AES-Cedeao : Les défis d’une coexistence pacifique

Dans un entretien à bâton rompu qu’il a accordé à l’Essor, Dr Boubacar Bocoum s’exprime sur la question. Professeur chargé d’enseignement en droit communautaire à l’université Kurukan fuga de Bamako (UKB), il livre sa recette pour une cohabitation sans heurts entre les deux organisations ouest-africaines

Publié mardi 11 mars 2025 à 07:49
AES-Cedeao : Les défis d’une coexistence pacifique

Pour l’enseignant-chercheur, la création de la Confédération des États du Sahel (Confédération AES) constituée du Mali, du Niger et du Burkina Faso interpelle sur l’avenir de cette dernière et son articulation avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). «Les deux organisations sont désormais placées devant le choix historique entre la paix et la guerre, entre la prospérité et la récession et entre la collaboration et la confrontation», fait remarquer Dr Boubacar Bocoum. Pour lui, l’AES et la Cedeao sont entre antagonisme et complémentarité. 

Dans un contexte marqué par des tensions et des divergences de vue, n’ont désormais pignon sur rue que ceux qui défendent l’AES et sont contre la Cedeao, ou ceux qui soutiennent cette dernière et sont contre la première, dira Dr Bocoum. Et d’ajouter qu’il y a ceux qui érigent des murs et ceux qui cherchent désespérément à établir un pont entre les deux organisations.

Du coup, il précise que la posture manichéenne déclinée ne correspond guère à la réalité du terrain ni aux principes qui gouvernent le droit communautaire et les interactions entre États. En dépit des positions tranchées et maximalistes, les deux entités ont un destin lié, souligne le chargé d’enseignement en droit communautaire. «Les deux organisations ont besoin l’une de l’autre. Leur coexistence pacifique et intelligente pourrait servir autant la sécurité et la paix sociale que l’intégration sous régionale », analyse Boubacar Bocoum. 

À son avis, l’avenir des relations entre l’AES et la Cedeao dépendra de plusieurs facteurs. D’une part, l’AES pourrait réussir à consolider sa légitimité en prônant une approche globale pour les futures négociations avec la Cedeao et ce dans l’intérêt supérieur des populations de la région. D’autre part, sa viabilité pourrait être compromise si elle reste isolée économiquement et diplomatiquement.

L’analyste estime que souveraineté ne peut rimer avec isolationnisme. «Quand bien même les États de l’AES s’inventent un droit spécifique, ils ne pourraient nier l’existence du droit international et en tenir compte dans leurs relations avec les pays voisins», commente notre interlocuteur.

De son côté, poursuit Dr Bocoum, la Cedeao est mise au défi de redéfinir ses rapports avec ces États pour éviter une fragmentation régionale plus profonde. Il estime que si cette organisation (Cedeao, ndlr) a insufflé le détachement de l’AES, cela veut dire qu’il lui a manqué l’essentiel. Ce faisant, l’universitaire révèle qu’il existe bien une contrainte tendancieuse en droit international qui justifierait la coexistence Cedeao-AES.

 

PRINCIPES DE BANDUNG- Pour ce faire, il convient alors de se projeter dans une coexistence pacifique fondée sur les cinq  principes proclamés lors de la conférence de Bandung en 1955. Ces principes sont le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, la non-agression mutuelle, la non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, l’égalité, le bénéfice mutuel et la coexistence pacifique. À ce propos, il reconnaît que la sous-région a plus que jamais besoin d’une vision qui s’affranchit complètement de la logique hégémonique.

Abordant des besoins croisés de l’AES et de la Cedeao, le spécialiste en droit soutient qu’il y a une forte interdépendance entre les 15 États de l’Afrique de l’Ouest sur les questions sécuritaires, migratoires, socioéconomiques, énergétiques, infrastructurelles, etc.  L’universitaire mentionne aussi que c’est surtout face au défi sécuritaire que les deux regroupements ont un destin inséparable. Par rapport à la lutte contre le terrorisme, Dr Bocoum suggère que ces pays qui font frontière avec ceux de l’AES devront nécessairement travailler ensemble et s’inspirer de l’expérience réussie de la collaboration des États au niveau de la zone des trois frontières. 

 Sinon, souligne l’expert en droit communautaire, il sera impossible de lutter contre les groupes terroristes au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Togo (États du golfe de Guinée) sans associer le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Le chercheur prévient que les mêmes arguments sont valables pour montrer les limites de la stratégie antiterroriste de l’AES, si elle n’associait pas les pays du golfe de Guinée.

S’agissant du retrait des pays membres de l’AES, Dr Boubacar Bocoum croit fermement que c’est une action juridique faisant office de jurisprudence. D’après lui, cette séparation peut se faire à l’amiable. Donc sans tension. Pour l’histoire, il a rappelé que la Mauritanie en 2000 a décidé de quitter la Cedeao pour se consacrer au développement de l’Union du Maghreb arabe (UMA). Cela n’a pas empêché, ajoute-t-il, ce pays de conserver des relations fraternelles et fructueuses avec les États membres de la Cedeao.

Et de rappeler aussi que le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni est sorti de l’Union européenne après 47 ans de vie commune avec les autres États membres. «Plutôt que de chercher à contraindre, par la force, les Anglais à revenir au sein de l’UE, les autres pays ont pris acte et entamé des négociations pour réviser les traités et accords de coopération avec le Royaume-Uni», se souvient notre consultant, préconisant que ce dernier scénario est aussi possible dans notre espace. C’est pourquoi, il rappelle qu’on peut être en désaccord sans toutefois se combattre.

 À l’en croire, pour résoudre la crise de manière constructive, l’AES et la Cedeao doivent d’ores et déjà identifier les points de friction (différences d’approche stratégique, concurrence pour les ressources, etc.) et mettre en place des mécanismes efficaces de résolution des conflits. 
Dr Bocoum suggère enfin que les deux organisations doivent également organiser des programmes de formation et d’échange, d’experts pour renforcer les capacités de leurs institutions dans les domaines clés de la coopération.

Namory KOUYATE

Lire aussi : 29è session de l'EID : 24 dossiers retenus pour lecture

La 29è édition de l´Espace d'interpellation démocratique ( EID) s'est tenue, ce mercredi 10 decembre au Centre international de conférences de Bamako. L'ouverture des travaux était présidée par le ministre de la Justice et des Droits de l´Homme, Garde des Sceaux Mamoudou Kassogué, en prés.

Lire aussi : Cercle de Diéma : L’armée détruit une base terroriste à Sebabougou

Dans le cadre des opérations de surveillance du territoire menées le 9 décembre 2025, des vecteurs aériens des Forces armées maliennes (FAMa) ont, dans la matinée, neutralisé un pick-up camouflé sous un couvert végétal et contenant des fûts d’essence dans la localité de Sebabougou, Cer.

Lire aussi : EMP-ABB : Un atelier pour l’alignement du Programme 2026-2029 de l’Unesco et la Snedd 2024-2033

Le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, en partenariat avec l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), a organisé, hier à l’École de maintien de la paix Alioune Blondin Bèye (EMP-ABB), un atelier de consultat.

Lire aussi : Microfinance : Les superviseurs formés à l’outil cameli

Le Projet de promotion de l’accès au financement, de l’entrepreneuriat et de l’emploi au Mali (Pafeem) a organisé hier, dans un hôtel de la capitale, une session de formation des agents de la direction de la microfinance sur l’outil Cameli..

Lire aussi : Assemblée générale constitutive de la BCID-AES : Les experts balisent le terrain

Cette réunion technique vise à préparer les documents à soumettre aux ministres, qui devront consacrer l’acte constitutif de la banque avant sa transmission aux Chefs d’État pour validation finale.

Lire aussi : Yaya Traoré à propos du blanchiment de capitaux : «La personne coupable encourt 3 à 7 ans de prison»

Le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme sont des menaces graves pour la stabilité financière mondiale et la sécurité internationale. Dans ce décryptage, le magistrat Yaya Traoré, membre de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), parle des .

Les articles de l'auteur

Cérémonie de décorations à Koulouba : Djandjo aux soldats du pétrole

La médaille de l’Étoile d’argent du mérite national avec effigie «Lion débout» a été décernée à 31 chauffeurs blessés. Tandis que 17 opérateurs pétroliers et responsables syndicaux ont été faits Chevalier de l’Ordre national du Mali. La cérémonie de remise des distinctions s’est déroulée, vendredi dernier, au palais de Koulouba sous la présidence du Président Assimi Goïta.

Par Namory KOUYATE


Publié lundi 08 décembre 2025 à 07:45

Gestion de la crise des hydrocarbures : La reconnaissance du mérite de 75 personnes

Le Président de la Transition, Grand maître des ordres nationaux, le Général d'armée Assimi Goïta a décidé de matérialiser la reconnaissance du peuple malien par l'attribution de décorations aux opérateurs pétroliers, responsables syndicaux, chauffeurs ayant accompagné l'Etat dans la gestion de la crise des hydrocarbures..

Par Namory KOUYATE


Publié samedi 06 décembre 2025 à 09:44

Redevances annuelles des sociétés minières : La part de l’État malien passe de 201 à 358 milliards de Fcfa

Cette prouesse financière est le résultat du travail acharné mené par la Commission de négociation et de renégociation mise en place par les autorités. Celle-ci a présenté hier son rapport de fin de mission au Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta.

Par Namory KOUYATE


Publié mardi 02 décembre 2025 à 10:14

Clin d’œil sur Idrissa Tiama, major de la 47è promotion de l’Emia

Le major de la 47è promotion (2023-2025) de l’Ecole militaire interarmes (Emia) de Koulikoro s’appelle Idrissa Tiama de nationalité malienne. Il s’est classé premier avec une moyenne de 16 /20 devant ses camarades de différentes nationalités. Le fils de Diakaria et de Maïmouna Tiama est né le 7 février 1996 à San..

Par Namory KOUYATE


Publié lundi 01 décembre 2025 à 08:32

Qui est feu général pangassy sangaré ?

Les 343 officiers d’active de la 47è promotion de l’École militaire interarmes (Emia) de Koulikoro peuvent être fiers du parcours exemplaire de leur parrain au sein de l’Armée malienne. Feu Général de brigade Pangassy Sangaré, puisqu’il s’agit de lui, nait le 11 juin 1947 à Kati. Il entame son parcours à l’école militaire préparatoire de Saint-Louis entre 1959 et 1961..

Par Namory KOUYATE


Publié lundi 01 décembre 2025 à 08:30

Sortie de la 47è promotion de l’EMIA : Le général pangassy sangaré immortalisé

La promotion 2023-2025 compte 343 élèves officiers d’active dont 311 Maliens et 32 étrangers. Le major de la promotion est le Sous-lieutenant Idrissa Tiama du Mali avec une moyenne de 16/20.

Par Namory KOUYATE


Publié lundi 01 décembre 2025 à 08:28

47è promotion de l'Emia : 343 officiers prêts à servir la nation

Le Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta a présidé, vendredi dernier au centre d’instruction Boubacar Sada Sy de Koulikoro, la cérémonie de sortie et de prestation de serment de la 47è promotion de l’École militaire interarmes de Koulikoro (Emia)..

Par Namory KOUYATE


Publié samedi 29 novembre 2025 à 10:57

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner