#Mali : Centre-ville de Bamako : Quand les services publics deviennent des entrepôts

Plusieurs établissements publics cohabitent avec des commerçants. Avec le temps, une certaine familiarité se crée entre agents et marchands. Sauf qu’en cette période marquée par des attaques terroristes, les services publics ne doivent pas être des marchés où tout le monde peut entrer et sortir pendant les heures de travail

Publié mardi 12 novembre 2024 à 21:08
#Mali : Centre-ville de Bamako : Quand les services publics deviennent des entrepôts

Dans certains service, les commerçants utilisent même les réfrigérateurs pour y conserver des produits périssables

 

Ce matin du 1er novembre 2024, un léger nuage de poussière couvre une grande partie de la capitale. Au Quartier du Fleuve, le vrombissement des moteurs des engins à deux roues et des grosses cylindrées rend inaudibles les voix humaines et le cri des rares oiseaux. Dans ce vacarme, travailleurs et commerçants se rencontrent, se serrent la main ou se saluent de loin par un sourire ou par une taquinerie. Dans ce quartier situé près du Grand-marché de Bamako appelé marché Rose, le temps a fini par créer une certaine familiarité entre d’une part, agents publics et d’autre part, entre commerçants et vendeurs ambulants. 

 

VENDEUSE DE VICTUAILLES- De cette complicité visible à l’œil nu, chacun veut tirer le maximum de profit. C’est le cas par exemple de  celle qu’on surnomme M.D, vendeuse de victuailles dans un service public bien connu du pays. Ce matin, vers 8 heures, certains agents de cette structure publique l’ont trouvée sur place. Elle expose sa marchandise à l’entrée des escaliers qui mènent au premier niveau d’une vieille bâtisse abritant plusieurs bureaux. «Je vends ici depuis plus d’une vingtaine d’années. Beaucoup de cadres d’ici ont commencé leur carrière devant moi. Aujourd’hui, je suis comme une mère ou une grand-mère pour les plus jeunes», témoigne M.D avec une petite dose d’humour.

Si M.D se contente juste de proposer sa marchandise sous les escaliers de ce service avec la bienveillance des différents responsables qui se sont succédé à la tête de cet établissement public à caractère administratif (EPA), d’autres vendeuses et vendeurs vont plus loin en transformant les bâtiments de ce service en entrepôts. Avec, a-t-on découvert au cours de ce reportage, la complicité de certains gardiens ou agents de sécurité.


Il est 18 heures. Le centre-ville se vide de ses occupants du jour. Commence alors le mouvement d’une noria de charrettes à main et des essaims de badauds transportant des pastèques, des ustensiles de cuisine, du charbon de bois ou des bonbonnes de gaz. Les uns et les autres franchissent avec l’aisance d’habitués et la sûreté qu’offre une longue amitié les portails de plusieurs établissements publics. C’est pour y entreposer des marchandises. Mais aussi tout ce que les kiosques individuels ne peuvent contenir (table d’exposition, bancs, chaises longues, fourneaux, parasols, etc.)

Pour en avoir le cœur net sur la quantité et les différents types de marchandises entreposées dans ces lieux publics, nous avons suivi un transporteur qui arrive dans l’arrière-cour d’une bâtisse. C’est un service de santé bien fréquenté mais que l’on aurait assimilé volontiers à un magasin de sacs et de valises tant certaines annexes sont remplies de ces produits. Ici, une piaule sert de lieu de vie à un agent de sécurité et à des gardiens qui alternent de jour et de nuit. Ici aussi sont entreposés, entre autres, pastèques, sacs de charbon de bois, parapluies ayant survécu à l’abondant hivernage qui vient de nous donner au-revoir.

Pire, l’arrière-cour de ce service public sert à la fois d’entrepôt et de défécatoire pour une horde de petits mendiants qui passent le plus de leur temps à tourner, sébile en bandoulière ou main tendue, autour du premier et du dernier passant.  Nul ne s’en émeut. Pas en tout cas les responsables qui voient et savent tout, sans broncher. Encore moins le petit personnel qui tire son épingle du jeu. En se procurant des petits crédits en nature ou en espèces auprès des propriétaires des objets entreposés dans ce service.

 

SILENCE-RADIO- Et inutile de chercher un interlocuteur pour expliquer la transformation de nos services publics en magasins de stockage des commerçants et commerçantes. L’omerta semble être la règle chez tous les chefs de services que nous avons tenté de faire parler sur le sujet. «Le chef ne vous parlera», nous confie un agent sous le couvert de l’anonymat. Visiblement agacé par le fait que certains commerçants utilisent même les réfrigérateurs de son service pour y conserver des produits périssables comme les invendus des repas, la viande et les poulets de lendemain, il fulmine : «Nous ne pouvons rien dire puisque le chef voit tout et sait que c’est avec la complicité de certains gardiens et des agents que ce service est devenu le magasin de tous ceux qui vendent dans les alentours.» Et de poursuivre : «Nous pensons même que le chef laisse faire contre une rémunération.»

Si notre premier interlocuteur évite d’être catégorique sur l’implication de son chef dans la transformation des bureaux en entrepôt, le second, une dame très agacée par la situation, nous affronte la rage au cœur. «Ils sont tous au courant. Ils n’osent pas dire aux commerçants de ne pas venir déposer leurs objets ici. Ils sont tous redevables envers ces vendeuses et ces vendeurs», jure-t-elle. Et de nous prévenir : «Vous dénoncez une situation bien connue de tous mais que tous taisent. Ce sera un coup d’épée dans l’eau.»

Cette situation est particulièrement désagréable pour les employés et les agents des «services-magasins». «Pendant que vous êtes concentré sur un dossier, vous êtes importuné par les va-et-vient des vendeurs ou de leurs envoyés qui viennent soit pour prendre leurs bagages ou leurs aliments dans vos frigos», regrette un agent qui a requis l’anonymat, pour ne pas provoquer l’ire de son chef.

À cette première catégorie des dérangeurs évoquée par notre interlocutrice, il faut ajouter ces visiteurs qui sont les seuls à connaitre les raisons pour lesquelles ils entrent, sortent tout au long de la journée de travail dans les différents services. Nous faisons ici abstraction sur les petits mendiants, les belles dames, les vendeurs ambulants ou les commerciaux qui vous obligent à goûter, tester ou expérimenter leurs produits. Nous faisons également abstraction de ces sans domicile fixe (SDF) et déficients mentaux dont les bâtiments publics deviennent leurs logis.

Par ces temps de terrorisme, d’insécurité tout court, ne faudrait-il mettre un holà à cet état de fait ? On est en droit de se poser cette question car c’est de ce laisser-aller ou laisser-faire généralisé que se font des cambriolages, des vols dans les services de nuit comme de jour. C’est aussi cela qui, devenu routinier et contagieux, fait le lit d’attaques terroristes, à l’exemple de celles vécues à Bamako le 17 septembre dernier. Des attaques  dont les principales cibles ont été l’école de gendarmerie de Faladié et l’aéroport international Modibo Keita Sénou.

Oumou SIDIBÉ

Rédaction Lessor

Lire aussi : Régions de Tombouctou et Bougouni : l'Armée porte un coup dur aux terroristes

Dans un communiqué publié ce jeudi 25 décembre sur les plateformes digitales de la Direction de l'information et des Relations publiques des armées (Dirpa), l'état-major général des armées a dressé un bilan satisfaisant des opérations menées par les Forces armées maliennes (FAMa) le merc.

Lire aussi : Consécration d’Aminata Djibo : Et de trois pour son article sur la fistule obstétricale !

L’Essor a marqué l’actualité médiatique de la semaine dernière en réalisant un triplé inédit de distinctions pour le même article de notre collègue de la rédaction, Aminata Djibo, intitulé : «Fistule obstétricale : quand donner la vie vire au cauchemar». Cette performance témoigne.

