Colonel-major Fousseyni Keïta, directeur de l’OCS : «Nous avons mis au-devant de nos missions la prévention»

Dans cette interview, le directeur de l’Office central des stupéfiants (OCS) explique les missions de sa structure et fait le point des résultats engrangés au cours de l’année écoulée. Le Colonel-major Fousseyni Keïta parle aussi des défis et des perspectives dans la lutte sans merci que ses équipes mènent contre le trafic et la consommation des drogues et autres produits stupéfiants, aux conséquences incommensurables sur la santé des populations surtout la frange juvénile

Publié mardi 08 juillet 2025 à 08:05
Colonel-major Fousseyni Keïta, directeur de l’OCS : «Nous avons mis au-devant de nos missions la prévention»

L’Essor : Quelles sont les missions de l’Office central des stupéfiants ?

Colonel-major Fousseyni Keïta : L’Office central des stupéfiants est un jeune service qui a été créé en 2010 par le décret n°10-212/P.RM du 13 avril 2010, qui a ensuite été modifié par l’ordonnance n°2013-012/P-RM du 02 septembre 2013. C’est un service central du ministère de la Sécurité et de la Protection civile, chargé de la lutte contre le trafic illicite des stupéfiants et les infractions liées aux drogues.

Le décret n°2015-0400/P-RM du 4 juin 2015 fixe l’organisation et les modalités de fonctionnement de l’Office et l’arrêté n°2016-2952/MSPC-SG du 24 août 2016 est venu compléter ce décret dans l’organisation du service. C’est compte tenu de la montée en puissance de la consommation de la drogue que les autorités ont jugé nécessaire de créer un service central qui a pour mission de coordonner la lutte contre la drogue dans notre pays.

Au niveau de la police, de la gendarmerie et des douanes, il y a des unités qui luttent aussi contre la drogue. Mais l’OCS est le
service qui coordonne l’action de ces unités. Contrairement aux autres pays, c’est un service indépendant qui peut mener ses propres enquêtes.

Il fonctionne sur trois principaux piliers qui sont la conception et la mise en œuvre des activités du service, la coordination nationale de la lutte contre la drogue et la coopération internationale en matière de lutte contre la drogue.

L’Office central des stupéfiants a pour mission de mettre en œuvre l’ensemble des mesures de prévention, de contrôle et de répression envisagées au plan national, sous-régional, régional et international pour une lutte efficace et coordonnée contre le trafic illicite des stupéfiants. C’est à ce titre qu’il est, à la fois, investi de missions de police judicaire et de missions de coordination opérationnelle en matière de trafic illicite des stupéfiants au Mali.

Pour nos missions, il y a d’abord la prévention. Il s’agit de sensibiliser les populations aux dangers liés à la consommation et au trafic des stupéfiants. Une autre mission est le contrôle, c’est-à-dire veiller et avoir un œil sur les produits importés et exportés du Mali.  Ensuite, il y a la répression qui est la lutte contre la production, le commerce et la distribution des drogues. Parmi nos missions, figure également la coordination opérationnelle. Cette mission nous exige de collaborer avec les forces de sécurité nationales et internationales, les douanes et d'autres institutions pour des actions concertées.

En outre, il y a la collaboration qui consiste à veiller au respect des engagements pris par le Mali en matière de lutte contre les drogues, notamment ceux liés aux conventions des Nations Unies. Et maintenir un lien de collaboration avec tous les services impliqués dans la lutte contre les stupéfiants. L'OCS agit également pour réduire les impacts sociaux, économiques et sanitaires du trafic et de la consommation de drogues au Mali. À travers des enquêtes, des interpellations et des campagnes de sensibilisation, il contribue à la sécurité publique et au développement du pays.

L’Essor : L’une des missions de l’OCS est la sensibilisation sur les dangers de la consommation et du trafic des drogues et autres stupéfiants. Comment se passe cette mission sur le terrain ?

