
L’un des deux bacs du Cercle de Bafoulabé en pleine activité
De nos jours, le bac fluvial est pour Bafoulabé
ce qu’était le train pour Kayes, son chef-lieu de région. En effet, pour le
voyageur qui vient de Kayes et de Diamou, il lui est impossible de fouler le
sol de la cité de Mali Sadio s’il n’emprunte pas le bac à partir de Tintila.
Idem pour celui qui fréquente l’axe Kita-Toukoto : ce dernier doit
transiter forcément par Babaroto pour arriver à Bafoulabé ou à Tintila. S’agissant
des passagers en provenance de Tambaga et de Manantali, ceux-ci doivent
emprunter le bac pour se rendre de l’autre côté du fleuve.
La traversée du fleuve Sénégal par le bac est
une obligation même pour ceux qui n’aiment pas voyager par pirogue à cause des
risques de noyade et de chavirement, surtout en cas d’orage ou de tornade.
En effet, le Cercle de Bafoulabé possède deux
bacs fluviaux qui assurent la continuité des routes (Kayes-Kita en passant par
Babaroto, Kayes-Tambaga en passant par Manantali). «Cependant, ces engins sont
vieillissants car, ils ont été mis en circulation depuis plus de 20 ans. Alors,
avec de tels bacs, les problèmes n’en finissent pas», déplore le préfet du
Cercle de Bafoulabé, Amadou Soumaré, lors d’une rencontre avec la société
civile.
Selon lui, il y a longtemps qu’un bac est garé
suite à un problème de moteurs dont les pièces détachées sont récupérées pour
faire marcher le second engin. «Pour l’instant, c’est un seul bac qui assure la
traversée des véhicules avec ses multiples problèmes (moteurs, propulseurs). Un
seul de ses moteurs fonctionne, ce qui explique aussi sa lenteur dans la
traversée», précise le préfet, également président du Comité de gestion des
bacs fluviaux.
Le préfet a aussi rappelé que les Industries
navales et constructions métalliques (INACOM) du Mali, société basée à
Koulikoro, est la seule habilitée à réparer les bacs fluviaux, un travail qui
se fait à coût de millions de Fcfa. Il faut souligner que les populations ne
sont pas restées indifférentes face à cette situation.
Bien avant le calvaire provoqué par l’arrêt de ce moyen de transport fluvial, la société civile, sous l’égide de sa présidente Salama Sakiliba, le président du Conseil local des jeunes, Boubacar Macalou, les présidents des conseils communaux de la jeunesse de Bafoulabé (Karamagan Diallo) et de Mahina (Harouna Diop) avaient entrepris des démarches auprès du préfet pour l’organisation d’une rencontre. Celle-ci a permis à l’ensemble de ces acteurs de se retrouver pour échanger sur des questions liées aux bacs afin que la situation ne tourne au pire.
Mais, cette tentative de sauvetage n’a pas réussi,
puisque le 26 août dernier, le second moteur du bac a lâché complètement. D’où
ces exclamations : «Plus de bac ! Plus de traversée de véhicules !».
Ainsi, commence le calvaire pour le personnel naviguant et pour l’ensemble des usagers de ce moyen de transport fluvial, sans oublier les populations riveraines du fleuve Sénégal formé par le Bafing et le Bakoye. Et la ville de Bafoulabé tire son nom de la rencontre de ces deux fleuves.
La problématique a largement animé les débats sur les réseaux sociaux, dans les grin. Si cette panne a plongé le personnel et le comité de gestion du bac dans le désarroi, elle a bien profité aux piroguiers qui se sont frottés les mains pendant un bon bout de temps. Car, comme le dit cet adage populaire : «à quelque chose malheur est bon». Ces deux semaines d’arrêt du bac leur ont permis de gagner beaucoup d’argent, étant donné que les pirogues étaient les seuls moyens de transport fluvial. Du coup, tous les prix, y compris ceux des produits alimentaires, ont pris l’ascenseur doublé, rendant ainsi la vie très chère.