Lire aussi : Université Kurukanfuga de Bamako : La régularisation complète de l’année académique programmée pour mars 2026

La 15è session ordinaire du Conseil d’administration de l’Université Kurukanfuga de Bamako (UKB) s’est tenue, hier dans la salle de conférences de l’établissement. Présidée par la présidente du conseil d’université, Mme Diarra Fatoumata Dembélé, la réunion s’est déroulée en .

Lire aussi : L’ISFMI : La promotion Harouna Niang versée sur le marché de l’emploi

L’Institut Simon finance et management international (ISFMI) a organisé, jeudi dernier dans un hôtel de la place, une cérémonie de remise de diplômes aux 211 étudiants en Licence et Master de la promotion baptisée Harouna Niang, économiste et ancien ministre de l’Industrie, du Commerce e.

Lire aussi : Onef : Le budget 2026 en hausse de 0,11%

Le directeur général de l’Onef, Boubacar Diallo et la représentante de la ministre chargée de l’Emploi, Mme Dicko Fatoumata Abdourhamane.

Lire aussi : Établissement de santé : L’anaes développe un plan d’actions anti-corruption

L’Agence nationale d’évaluation et d’accréditation des établissements de santé (Anaes) a développé un plan d’actions contre les risques de corruption au sein d’un établissement de santé. L’étude sur le développement de ce plan et sur l’évaluation et la cartographie des risqu.

Les articles de l'auteur

Maroc : Flambée des prix dans les cafés

Le lancement des premières rencontres de la Coupe d’Afrique des nations a remis sur le devant de la scène la question des tarifs pratiqués dans les cafés et restaurants au Maroc..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 24 décembre 2025 à 09:17

L’ISFMI : La promotion Harouna Niang versée sur le marché de l’emploi

L’Institut Simon finance et management international (ISFMI) a organisé, jeudi dernier dans un hôtel de la place, une cérémonie de remise de diplômes aux 211 étudiants en Licence et Master de la promotion baptisée Harouna Niang, économiste et ancien ministre de l’Industrie, du Commerce et de la Promotion des Investissements..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 24 décembre 2025 à 08:55

Autisme : Une caravane de sensibilisation lancée à Bamako

L’Association autisme Mali et la Fondation de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) ont lancé, vendredi dernier au mémorial Modibo Keïta, la caravane de sensibilisation sur l’autisme dans le District de Bamako..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 24 décembre 2025 à 08:45

Rencontres avec les communautés

En Marge des travaux, les Présidents Tiani et Traoré ont rencontré les communautés nigérienne et burkinabè vivant au Mali pour recueillir leurs préoccupations et partager avec elles les nouvelles du pays..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 24 décembre 2025 à 08:39

CAN 2025 : Mali-Zambie 1-1, un nul frustrant pour les Aigles

La sélection nationale a quelque peu raté son entrée en matière, en concédant le nul 1-1 face à la Zambie dans une rencontre qu’elle a dominée de bout en bout. Lassine Sinayoko a marqué pour le Mali à la 62è minute avant de voir Patson Daka remettre les pendules à l’heure pour son pays dans le temps additionnel.

Par Rédaction Lessor


Publié mardi 23 décembre 2025 à 08:55

Théâtre : De jeunes enfants initiés à l’écriture de pièces

L’Association culturelle Côté cour a restitué, le week-end dernier à son siège à Djikoroni Para, les résultats de la phase pilote du projet «Éclat de plume-jeune public»..

Par Rédaction Lessor


Publié mardi 23 décembre 2025 à 08:26

Force Unifiée de l’AES : L’esprit de la défense collective en marche, le commandement en place

Depuis septembre 2023, suite à la création de l’Alliance des états du Sahel, érigée un an plus tard en Confédération, les Forces de défense et de sécurité du Burkina Faso, du Mali et du Niger mènent des opérations synchronisées et coordonnées, des opérations parfois tripartites comme Yéroko 1 et 2 qui se sont déroulées entre 2024 et 2025,.

Par Rédaction Lessor


Publié lundi 22 décembre 2025 à 09:33

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner