C’est une organisation à vocation sous-régionale composée d’anciennes femmes ministres et parlementaires et celles en fonction. Très active dans le domaine environnemental, Mme Keïta Aïda M’Bo évoque dans cette interview l’importance de la Quinzaine de l’environnement, la contribution de son réseau à cet évènement, la pollution plastique, la lutte contre la désertification et la sècheresse
L’Essor : Pouvez-vous présenter le Refamp et nous dire
pourquoi vous vous intéressez à la célébration de la Quinzaine de
l’environnement ?
Mme Keïta Aïda M’Bo : Créée en 1994, lors de la Conférence
de Ouagadougou, cette organisation sous-régionale soutient
l’autonomisation et la participation politique des femmes. Par ailleurs,
elle œuvre pour davantage de droits personnels et civiques à accorder
aux femmes maliennes et africaines.
Aussi, pour le respect des
lois votées en leur faveur pour un meilleur accès aux
sphères de décision. Notons avec force que le Refamp-Mali reste
une organisation féminine dont les membres sont issus de l’Exécutif
et du Législatif. Conformément à son plan d’actions stratégique
2023-2027, le Refamp évolue dans la protection de l’environnement et la
sauvegarde de la diversité biologique, la lutte contre les effets néfastes du
changement climatique qui modifient structurellement les modes de production et
de consommation des populations et fragilise les écosystèmes et le développement
durable.
Depuis 2015, le Refamp-Mali a maintes fois montré sa farouche
opposition aux énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) largement utilisées dans
nos villes et campagnes et responsables du dérèglement
climatique lors des Conférences des Parties (COP) sur le climat. La 24è édition
de la Quinzaine de l’environnement, à l’instar des précédentes éditions,
demeure pour le Refamp une occasion pour marquer notre attachement à la cause
environnementale, car la création d’un meilleur cadre de vie améliore la santé
et l’espérance de vie des citoyens.
Aussi, la Quinzaine de
l’environnement, ainsi que la campagne nationale de reboisement
constituent pour nous, des évènements mobilisateurs de très grande
portée. Nous demeurons «écolo» et continuerons de plaider pour le passage
vers une transition énergétique dans l’atteinte des Objectifs de développement
durable (ODD). Ce sont des moments privilégiés pour interpeller la conscience
collective à travers des débats de fond pour le maintien de la biodiversité,
le renforcement de la résilience des populations surtout les femmes et les
jeunes, la gestion intégrée des ressources en eau et la gestion durable des
terres agrosylvopastorales, surtout dans les pays du Sahel.
L’Essor : Quelle a été votre contribution aux éditions
passées ?
Mme Keïta Aïda M’Bo : Nous avons mené une série
d’activités de sensibilisation des acteurs sur la préservation de la
biodiversité végétale et animale, un plaidoyer en faveur de l’utilisation
des équipements économes en bois, tels que les équipements ménagers qui
fonctionnent à base de l’énergie solaire disponible en quantité comme
alternative à l’utilisation du bois-énergie et l’exploitation anarchique de nos
ressources forestières.
Nous avons également participé à certaines conférences
débats et/ou animé des échanges sur les thématiques concernant la pollution du
fleuve Niger, les femmes et le changement climatique, l’utilisation de
bio-digesteurs familiaux, entre autres. Pour nous, la sensibilisation sur la
protection de l’environnement est un combat de tous les jours, car la situation
est très alarmante. Notre planète est menacée, nous sommes tous en danger et
l’action doit être notre leitmotiv.
L’Essor : Qu’est-ce que votre Réseau peut-il apporter
de particulier dans le cadre de la présente édition de la Quinzaine de
l’environnement ?
Mme Keïta Aïda M’Bo : La pollution plastique fait subir
beaucoup de nuisances à l’environnement terrestre maritime et fluvial.
Notre rôle sera pédagogique, expliquant que la plupart des plastiques qui
arrivent en Afrique et particulièrement au Mali ne sont pas biodégradables et
leur présence dans l’air et sur les terres agricoles sont source de pollution
majeure, entrainant l’infertilité des sols ; les 2/3 des déchets
plastiques finissent en général dans les mers et fleuves avec risque
d’ingestion par les animaux aquatiques... Voilà pourquoi, la presse nous paraît
un outil efficace dans la sensibilisation des populations mal informées sur les
dangers encourus par l’utilisation des sachets plastiques. Notre message sera
un fort plaidoyer pour un changement de comportement.
La Journée mondiale de l’environnement porte cette année sur
la question de la pollution plastique. De nos jours, plus
de 400 millions de tonnes de
plastiques sont produits chaque année, dont la moitié n’est utilisable qu’une
seule fois. Sur ce total, moins de 10 % sont recyclés et on estime
que 19 à 23 millions de tonnes finissent dans les lacs, les rivières
et les mers.
Aujourd’hui, ces déchets plastiques contribuent à la dégradation
de la qualité des cours et points d’eau, des terres agricoles et pastorales, du
domaine forestier national et à la perte de la diversité biologique. Nous
devons désormais changer nos habitudes et lutter contre l’envahissement des
emballages plastiques durant les années à venir, afin d’éradiquer ce
véritable fléau du monde moderne. Face aux grandes conclusions et
recommandations des scientifiques, nous annonçant amèrement que la
pollution plastique participe aussi à la crise climatique, nous devons refuser
l’inaction.
Quelle indifférence pouvons-nous femmes du Refamp, afficher, devant plus de 400 millions de tonnes de déchets plastiques par an, rejetés dans la nature à travers le monde, fragilisant davantage les habitats naturels des animaux aquatiques et terrestres et contribuant à la disparition de certaines espèces.
L’humanité doit trouver des solutions durables, efficientes,
inclusives et propres, basées sur l’émergence d’une économie circulaire
davantage axée sur la réutilisation et le recyclage des matières plastiques.
C’est pourquoi, il est important que pendant cette journée de l’environnement,
la communauté internationale se mobilise pour apprendre à utiliser ce matériau
de manière plus durable.
L’Essor :
Quelles solutions vous proposez pour un monde sans plastique ?
Mme Keïta Aïda M’Bo : Pour rappel, plus de 170 pays sont parvenus à un accord de principe pour mettre fin à la pollution plastique en mars 2022 à Nairobi (Kenya), avec l’ambition de finaliser un traité juridiquement contraignant sous l’égide des Nations unies, d’ici à la fin 2024.
Par ailleurs, les pays du G7 se sont engagés le 16 avril
dernier à réduire à zéro leur pollution plastique d’ici à 2040, grâce notamment
à l’économie circulaire et à la réduction ou à la suppression des plastiques
jetables et non recyclables.
Un monde durable nécessitera la mise en œuvre
de solutions pérennes, résidant dans le choix de modèles économiques prenant
en compte des habitudes et comportements propres à chaque pays. Depuis 2012, le Mali s’est engagé à lutter
contre la pollution plastique qui demeure un défi majeur par l’adoption de la
loi n° 2014-024 du 03 juillet 2014 portant interdiction de la production, de
l’importation et de la commercialisation des sachets plastiques non biodégradables
en République du Mali.
Malgré l’existence de cette disposition législative, ces
matériaux indestructibles, nuisibles pour l’homme et à son environnement
continuent de circuler à travers le pays, car utilisés à des fins multiples par
l’ensemble des catégories socioprofessionnelles du pays.
En somme, nous pouvons préconiser pour un pays comme le nôtre
une économie circulaire reposant sur la promotion de la réutilisation des
objets plastiques ; le recyclage manuel des matières plastiques. Il
faut aussi noter la réorientation de l’activité industrielle des
multinationales du plastique qui seraient désormais tournées vers les produits
biodégradables, plus écologiques et moins nocifs pour l’environnement. Cela en
attendant bien sûr l’interdiction définitive des sachets plastiques au Mali qui
doit être notre combat à moyen terme.
L’Essor : Quel est votre point de vue sur l’enquête
faite en Afrique sur certaines capitales en terme d’assainissement et de
salubrité et qui classe Bamako comme étant la capitale la plus sale en Afrique
? Information crédible ou intox ?
Mme Keïta Aïda M’Bo : Sujet polémique pour le
Refamp-Mali, composé de ministres et parlementaires fortement attachés au progrès
de leur pays et à la mise en place de solutions pérennes pour l’assainissement
de la ville- capitale, Bamako principale vitrine du Mali. Nous ne
connaissons pas les sources de cette enquête et préférons ne pas entrer
dans cette polémique, dégradante pour l’image des Maliens.
Cependant soyez sûrs que le Refamp, travaillant de concert
avec le ministère de l’Environnement et de l’Assainissement, compte contribuer
fortement à la résolution de l’insalubrité de Bamako. C’est d’ailleurs dans ce
cadre que nous sommes entrain d’aménager l’avenue du Mali qui pour nous doit être
une vitrine de la capitale. L’avenue est située au cœur de l’ACI et porte le
nom de «Avenue du Mali». Les travaux sont en cours, avec quelques retards inhérents
à des impondérables du site, mais ça avance. Une visite des parterres est
d’ailleurs prévue très bientôt avec toutes les parties prenantes.
L’Essor : Que pensez-vous du thème de la Journée
internationale de la lutte contre la désertification et la sècheresse «Femme.
Sa Terre. Ses droits» ?
