
L’acte d’accusation faisait
ressortir qu’à la suite du décès du nommé F. Sissoko en cours de mandat en
septembre 2020, il fut remplacé par son 1er
adjoint A. Sissoko jusqu'en février 2021, avant d’être confirmé maire de
Sitakily à cette date. À peine installé, les conseillers communaux ont saisi le
parquet de Kayes d'une plainte contre le nouveau maire et certains de ses
collègues.
Par la suite, le pôle
économique et financier de Kayes est saisi et une enquête fut ouverte couvrant la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019. L’enquête a
révélé des irrégularités financières s'élevant à plus de 2 milliards et demi de
Fcfa, somme que l’élu local et ses collègues incriminés n'ont pu justifier.
Cependant, ils avaient, à l’époque, tenté d’expliquer que la somme disparue
avait été utilisée pour l’achat d’engins, de carburant, l’entretien de
véhicules, d’équipements de bureau, de fournitures scolaires pour des villages
et la dotation de certaines autres actions, etc.
Ces explications s’étant avérées fausses, les mis en cause ont ainsi été renvoyés en
Cour d’assises pour y être jugés conformément à la loi. Au cours des enquêtes
préliminaires, aucun d’eux n’a reconnu
les faits. Ils sont tous restés dans cette logique devant le magistrat
instructeur. Tour à tour, les inculpés sont passés à la barre pour s’expliquer.
Ainsi chaque accusé tentera de convaincre les jurés de la façon dont les choses
se sont passées lorsqu’ils étaient aux affaires.
Le secrétaire général de la mairie à l’époque
des faits A. Mounkoro a été le premier à s’expliquer. Il soutiendra qu’au
moment des faits, il avait la charge de préparer les réunions du conseil,
dresser les procès-verbaux des différentes sessions et d’assister le maire dans
sa gestion administrative et règlementaire. « Il est vrai que les régisseurs
des recettes et dépenses me présentaient l’état de leurs activités annuelles
et, ensemble on élaborait un document de
synthèse appelé compte administratif. Je donnais aussi des conseils au défunt
maire concernant les conditions d’attribution des marchés qui n’étaient pas
respectées», a-t-il expliqué.
Non convaincu de ces
explications, le président l’interrogera s’il ne siégeait pas au conseil
communal. En réponse, l’accusé dira qu’il siégeait effectivement aux
différentes commissions. Cependant, il précisera qu’il n’avait ni autorité de
conclusion ni d’approbation. «J’étais présent uniquement pour dresser les
procès-verbaux», s’est-il défendu. Quant à M. B. Cissé, régisseur des
dépenses à l’époque, il a rejeté toutes
les accusations le concernant.
Il s’est contenté de dire qu’il se chargeait
juste de l’exécution des dépenses ordonnées par le maire principal.
«J’assurais les
mandatements et participais à l’élaboration des documents financiers et
comptables. En ma qualité de chef comptable, je veillais à la préparation et à
l’exécution du budget communal, à la production des documents financiers et
comptables en assurant la mobilisation des ressources financières et la prise
en charge des dépenses obligatoires», a-t-il
détaillé.
Au sujet de la somme
incriminée, il a reconnu la réception des factures visées par le maire dont les
mandats étaient établis par lui. Et un conseiller de l’interroger sur la
manière dont ils recevaient du carburant. «Moi, j’ai utilisé du carburant pour
les missions du service et le paiement était effectué sur la base des reçus
individuels rassemblés pour en faire une seule». Le conseiller de continuer :
«Que dites-vous sur l’irrégularité du décaissement de 1, 4 milliard de Fcfa,
destinés aux 20 villages». L’accusé répondra qu’il n’en a aucune idée.
Le régisseur des
dépenses d’égrener pêle mêle la réalisation, le coût d’entretien des 3 centres
d’état civil (plus de 40 millions de Fcfa), les frais d’études des projets de
faisabilité et de formations (plus de 229 millions et demi de Fcfa). En sa
qualité de membre de la commission de dépouillement, le président de la Cour
lui demandera d’expliquer à la Cour comment les marchés d’appels d’offres
étaient attribués. Sur ce point, l’accusé a été très clair : « Je ne suis
jamais intervenu dans le processus d’attribution ».
DES MARCHES PUBLICS DE 25 à 50 millions de Fcfa- Pour sa part, l’accusé
principal, A Sissoko, a expliqué qu’il a remplacé le maire défunt F. Sissoko
courant février 2021 et qu’il était auparavant 1er adjoint et président de la
commission des finances. à ce titre, il concluait sous l’autorité d’approbation
du maire défunt les marchés publics dont le seuil de passation se situait entre
25 et 50 millions Fcfa. Excepté cela,
l’élu local soutiendra qu’il n’entretenait aucun rapport avec les régisseurs
des recettes et des dépenses. Au sujet des frais de carburant des véhicules, et
du groupe électrogène de la mairie, l’ex édile a attesté leur bien-fondé, soit
plus de 225 millions de Fcfa. «Le défunt maire, ses trois adjoints et les
régisseurs des recettes étaient bénéficiaires desdits engins dont les
différentes factures étaient rassemblées pour en établir une seule à la fin de
chaque exercice annuel», a-t-il détaillé.
Durant plusieurs dizaines
de minutes à la barre, l’accusé F. Sissoko a donné des explications détaillées
sur la disparition de la somme reprochée à lui et certains de ses collègues. Et
chacun des accusés en a fait de même pour essayer de convaincre les jurés dans
l’espoir d’échapper à la rigueur de la loi en l’espèce. Quant aux prestataires
qui ont bénéficié de marchés, à la barre ils ont systématiquement tous nié
leurs responsabilités dans cette histoire. Mieux, ils sont allés loin en
soutenant qu’ils avaient entièrement exécuté leurs obligations vis-à-vis de la
mairie qu’ils accusent d’ailleurs de ne les avoir pas tout payé après exécution
de leur part de prestation.
Le contentieux de l’état a
déploré les faits, déclarant que les agissements des accusés ont laissé un «
trou » dans les finances de la mairie, et par ricochet, les fonds de l’état.
«L’accusé principal A. Sissoko a rejeté toutes les accusations concernant
l’octroi des marchés alors que les débats ont montré le contraire. Il a
participé à toutes les irrégularités qui ont permis de dilapider les fonds.
S’agissant des fournisseurs, certains ne savaient même pas ce que c’est qu’un
marché. Ils ont simplement été embarqués par les malfaiteurs. L’atteinte aux
biens publics est établie, parce qu’ils n’ont pas pu fournir des pièces
justificatives concernant la disparition de plus de 2 milliards de Fcfa», a
martelé le défenseur de l’etat.
à propos des marché
publics, un des conseils de la partie civile a tenté de donner des
clarifications quant à son mode de passation : «C’est une commission qui siège
à la mairie concernant les marchés publics. Le maire n’est jamais seul
signataire. Il signe au nom des membres du conseil qui délibère sur une
situation. La mairie de Sitakily n’a pas de commissaire aux comptes, ni de
comptabilité-matières. Il y a juste un compte rendu administratif qui ne répond
pas aux normes», a-t-il répliqué.
Parlant de l’intérimaire,
l’avocat pense que celui-ci s’est déchargé sur le défunt élu communal. «C’est
une honte, car celui-ci ne peut plus se défendre. Il a expliqué qu’en sa
qualité de 2ème adjoint au maire, il n’a
jamais été associé à quoi que ce soit. Un analphabète ne doit pas être maire
parce qu’il ne sait, ni lire, ni écrire les lois qui régissent sa fonction»,
a-t-il déclaré.
Pour sa part, le parquet a
indiqué qu’au regard de certaines irrégularités constatées à la barre, tous les
accusés ont contesté le rapport d’audit. «Laquelle des deux versions est-elle à
retenir ?», s’est interrogé le
magistrat, précisant que tous les entrepreneurs ont indiqué avoir obtenu leur contrat,
suite à un appel d’offres lancé par le défunt maire. «Les avis d’appels
d’offres ont été lancés, les entrepreneurs ont soumissionné leurs dossiers et
ils ont bénéficié des marchés. Certains ont totalement exécuté leur contrat,
d’autres non. Pourquoi le contrôleur financier n’a pas été inculpé, mais il a
juste été entendu à l’enquête préliminaire», s’est demandé le parquet qui,
partant de ces observations, a requis l’acquittement de tous les complices.
Concernant A. Mounkoro, le défenseur des citoyens a estimé qu’il n’avait pas sa place au tribunal, à cause du fait qu’il n’a signé aucun contrat public et n’a attribué aucun marché. Ainsi, le ministère public a démonté un à un les accusations portées à l’encontre de tous les accusés, à l’exception du nommé A. Sissoko. Ce dernier aurait facilité l’obtention d’un marché à un de ses frères au détriment d’autres prestataires de service, potentiels acquéreurs dudit marché. La Cour l’a finalement reconnu coupable de «favoritisme» et l’a condamné à 5 ans d’emprisonnement et au payement de 3 millions de Fcfa d’amende. Tous les autres accusés ont été simplement acquittés.
Tamba CAMARA
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