité de chaque état de
tirer le maximum de profit dans un rapport de coopération ou de partenariat.
BROUILLE DIPLOMATIQUE- Parlant de la décision du
gouvernement de récuser le statut de porte-plume de la France au niveau du Conseil de sécurité,
Aly Tounkara estime que c’est une continuité de la brouille diplomatique entre
Bamako et Paris. Pour lui, cette décision donne beaucoup d’enseignements à
tirer. Il se demande si après la France, le Mali aurait un autre pays en
l’occurrence la Russie qui serait capable de mobiliser toutes les ressources
qui sont avec les Nations unies dans le pays, de drainer derrière elle d’autres
états qui seraient prêts à coopérer avec le Mali dans le cadre du développement,
des services sociaux de base, des infrastructures sanitaires, de
l’autosuffisance alimentaire.
Une autre explication qu’il a donnée est que
cette décision peut être comprise comme si le Mali voudrait demander de façon
responsable et intelligente à la mission onusienne de mettre un terme à son
mandat dans un avenir proche au regard de l’évaluation faite par les autorités
maliennes de cette mission en termes d’efficacité et de pertinence. Dr Tounkara
rappelle que cette évaluation laisse entendre que la Mission peine jusqu’ici à
combler les attentes des autorités et des populations maliennes.
Enfin, sur la dénonciation faite par les autorités burkinabè
de l’accord de coopération militaire avec la France, le chercheur en déduit que
c’est la suite d’une dynamique déclenchée il y a quelques mois par le Pays des
hommes intègres. Selon Aly Tounkara, on ne peut pas demander à une armée étrangère
de quitter son territoire et toujours accepter que les conseillers militaires
et sécuritaires de cette même armée continuent d’évoluer dans le pays. Pour
lui, cette question des conseillers militaires dans les différents états-majors
renvoie à la responsabilité des pays hôtes.
Sur la question, le directeur du CE3S déclare qu’il est impensable qu’un militaire malien ou burkinabè, quel que soit le niveau d’amitié avec un militaire français, soit admis dans un camp a fortiori qu’il participe à des réunions au Quai d’Orsay ou dans les camps militaires français. Pour lui, il y a eu un laxisme depuis les années 90 de la part de certains chefs d’état africains y compris maliens et burkinabè qui ont accepté que des conseillers militaires étrangers participent à des prises de décisions très stratégiques des états en matière de défense et de sécurité.
Dieudonné DIAMA
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