Parrainage du mariage : une valeur sociale en perdition

Aujourd’hui, cette coutume noble est dévoyée par des pratiques mercantiles. Le choix du parrain ou de la marraine se fait de plus en plus en fonction de la capacité de la personne à assumer certaines charges liées au mariage

Publié jeudi 06 avril 2023 à 05:35
Parrainage du mariage : une valeur sociale en perdition

La marraine de la mariée veille sur elle pendant toute la cérémonie

 

 

Dans notre société, le parrainage (denfa ya ou denba ya) du mariage fait partie de nos plus grandes valeurs sociétales. En effet, il repose sur une base purement sociale. Il se fait souvent par affinité ou par reconnaissance. Aussi, il était attribué par mérite dans le seul but de souder les membres d’une même famille. En même temps, il donne l’opportunité aux enfants d’avoir des parents adoptifs. En plus, ces parents adoptifs seront des soutiens pour les enfants parrainés jusqu’à la fin de leur vie.

Aujourd’hui, cette mentalité a changé au profit des intérêts pécuniaires. Conclusion : on assiste de plus en plus au parrainage sélectif. Les parents voient plus le profit qu’ils peuvent tirer d’un parrain (denfa) ou d’une marraine (denba) que le côté social.

Pour mieux comprendre le parrainage, disons que : quand la fille ou le garçon a un prétendant, c’est au papa biologique de lui trouver un parrain. Le choix de la marraine est généralement laissé à la mère. Le prétendant, qui souhaite épouser, informe son père qui, à son tour, informe le parrain qui enverra son griot avec les 10 premières colas pour demander la main de la fille. Cet acte permet d’avoir l’accord de la femme. Ensuite, le griot se rend chez le parrain de la fille pour les autres démarches.

 En général, la marraine du mari n’a pas grand-chose à faire contrairement à celle de la femme. De commun accord, une visite sera effectuée le jour du mariage au domicile du parrain de la fille. Le soir du mariage, c’est la marraine, la sœur (balimamoussou kountigui) et d’autres membres de la famille du mari qui viennent chercher la mariée chez elle pour la chambre nuptiale. Parmi ces personnes, figure aussi la marraine de la mariée qui veille sur elle pendant toute la cérémonie.


Pour Fanta Djonta Diabaté, enseignante, le parrainage a pour but principal de renforcer les liens entre les membres de la famille, surtout dans les familles polygamiques. «Avant, quand le chef de famille décidait de prendre une nouvelle femme et que cela coïncidait avec la période de grossesse de sa première épouse, on savait que l’enfant allait être adopté par la nouvelle mariée. Et si c’est une fille, c’est la mère adoptive qui va naturellement être la marraine de l’enfant le jour de son mariage», explique-t-elle, tout en déplorant le fait de voir toutes ces valeurs disparaître progressivement dans notre société.

 Fanta Djonta Diabaté pense que l’argent occupe une place importante dans le processus de dégradation, voire l’abandon de certaines traditions héritées de nos parents et ancêtres. De plus en plus, ajoute-t-elle, on constate qu’il y a beaucoup de problèmes dans les familles polygamiques qui influencent le choix des parrains et des marraines. «Des fois, il arrive même que les candidats au mariage imposent des parrains et des marraines à leurs familles», assure la pédagogue.


Par ailleurs, le mariage occasionne des dépenses pour la marraine notamment l’achat de cantines, d’habits, d’ustensiles de cuisine, de parures et autres. Celle-ci prépare également à manger pour le nouveau couple dans la chambre nuptiale. C’est pourquoi, le choix de certaines femmes comme marraines n’est pas fortuit.   

Une sexagénaire qui a requis l’anonymat appuie les propos de Fanta Djonta Diabaté. Elle est rentrée de Tombouctou il y a un mois. Elle était la marraine de sa nièce. «J’ai été désignée par ma cousine pour être marraine. Elle pense que je suis riche parce que je suis à Bamako. Pour éviter d’exposer ma situation précaire, je n’ai pas pu refuser cette demande», indique celle qui a dû emprunter des habits avec des amies pour bien paraître durant son séjour dans la Cité des 333 Saints.



En vue d’offrir les accessoires vestimentaires et ménagers à la mariée, notre interlocutrice a été contrainte de s’endetter auprès d’une nièce, propriétaire d’une boutique de pagnes. Comme argent de poche, elle a économisé deux mois de pension pour pouvoir faire face aux dépenses.

 

LES VALEURS D’ANTAN- Fort heureusement, d’autres gardent encore les valeurs d’antan relatives au parrainage. Il y a deux ans, Madou Coulibaly, habitant de Baco-Djicoroni Golf (ACI Sud) en Commune V du District de Bamako, avait parrainé le mariage de la fille de son voisin. «Ce jour, j’étais très heureux, car je me suis senti important. J’ai pleuré de joie», raconte-t-il avec nostalgie. Selon ce patriarche, ce parrainage a été fait sans arrière-pensée.

Maintenant, regrette-t-il, les parrains ou les marraines sont désignés en fonction de leur rang social et de leurs moyens financiers. «Aujourd’hui, personne ne vous choisira comme parrain ou marraine, si vous n’avez pas suffisamment d’argent», insiste-t-il. «Pour ce qui me concerne, je resterai disponible pour la fille de mon voisin jusqu’à mon dernier souffle. Elle représente plus qu’une fille pour moi», ajoute-t-il.

Le parrain ou la marraine est la caution du mariage, nous apprend le griot Moussa Koumaré. Le parrain ou la marraine, selon lui, est choisi dans la famille mais il arrive aussi qu’ils soient choisis par affinité dans le voisinage ou parmi les amis. Le choix du parrain ou de la marraine, poursuit-il, a toujours pour but de renforcer les liens de parenté, d’amitié et de voisinage sans «aucune connotation traditionnelle ou religieuse».


Notre interlocuteur précise que quand une fille ou un garçon doit se marier, c’est au père ou à la mère biologique de trouver un proche à lui qui fera office de parrain ou marraine pour la fille ou le fils. Cet acte est honorifique. On le donne sans rien attendre en retour, souligne-t-il. Les parrains et les marraines sont tenus, en cas de problèmes, de tout mettre en œuvre pour intercéder auprès des mariés afin d’éviter le divorce. «Les parents biologiques du couple ne doivent pas être associés aux démarches. Ils ne doivent même pas être informés», précise Moussa Koumaré.

Dans ce même cadre du parrainage, S. C, une jeune dame, fait partie des personnes qui remettent en cause son importance dans le mariage puisqu’elle peine à divorcer après cinq ans de mariage parce que tel n’est pas l’avis de son parrain et de sa marraine. Selon elle, son mari a tous les défauts qui conduisent au divorce, mais ses parrains l’empêchent de divorcer en lui disant de penser à ses trois garçons. La jeune dame pense que certes ces derniers doivent chercher à sauver des mariages.

Mais, estime qu’à un moment donné on doit donner plus de liberté aux gens, car on ne doit pas forcer quelqu’un à rester dans un mariage. Selon elle, le social malien fait qu’on ne doit rien leur refuser en tant que parrains. Mais, eux aussi doivent comprendre que le mariage n’est pas une fin en soi. «Cette fois, je n’ai pas accepté. Je suis rentrée en famille sans mes enfants. On a rendez-vous au tribunal d’ici quelques jours», martèle-t-elle, espérant avoir la garde des enfants à la suite de ce procès.

Anta CISSÉ

Rédaction Lessor

Lire aussi : Bamako: Les enseignants des écoles publiques reprennent les cours

Les enseignants des écoles publiques du District de Bamako reprennent le travail dès ce lundi 20 octobre 2025 aux heures habituelles des cours..

Lire aussi : 3è édition des journées Ouest-africaines de l'audit interne : les organisateurs remercient le Chef de l’Etat d’être le parrain

En marge de la 3è édition des journées Ouest-africaines de l'audit interne, tenues à Bamako les 16 et 17 octobre, le Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta a reçu, ce vendredi 17 octobre, une délégation de l’Association des contrôleurs, inspecteurs et auditeurs .

Lire aussi : Contribution : À ceux qui veulent enterrer la transition malienne, qu’ils sachent : elle marche encore !

Certains rapports occidentaux tentent désespérément de faire croire que le Mali serait une « république en ruine », une «transition sans cap», un pays «sous tutelle russe» condamné à l’isolement. Ce récit, souvent répété, ignore la logique interne d’un processus souverain qui.

Lire aussi : Ouélessébougou : Élaboration de livrets pédagogiques des classes de la 1ère et 2ème années

Lancé depuis le mois de septembre, par la Direction nationale de la pédagogie (DNP) avec l’appui technique et financier du Projet d’amélioration de la qualité et des résultats de l’éducation pour tous au Mali (Miqra), l’atelier d’élaboration et de validation des livrets pédagogique.

Lire aussi : Mopti : La solidarité agissante du gouverneur

Dans le cadre des activités de la 30è édition du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion, le gouverneur de la Région de Mopti, le Général de brigade Daouda Dembélé a respecté la tradition en rendant visite, mercredi 15 octobre, aux deux personnes les plus âgées de la Co.

Lire aussi : Gao : Des mesures strictes contre l’exploitation illicite du site minier de N’Tahaka

Suite à la recrudescence de l’insécurité dans la Région de Gao, des mesures strictes ont été prises concernant les activités illicites sur le site minier de N’tahaka, situé à une cinquantaine de kilomètres de la Commune urbaine de Gao..

Les articles de l'auteur

L'UNASAM dénonce les collectes de fonds frauduleuses au nom des supporters

Le vice-président de l’UNASAM, Cheickna Demba Dans un communiqué datée u 15 octobre dont copie a été déposée à notre Rédaction, l'Union nationale des associations de supporters des Aigles du Mali (UNASAM), alerte l'opinion publique et les partenaires du sport malien sur des pratiques qu'elle qualifie d'usurpation et de recherche de fonds à des fins personnelles dans la perspective de la phase finale de la CAN, Maroc 2025..

Par Rédaction Lessor


Publié vendredi 17 octobre 2025 à 12:50

Ouélessébougou : Élaboration de livrets pédagogiques des classes de la 1ère et 2ème années

Lancé depuis le mois de septembre, par la Direction nationale de la pédagogie (DNP) avec l’appui technique et financier du Projet d’amélioration de la qualité et des résultats de l’éducation pour tous au Mali (Miqra), l’atelier d’élaboration et de validation des livrets pédagogiques destinés aux premières classes du fondamental s’est bouclé, lundi dernier, dans la salle de réunion du Centre féminin de formation et d’appui au développement rural (CFADR) de Ouélessébougou..

Par Rédaction Lessor


Publié vendredi 17 octobre 2025 à 12:45

Communiqué du conseil des ministres du 15 octobre 2025

Le Conseil des Ministres s’est réuni en session ordinaire, le mercredi 15 octobre 2025, dans sa salle de délibérations au Palais de Koulouba, sous la présidence du Général d’Armée Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:47

Compléments alimentaires : Pas sans risque

À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation célébrée aujourd’hui, nous nous sommes intéressés au commerce de ces produits, présentés comme miraculeux. Pourtant leur prise prolongée, sans l’avis d’un professionnel de santé, est déconseillée.

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:38

Youwarou : Une forte riposte contre l’épidémie de diphtérie à Kormou

L’épidémie de diphtérie a été déclarée au début d’octobre à Kormou, Commune de Dongo (Cercle de Youwarou). La campagne de riposte contre cette maladie s’est déroulée du lundi 6 octobre au vendredi 10 octobre. Les résultats de cette campagne indiquent que sur une population cible de 12.774 enfants de 0 à 15 ans, 13.338 ont été vaccinés soit un taux de couverture vaccinale de 104, 81%..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:31

Mois de la solidarité : Le préfet de Kati rend visite aux aînés

Remise d’un don composé de cola, natte, matelas, couverture, moustiquaire, sac de riz et d’une enveloppe symboliqueDans le cadre du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion, le préfet du Cercle de Kati, Harouna Diarra, s’est rendu, mardi dernier au domicile de Mme Sega Soucko à Kati Farada..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:30

Fonds de soutien patriotique : Plus de 142 milliards de FCFA mobilisés au 30 septembre 2025

Le Fonds de soutien patriotique (FSP) poursuit sa dynamique de mobilisation nationale. Selon les chiffres publiés par le Comité de gestion, le vendredi 10 octobre, les recettes cumulées du FSP ont atteint 142.603.529.418 Fcfa au 30 septembre 2025, confirmant la forte adhésion des Burkinabè à cet instrument de solidarité nationale..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:37

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner