Défendre la Françafrique par la guerre contre le Mali

Surprise par la renaissance du nationalisme malien, la France est retombée dans ses travers esclavagistes et coloniaux : oukase, représailles

Publié mercredi 11 mai 2022 à 13:29
Défendre la Françafrique par la guerre contre le Mali

Pas de négociation ! Les dirigeants français, d’hier et d’aujourd’hui, détestent les Africains qui veulent s’affirmer, vivre libre ou lui tenir tête ! La culture politique française repose sur la condescendance envers "les bons Nègres" et l’agression, voire l’assassinat, des "Nègres-rebelles" ! Joseph Galliéni (des conquêtes coloniales) recommandait de « frapper les "chefs rebelles" jusqu’à leur disparition ou leur soumission » (L’Empire qui ne veut pas mourir : une histoire de la Françafrique, Ouvrage collectif, Seuil, Paris 2021, P.74).

Bien avant, la France avait élaboré le Code noir en 1685 pour légaliser la torture et l’assassinat des "Nègre rebelles". Ce Code édictait : « L’esclave fugitif (…) aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur une épaule » ; en cas de récidive « Il aura le jarret coupé et sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule » ; à la troisième tentative de fuite pour retrouver la liberté : « Il sera puni de mort » (article-38). Et l’article-58 : « Commandons aux affranchis de porter un respect singulier à leurs anciens maîtres », sinon ils seront « grièvement punis ».

 

Quand Jean-Jacques Dessalines proclama l’indépendance d’Haïti en 1804, mettant fin à l’esclavage, la France lui fit la guerre, puis imposa un blocus total à la jeune république noire, en accord avec tous les pays européens et l’Amérique. Cet embargo ne fut levé qu’en 1825, lorsque Haïti accepta de dédommager les esclavagistes français pour « 150 millions de franc-or », dont le paiement prit fin en 1950 (L’Empire qui ne veut pas mourir, P.70).

 

Malgré le soutien humain et matériel des peuples colonisés à la France pendant la guerre de 1939-45, pour étouffer les velléités d’émancipation des Africains, l’Etat français perpétra des massacres : Sétif (Algérie) : 45.000 morts en 1945, en utilisant du Gaz moutarde interdit par le Protocole de Genève de 1925 ; Madagascar : 90.000 morts en 1947 ; des milliers de morts à travers l’Afrique noire : Bouaflé, Séguéla et Dimbokro (Côte d’Ivoire), etc.

Pire, en novembre 1944 à Thiaroye, au Sénégal : l’Etat français a massacré des soldats noirs qui avaient combattu pour la libération de la France et qui, ramenés au Sénégal, réclamaient leurs soldes. En 2022 la France refuse toujours de faire la lumière sur ce crime. Rappelons qu’il y avait environ 300 Soudanais (Maliens) dans le camp.

Les "Nègres-rebelles" des autres régions du monde (Antilles, Calédonie) ne sont pas épargnés. Trois exemples : en mai 1967, en Guadeloupe, une manifestation d’ouvriers réclamant une augmentation de salaire fut brutalement réprimée : 7 morts officiellement ; d’autres sources indiquent 87 à 100 tués ; en janvier 1985, en Nouvelle Calédonie, le leader indépendantiste Kanak, Eloi Machoro est assassiné ; et en mai 1988, 19 autres indépendantistes Kanaks sont tués par les militaires français !

A la fin des années 1950, la répression s’abattra sur tous les Africains qui voulaient une réelle indépendance : tous les cadres de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) furent assassinés (Ruben Um Nyobé, Nyobé Pandjok, David Mitton, Tankeu Noé, Félix-Roland Moumié) ; le Nigérien Djibo Bakary dut fuir son pays en 1959 pour se réfugier au Ghana, puis au Mali et en Guinée.

Dans les années 1960, la reprise en main de la Françafrique se traduisit par des coups d’Etat sanglants (Togo, Comores), des guerres fratricides (Biafra) et des opérations militaires pour sauver des dirigeants corrompus (Gabon, Zaïre, Centrafrique).

Mais, c’est sur Sékou Touré en Guinée que la France va s’acharner pendant des décennies. En représaille au "non de Sékou Touré" au référendum sur la "Communauté française" en 1958, pour éviter la "contagion guinéenne", l’Etat français mettra « tout en œuvre pour atteindre le double objectif d’isolement du pays et de déstabilisation de Sékou [Touré] » : cambriolage de la banque centrale guinéenne (1958), campagne de désinformation à la radio de l’AOF, opérations militaires avec les opposants, fabrication de faux billets guinéens, détournement de milliers de tonnes de riz commandées par la Guinée.


Enfin, ultime solution, chercher à tuer Sékou Touré, d’après le témoignage d’Yves Guéna, alors Haut-commissaire de Côte d’Ivoire : « Il a été décidé que le SDECE (Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage), [par le biais] de son service Action, ferait son possible pour liquider Sékou Touré. Pratiquement personne ne le sait, sauf Houphouët qu’on a mis dans le coup » (Op. cit. P249-252).

 

Attaquer le Mali

Le bandeau publicitaire du livre "L’Empire qui ne veut pas mourir…", « Guerres, pillages, racisme, coups d’Etat, corruption, assassinats » résume les méthodes de la France pour se maintenir en Afrique. Il faut que les Maliens le sachent et se préparent en conséquence.

« Les autorités françaises craignent que le pays [Guinée] ne devienne une plateforme de déstabilisation régionale, voire continentale » (op. cit. P250). La France soupçonne le Mali de vouloir jouer le même rôle aujourd’hui ! C’est pourquoi elle a sonné la mobilisation générale.

Le 4 mai 2022), Christophe Boisbouvier (Directeur adjoint, RFI) a annoncé : « d’ici fin août, date de retrait des troupes françaises, des accrochages entre la force Barkhane et l’armée malienne ne sont pas à exclure » (Le Débat – France 24).

Pire, le 9 mars 2022, à la question du journaliste David Pujadas « est-ce qu’il est imaginable aujourd’hui que les services militaires américains, français, britanniques travaillent sur ces hypothèses [éliminer physiquement Vladimir Poutine] ? », le Général Legry (ancien officier de la Direction du renseignement militaire) a répondu par l’affirmative, comparant la Russie au Mali : « Vous voyez ce qui se passe à une autre échelle : au Mali, on cherche à tuer les décideurs, les dirigeants et les coordonnateurs » (Direct-LCI : https://youtu.be/bPF2C-Ozflg : Eliminer Poutine, la seule solution ?).

Déjà au plan médiatique, la campagne de désinformation s’est installée. Certes le Mali a marqué des points en interdisant RFI et France-24, les ténors de la Françafrique. Mais les récentes "affaires de Moura et Gossi" montrent que la "Cyber-Guerre" de la France contre le Mali continue.

La ministre française de la Défense, Florence Parly, a annoncé le recrutement, avant 2025, de « 1.000 Cyber-combattants » pour appuyer les opérations militaires, notamment en Afrique (journal Le Point, 18 janvier 2019). Le Mali est l’une des cibles de ces « Cyber-combattants ».

Facebook « a supprimé 84 comptes liés à la France, accusés de publier de fausses informations dans le but de manipuler les populations de plusieurs pays africains » ; "16 Profils Instagram", "6 Pages" et "9 Groupes", tous accusés d’être « directement liés à des individus associés à l’armée française », ont été fermés aussi (bfmtv.com, 16 décembre 2020). Le Mali et la Centrafrique étaient particulièrement ciblés.

L’uranium du Niger, à un trait géographique du Mali

M. Macron s’est engagé à « relancer la construction de [6 nouveaux] réacteurs », de rénover les vieux réacteurs pour allonger leur durée de vie [à 50 ans], dans le but de « garantir l’indépendance énergétique de la France » (Le Monde, 10 novembre 2021). Officiellement, 82% de l’énergie produite en France sont d’origine nucléaire.

Depuis 2000, la France ne produit plus d’uranium : elle importe 100% de son besoin annuel d’uranium (8.000 à 9.000 tonnes) ! Le Canada, l’Australie et le Kazakhstan, fournissent de l’uranium à la France. Si aucun accord colonial ne lui garantit l’accès à l’uranium de ces pays, ce n’est pas le cas du Niger dont l’uranium représente 32% de la consommation française (francetvinfo.fr, 25 octobre 2019), alimentant une vingtaine des 58 réacteurs nucléaires (www.greenpeace.fr, 01 janvier 2022).

Ainsi, la France fonde son indépendance énergétique sur l’uranium africain, en vertu des accords de défense dont les annexes stipulent : « les parties contractantes (France et colonie) décident de coopérer dans le domaine des matériaux de défense ». A savoir : les « hydrocarbures liquides et gazeux » ainsi que « l’uranium, le thorium, le lithium, le béryllium, leurs minerais et composés » (L’Empire qui ne veut pas mourir, P.266).

« La présence militaire française [au Mali] vise directement à sécuriser l’approvisionnement des centrales françaises en uranium : ce dernier est extrait dans les mines du nord du Niger, une zone désertique seulement séparée du Mali par un trait sur les cartes géographiques » (Stéphane Lhomme, directeur de l’Observatoire du nucléaire, tf1.info, 1 février 2022). Effectivement, non seulement les régions de Gao, Ménaka et Kidal sont un continuum géologique du nord du Niger, mais surtout la zone uranifère d’Arlit est plus proche de Ménaka que de Niamey ! D’où la volonté de la France d’occuper ces régions maliennes.

Opération Barkhane parfumée à l’O.C.R.S.

« Pour éviter que le pétrole du Sahara algérien – et l’uranium dont on commence à suspecter la présence au nord du Niger – n’échappe à la France, le gouvernement de Guy Mollet remet au goût du jour une idée qui fait son chemin depuis le début des années 1950 : le remembrement du Sahara (…) et son rattachement direct à Paris » (L’Empire qui ne veut pas mourir, P.215).

D’où la création de l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS), par la loi du 10 janvier 1957. L’OCRS devait englober le sud algérien, le nord du Mali, le nord du Niger, le nord du Tchad, plus la Mauritanie comme Etat associé. Deux autres « enclaves militaro-industrielles » étaient prévues en Guinée et à Madagascar. Le sud algérien est perdu, le nord uranifère du Niger et le nord du Tchad sont sous contrôle. Reste donc le nord du Mali à récupérer. Seul un esprit malin fera le lien avec les rebellions récurrentes dans cette zone depuis 1960 !

"L’Azawad" étant la pièce manquante du puzzle OCRS, l’opération Serval/Barkhane a été une aubaine pour la France. Et le masque est vite tombé : « Les Touaregs sont nos amis. Quand ils sont dans leur territoire au nord du Mali, ils sont chez eux et il importe de les respecter » avait déclaré Jean-Yves Ledrian, ministre de la Défense (journal Libération, Paris, 23 janvier 2013). En conséquence, les forces françaises interdirent l’accès de Kidal à l’armée maliennes, et laissèrent le MNLA initier un nettoyage ethnique en chassant les "Noirs ou Maliens" le 2 juin 2013 (AFP), dont un groupe de 24 jeunes arrivèrent à Gao le 4 juin 2013 (Jeune Afrique).

La « politique des races de Galliéni » revisitée : « sur un territoire donné, … diviser les sociétés indigènes en "races" distinctes et hiérarchisées pour mieux les dominer. S’il y a des mœurs et des coutumes à respecter, il y a aussi des haines et des rivalités qu’il faut savoir démêler et utiliser à notre profit, en les opposant les unes aux autres » (P.74, Op. cit.). Touaregs "blancs" contre Noirs ; Dogons contre Peuls, Sud contre Nord, ou Centre. Comment des communautés qui ont su cohabiter pacifiquement depuis la Charte de Kurukan Fuga (1236) seraient-elles soudain animées de "haine tueuse" les unes envers les autres ?

Les Maliens doivent détricoter le tissu sémantique axé sur le "terriroire-tribal-ethnique", élaboré par la France. La mobilisation militaire et citoyenne doit s’accompagner d’une politique de communication de crise (définition des domaines de Défense, du référentiel sémantique, occupation du cyberespace, établissement de modus operandi avec les médias, etc.).

Yaya Togora

Rédaction Lessor

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