Colonel-major Fousseyni Keïta : Nous avons mis au-devant de nos missions, la prévention. La répression n’est pas un moyen qui permet à tout moment la réussite de nos objectifs. Il faut la prévention. Et cette prévention se fait sur le terrain avec la société civile. Chaque fois qu’on est saisi par une organisation de la société civile qui veut mener la sensibilisation dans un quartier, nous désignons des éléments qui vont les appuyer pour la sensibilisation.


Même tout récemment avec le problème de drogue lié au recrutement dans l’armée, il a été demandé au ministère de la Jeunesse de procéder à la sensibilisation sur ce problème. Dans cette sensibilisation, l’OCS est au premier plan car on est habitués à le faire. Cette mission est venue trouver l’OCS dans la sensibilisation alors que le département en charge de la Jeunesse n’a pas une unité pour cette sensibilisation. Le département est obligé de s’appuyer sur l’OCS qui a l’expertise qu’il faut.

Au niveau des écoles aussi, on fait souvent appel à l’OCS pour sensibiliser les élèves sur les dangers liés à la consommation de la drogue. Nous intervenons également au niveau des Forces armés et de sécurité. Chaque fois qu’une mission doit monter sur le terrain par exemple au niveau de la Garde nationale, l’OCS est sollicité pour mener la sensibilisation. Ces derniers temps, l’Office a mené 197 activités de prévention et de sensibilisation en matière de trafic illicite des stupéfiants. Ces campagnes ont été menées à Bamako et dans toutes les capitales régionales du pays à l’endroit des jeunes, des femmes et des hommes. Elles se sont déroulées dans les écoles, lors des activités populaires, sur des médias audiovisuels publics et privés.


L’Essor : Quelles sont les composantes des équipes de l’OCS ?

Colonel-major Fousseyni Keïta : L’OCS est structuré autour d’une direction basée à Bamako et d’une antenne dans chaque capitale régionale du pays. Dans le District de Bamako, l’OCS dispose de deux antennes (antenne Rive droite et antenne Rive gauche) ainsi que de la Cellule aéroportuaire anti-trafics (CAAT) à l’Aéroport international Président Modibo Keïta-Sénou. Le personnel de l’OCS est constitué de gendarmes, de policiers, de gardes, de douaniers, de militaires et de civils.

Le décret d’organisation dit que l’OCS doit recruter des gendarmes, des policiers, des agents des Eaux et Forêts, des agents des douanes, des fonctionnaires de l’état et même de tout autre service qui permet d’apporter un plus à l’Office. Nous pouvons aussi prendre des spécialistes qui peuvent nous aider dans notre mission. C’est le cas présentement au niveau du laboratoire.

L’Essor : En 2024, l’OCS a engrangé beaucoup de résultats sur le terrain. Quels ont été vos plus grandes saisies et qui font votre fierté aujourd’hui ?

Colonel-major Fousseyni Keïta : En 2024, nous avons eu à faire plusieurs saisies. Mais la grande fierté pour l’OCS, c’est surtout la saisie de la cocaïne qui est très prisée dans le domaine de la consommation de la drogue. Le Mali n’est pas un pays de consommation de cette drogue mais un pays de transit. Car elle peut quitter l’Amérique du Sud, passer par notre pays et remonter vers l’Europe. Plus de 70 kg de cocaïne ont été saisis.

En plus de la cocaïne, il y a le cannabis avec plus de 60 tonnes saisies. Aussi, 985 kg de résine de cannabis (Haschich), plus de 120 tonnes et 525 kg de produits pharmaceutiques contrefaits ont été saisis. L’OCS a également saisi plus de 130 kg de Off et d’Héroïne, plus de 27 kg de Crack et plus de 2.200 cartons de Tramadol.