Mme Keïta Aïda M’Bo : Nous savons que de par le monde
les femmes se heurtent à des obstacles majeurs pour garantir leurs droits
fonciers. En choisissant ce thème, les Nations unies ont voulu attirer encore
une fois l’attention sur l’importance d’investir dans l’égalité d’accès des
femmes à la terre. Il est indéniable que les politiques foncières doivent
parvenir à intégrer efficacement les régimes fonciers traditionnels dans la législation
nationale, tandis qu’une capacité accrue des femmes à accéder à la propriété,
au sein des systèmes officiels et coutumiers qui les privent souvent des droits
nécessaires, leur permettrait de produire un impact notable sur la gestion
durable des terres.
Pour sa part, le Mali, nous le savons, a signé et ratifié de
nombreuses conventions qui valorisent les droits de la femme de manière générale.
On peut donc noter que les droits de femmes ont commencé à évoluer très
significativement depuis l’adoption de la Loi d’orientation agricole le 14 décembre
2005. Cette loi donne aux femmes un certain nombre de droits et
d’accompagnement de la part de l’État.
Ces dernières décennies, l’état a inscrit dans ses orientations stratégiques,
l’adoption d’une Politique nationale genre du Mali (PNG/Mali) en 2010 qui,
quant à elle donne des indications pour permettre aux femmes marginalisées dans
l’accès au foncier mais aussi la sécurisation foncière d’être rétablies dans
leurs droits fondamentaux. Les femmes sont également mises à l’avant-garde des
actions climatiques censées préserver leur patrimoine écologique afin que le
potentiel de production de la terre soit sauvegardé. Il a été constaté que le
changement climatique amplifie les conflits mais les solutions restent endogènes.
Par ailleurs, il y a aussi la Politique foncière agricole (PFA) adoptée en 2014
qui permet d’assurer l’accès équitable de tous les producteurs maliens (hommes
et femmes) et des autres utilisateurs aux terres agricoles aménagées bien gérées
et sécurisées dans un environnement de bonne gouvernance foncière. Le Mali
s’est aujourd’hui engagé à donner plus de ressources pour soutenir le secteur
agricole, notamment la productivité de cultures vivrières, dans lesquelles les
femmes jouent un rôle capital. Les stratégies et solutions permettent d’accroître
la production, une agriculture durable, et un développement équitable passant nécessairement
vers l’accès des femmes rurales à l’information et à la communication.
Dans le secteur agricole, où les femmes représentent 43 % de
la main-d’œuvre agricole, le changement climatique renforce les barrières
existantes auxquelles les agricultrices doivent déjà faire face, elles qui, en
raison d’un cadre politique discriminatoire ou de normes sociales dégradantes,
possèdent moins de ressources. Elles disposent ainsi d’un accès limité aux
technologies et endurent une plus grande insécurité foncière.
Le gouvernement a signé et ratifié plusieurs accords
multilatéraux sur l’environnement et a acté plusieurs réformes sur la politique
forestière, le changement climatique, la Gestion durable des terres et des eaux
(GDTE) et la biodiversité qui mettent en exergue le rôle d’avant-garde des
femmes dans leur apport dans l’économie locale et dans la promotion et la
diffusion des bonnes pratiques de gestion durable des terres et des eaux. Tant
que les femmes ne seront pas au centre des prises de décisions et ne
disposeront pas de ressources foncières, la résilience dans la gestion des
ressources naturelles et forestières ne sera pas une réalité.
L’Essor : Que faut-il faire pour améliorer les droits
des femmes dans le cadre de la lutte contre la désertification et la gestion
durable des terres ?
Mme Keïta Aïda M’Bo : Dans le droit coutumier malien,
les femmes étaient exclues de l’accès à la propriété foncière, alors qu’elles
participent largement à l’exploitation des terres. Avec l’adoption en décembre
2020 de la loi domaniale et foncière, les femmes et les hommes ont égal accès à
la terre. Aussi, conformément à la Loi
d’orientation agricole, il s’agit pour nous de contribuer à la mise en place,
au suivi et l’évaluation périodique du dispositif pour octroyer au minimum 10%
des terres aménagées aux groupes vulnérables que sont les femmes, les jeunes et
les personnes handicapées.
Il s’agira également de susciter les regroupements des
femmes des milieux ruraux et leur organisation en structures faîtières en vue
de renforcer leur capacité de plaidoyer et de lobbying pour défendre la cause
de l’accès sécurisé des femmes à la terre et aux ressources forestières en référence
à la loi domaniale et foncière. Il s’agira aussi d’inciter la création auprès
des médias publics et privés (radios et télévision) des espaces d’échanges et
d’information sur les préoccupations liées à la femme et à la gestion des
ressources naturelles et forestières.
Propos recueillis par
Mariam A. TRAORÉ
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