Cour d’assises : L’édile et ses coaccusés recouvrent la liberté

Les vérificateurs mandatés ont décelé un trou financier dans les caisses de la mairie. Devant les juges les accusés se sont défendus, expliquant que l’argent a été utilisé pour les dépenses normales

Publié mercredi 22 janvier 2025 à 07:51
Cour d’assises : L’édile et ses coaccusés recouvrent la liberté

F. Traoré est un ancien élu communal qui a comparu en Cour d’assises lors du jugement des crimes et économiques et financiers tenu à la Cour d’assises de Bamako. Il y était  en compagnie de certains de ses collègues notamment I. Badiane (régisseur des finances) M. Touré (agent de recouvrement) et F Coulibaly (comptable). Ils ont comparu pour des faits d’«atteinte aux biens publics, faux en écriture, usage de faux et fractionnement de dépenses» portant sur un peu plus de 03 millions de Fcfa qu’ils auraient utilisés à des fins personnelles. De ce fait, ils se seraient rendus coupables d’infractions prévues et punies par les dispositions des articles 106, 107, 102, 103, et 114 du code pénal, pouvant donner lieu à des peines criminelles.


L’acte d’accusation fait ressortir que courant 2019, au cours d’une mission de l’inspection des domaines et des affaires foncières à la mairie de la Commune II du District de Bamako, pour vérifications des règles administratives et comptables, le collectif des conseillers communaux dénonça au bureau du Vérificateur général (BVG) des cas de malversations financières au sein de leur structure.

 A l’issue de la mission de contrôle, il a été décelé des irrégularités financières mettant en cause plusieurs responsables et agents de ladite mairie ainsi que certains partenaires contractuels contre lesquels, le parquet financier saisi du procès-verbal du 09 avril 2020, en arrivait à l’ouverture d’une information judiciaire contre les susnommés pour « atteinte aux biens publics, faux en écriture et usage de faux et fractionnement de dépenses »

 

Grève et pénurie de fonds- Aussi bien devant le juge instructeur que devant la Cour d’assises spéciale, les accusés ont  tous nié les faits. Il leur restait à s’expliquer. C’est ainsi que pour leur défense, les suspects ont clamé leur innocence, justifiant que la somme concernée avait été utilisée pour assurer le fonctionnement normal de la mairie dans un contexte de grève et de pénurie de fonds.

«La somme qu’on nous reproche a été investie dans le fonctionnement de la mairie», s’est défendu le principal mis en cause, F. Traoré, 2ème adjoint au maire à l’époque des faits.  Celui-ci a précisé qu’à la suite d’un mouvement d’humeur, le percepteur de la mairie avait carrément disparu avec les quittances, alors que des commerçants devraient faire des versements à la mairie. Pour attester du paiement de certains créanciers de la mairie, F. Traoré expliqua qu’il avait utilisé des reçus « Bon pour franc » (BPF) en attendant que le mouvement de grève enclenché par les agents de mairie ne finisse.

L’élu local s’est défendu en expliquant qu’après le mouvement de grève, certains créanciers (commerçants)  sont passés à la mairie pour récupérer leurs quittances. C’est ainsi que dans la confusion créée par le mouvement de crève, certaines personnes avaient estimé que plus de 3,4 millions de Fcfa avaient disparu. Toutefois, devant les juges, l’accusé s’est défendu et expliqué les avoir versés au percepteur. Selon lui, la somme aurait été utilisée pour réparer le véhicule du maire, acheter du carburant et réparer une imprimante défaillante. Ainsi, l’accusé a soutenu qu’ils (lui et ses complices) n’ont rien détourné, contrairement à ce qui ressort de l’arrêt de renvoi.

Idrissa Hamidou Touré, représentant le parquet, à l’époque a une autre explication des faits, aux yeux du droit. Pour le magistrat, ces accusés ont commis une faute de comptabilité publique et non une faute pénale. « Ce dossier tourne autour d’un peu plus de 3,4 millions de Fcfa. La vérité a été tronquée et il est important que la justice s’assume. Il ne faut pas qu’on se laisse embarquer par ceux qui passent leur temps à sédimenter les preuves et à enclencher les charges.

Ces gens-là ont commis une faute oui, mais une faute de comptabilité publique qui ne peut pas engager leur responsabilité pénale », a plaidé le haut magistrat. Il illustre la situation par un fait similaire.  Lorsque des juges étaient en grève, leurs collègues au siège et chefs de juridiction avaient emporté les plumitifs avec eux. Cette situation a contraint les juges non grévistes d’utiliser des feuilles volantes comme plumitifs », a-t-il dit, réfutant du coup les infractions reprochées aux accusés au moment des faits.

Partant de ces observations, a poursuivi le magistrat, «les infractions ne sont pas constituées». Il a requis l’acquittement pur et simple des accusés.

Les avocats des accusés qui n’attendaient pas mieux, ont profité de cette brèche du ministère public pour demander l’acquittement de leurs clients. Ils ont soutenu l’idée du représentant du parquet, en rappelant que « l’argent n’a pas été détourné, mais utilisé pour faire fonctionner la mairie». Au terme des débats, la Cour a semblé avoir suivi les réquisitions du ministère public. Elle a prononcé l’acquittement pur et simple des accusés qui ont ainsi recouvré la liberté.

Tamba CAMARA

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