Le Tramadol est un médicament qui n’est pas interdit. Mais à forte dose, il devient de la drogue. C’est ce produit que les terroristes consomment beaucoup. Quand on consomme ce produit, on se croit invincible. En plus du Tramadol, il y a le Diazépam qui est aussi un produit très prisé chez les jeunes. En outre, plus d’une tonne d’appareils et d’accessoires de Chicha ont été saisis avec 422 personnes interpellées conformément à l’arrêté interministériel interdisant l’importation, la distribution, la vente et l’usage ou tout autre appareil similaire. Malgré l’interdiction, les gens se cachent pour fumer la Chicha et certains mettent le Tramadol dans cet appareil pour le consommer. Les différentes saisies ont abouti à l’interpellation de 1.409 personnes. Parmi les interpellées, il y a 1.205 nationaux, 37 étrangers et 204 présumés suspects sont activement recherchés.


L
’Essor : Quelle est la tendance actuelle du trafic et de la consommation de drogues au Mali ?

Colonel-major Fousseyni Keïta : Le Mali étant considéré comme un pays de transit des produits stupéfiants et des substances psychotropes, l’essentiel de ce trafic, courant l’année 2024 à ce jour, est fait par des nationaux dont la plupart est jeune. Parmi les personnes interpellées par l'OCS, 70% sont des jeunes consommateurs, 25 % sont des jeunes filles et 5% sont des personnes âgées. À cela, s’ajoute la culture du cannabis sur le territoire malien, qui est un constat amère ces derniers temps. C’est pourquoi, cette année, l’OCS est en train d’intensifier les campagnes de prévention et de sensibilisation à travers le pays.

L’Essor : Quels sont les produits stupéfiants que vos agents saisissent le plus sur les trafiquants ?

Colonel-major Fousseyni Keïta : Ce sont le cannabis, les résines de cannabis (Haschich), les produits pharmaceutiques contrefaits, les doses de Off et d’Héroïne, le Crack, le Tramadol et le Diazépam, les appareils et accessoires de Chicha et la Cocaïne.

L’Essor : Vos efforts à la tête de l’OCS ont été reconnus en début d’année à travers une décoration. Qu’est-ce que cette distinction représente pour vous ?

Colonel-major Fousseyni Keïta : C’est une distinction qui concerne tout le monde. Lorsque ça marche, on voit le directeur. Mais le directeur travaille avec des éléments; notamment des chefs de division et des éléments sur le terrain. Cette distinction est un honneur pour moi et pour l’OCS. Je dirais que cette distinction représente avant tout, la reconnaissance d’un travail collectif. Elle met en lumière l’engagement de toutes les équipes qui œuvrent au quotidien pour atteindre nos objectifs. C’est également une motivation supplémentaire pour continuer à renforcer la coopération entre nos membres, relever de nouveaux défis et innover dans nos approches. Une telle récompense n’est pas seulement un honneur personnel, mais un encouragement à persévérer dans la voie que nous avons tracée.

L’Essor : Pour l’année 2025, quels sont les défis et vos perspectives dans la lutte contre les drogues et autres produits stupéfiants ?

Colonel-major Fousseyni Keïta : Les défis sont nombreux. D’abord, il y a le renforcement de la coordination entre les unités, des moyens techniques, la mise en place de lieux de prise en charge des consommateurs de drogues. A court terme, l’OCS souhaite renforcer ses effectifs, notamment ses unités qui sont sur le terrain pour mener à bien sa mission. A moyen terme, nous voulons renforcer la coopération sous-régionale.

Tout récemment, dans le cadre de la Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite des drogues, le Mali a été choisi pour le lancement régional du rapport mondial 2025 sur les drogues. Cela est dû au fait qu’en Afrique de l’Ouest et du Centre, c’est le Mali et le Nigeria qui ont eu le maximum de chiffres dans la lutte contre la drogue.

Nous voulons ce renforcement pour que ces gens puissent nous aider dans l’atteinte de nos objectifs. Nous demandons aussi aux populations de nous aider dans cette lutte, parce que l’OCS ne pourra pas le faire seul. Car, c’est à travers leurs dénonciations que l’Office pourra réussir sa mission.  

Propos recueillis par

Dieudonné DIAMA

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