Le recours aux pirogues - On faisait traverser
une personne à 200 Fcfa le jour et à 500 la nuit. Le transport d’une tonne de
ciment d’une rive à l’autre coûtait 3.000 Fcfa. D’où le ras-le-bol des
habitants qui ont saisi cette malheureuse mésaventure pour manifester dans les
rues contre l’arrêt du bac et la cherté de la vie. Et ils ont même enfoncé le
clou, en accusant le comité de gestion des bacs fluviaux d’avoir mal géré les
recettes générées par ce moyen de transport.
Pour tirer leur épingle du jeu, les
transporteurs et les passagers ne pouvaient qu’opter pour l’unique occasion qui
était à leur portée. Il s’agissait, pour eux, de se rabattre sur les piroguiers
pour l’acheminement de leurs marchandises et autres bagages jusqu’à l’autre
rive où sont stationnés des véhicules prêts à assurer le relais.
Pourtant, le gérant du bac, Mamadou Diakité, a, dès le début de la panne technique, indiqué qu’il avait informé immédiatement le préfet de la situation. D’après lui, cette situation constituait un coup dur, notamment pour le personnel du bac. «C’est le bac qui nous permet de retrouver le sourire. Et ce travail nous plait. Bref, le bac est notre vie. Si ce moyen tombe en panne, c’est la galère pour nous», affirmera-t-il.
Selon certains conducteurs de véhicules, c’était
la résignation pour ceux qui ne pouvaient pas traverser le fleuve. D’autres, étaient
contraints de rebrousser chemin et de rester sur les bords, tout en
sympathisant avec les habitants au bord du fleuve, afin d’améliorer leurs
conditions de vie, faute de moyens.
Au vu de la situation, le préfet a convoqué
une réunion d’urgence dans son bureau le 5 septembre dernier à laquelle a pris
part la société civile. Un seul point était inscrit à l’ordre du jour : «réfléchir
ensemble pour trouver une solution au problème du bac». Cette rencontre a débouché
sur des propositions concrètes. Certaines bonnes volontés ont décidé de
manifester leur solidarité, en mettant la main à la poche pour la relance du
bac afin d’abréger les souffrances des populations. Car la ville de Bafoulabé, étant
un grand carrefour, risquait d’être coupé des autres localités du pays, ce qui
allait constituer une menace à l’économie.
C’est ainsi que le président de l’Association
des municipalités de Bafoulabé, Adama Bandiougou Sissoko, a promis un montant
de 1.250.000 Fcfa et un opérateur économique du village en a donné 500.000
Fcfa. Le président du Conseil de cercle a contribué à hauteur d’un million de
Fcfa et il y avait 1 million de Fcfa dans les caisses du comité de gestion du
bac. Ces montants (7.250.000) Fcfa ont été donnés au comité de gestion en vue
de trouver urgemment la solution. Autrement dit les 8 millions proposés par
l’INACOM pour la réparation d’un bac venaient d’être trouvés, levant du coup
une épine du pied du préfet qui a immédiatement contacté les techniciens de
l’INACOM pour la réparation de la panne.
Sans tarder, cette société a dépêché des
techniciens sur Bafoulabé qui ont travaillé du 9 au 10 septembre 2022 pour
permettre la reprise du bac fluvial, à la grande satisfaction des riverains et
autres usagers. Dès lors, les gens ont commencé à converger vers les deux rives
afin d’être parmi les premiers à traverser le fleuve par bac après plusieurs
jours d’interruption.
Cependant, beaucoup reste à faire pour panser les plaies car, certaines personnes réclament la dissolution du Comité de gestion des bacs fluviaux (CGBF) qui, selon eux, gère mal les recettes. D’autres souhaitent que la gestion soit confiée à un GIE. Ou bien que la société civile entame des démarches auprès des autorités compétentes pour la construction d’un pont en vue d’éviter d’autres calvaires.
Boubacar MACALOU
Correspondant stagiaire Amap-Bafoulabé
Rédaction Lessor
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