#Mali : Souveraineté numérique : Pas sans cyberdéfense et cybersécurité

L’État doit avoir la capacité de réglementer les technologies de l’information et protéger les données sensibles. Et aussi favoriser le développement des compétences et des infrastructures numériques nationales

Publié mercredi 07 février 2024 à 08:57
#Mali : Souveraineté numérique : Pas sans cyberdéfense et cybersécurité

De gauche à droite:   Abdoul Kader Ky, directeur national de l’économie numérique et  Mamadou Coulibaly, directeur général du Cabinet BMD Sarl

 

La souveraineté numérique est devenue un enjeu stratégique important dans un monde de plus en plus interconnecté et dépendant des technologies de l’information. Aussi, sommes-nous dans une dynamique où les outils des Technologies de l’information et de la communication (Tic) ont pris une place primordiale dans nos vies. Les utilisateurs s’exposent à des risques, en embrassant ces technologies très souvent détenues par des tierces personnes. Pour tout État qui se veut souverain, s’assurer une certaine autonomie sur le plan numérique est un impératif. Comment bâtir la souveraineté numérique dans notre pays ? Nous avons posé la question à des experts. «La souveraineté, c’est l’aptitude et la latitude pour un État de décider de façon indépendante.

Aujourd’hui, tout ce qui est lié à la sécurité, à la défense et à l’économie passe nécessairement par les moyens technologiques. Donc, avoir un contrôle total sur ces technologies va de soi avec la souveraineté numérique. Quand on parle de souveraineté numérique, c’est avoir ses équipements, ses données propres et leur maîtrise», explique Abdoul Kader Ky, directeur national de l’économie numérique. Selon lui, une étude a démontré que quand un pays perd sa souveraineté numérique, il perd aussi toutes les autres composantes de sa souveraineté. Aujourd’hui, se réjoui t-il, il y a un début de rapatriement des données du Mali. «L’ensemble de nos données est détenu par des tiers à l’étranger. Même les simples sites web pour les Maliens étaient faits par des étrangers», déplore Abdoul Kader Ky.

Pour arriver à la souveraineté numérique, le spécialiste préconise le développement de l’industrie locale des Tic à travers un programme intensif qui aura trois paliers. Le premier sera consacré à l’usage diversifié et intensifié du numérique à forte valeur de création de richesses. Il s’agit, selon lui, d’apprendre aux gens la culture numérique et son usage pour produire de la valeur, notamment tout ce qui est communication digitale, vidéo en ligne. «Au lieu que les gens aillent sur les réseaux sociaux faire des injures et autres, on peut les transformer en créateurs de contenus avec des clubs de contenus intéressants, productifs et ainsi créer de la valeur et de l’emploi. Il faut former les gens à ce premier niveau d’utilisation qui va permettre d’avoir des aptitudes pour utiliser de façon intense et diversifiée les outils numériques, ce qui va permettre de générer de la richesse», suggère Abdoul Kader Ky.

Le deuxième niveau, selon l’expert, c’est de produire et former des gens qui vont être capables de déployer ces outils et de les maintenir en bon état de fonctionnement. Et en cas de panne, ces gens doivent pouvoir réparer les outils sans faire appel à une expertise étrangère. «C’est là, en fait, tout l’enjeu. Parce qu’aujourd’hui, quand nous mettons en place un système d’information dans nos organisations, la clé est détenue par un étranger. Pour le moindre problème, on est obligé de lui faire appel et le payer à coup de millions. Cela crée une faille de sécurité dans nos systèmes d’informations, parce que nous n’avons pas la maitrise de ces systèmes mis en place.

Ces gens peuvent dérober nos données et en faire ce qu’ils veulent par la suite», soutient le directeur national de l’économie numérique. Pour ce spécialiste, il est important d’avoir des gens qui peuvent faire ce travail de déploiement, de maintenance et de réparation de nos systèmes. Et cela ne peut se faire que par le renforcement des capacités, insiste-t-il. À cet égard, Abdoul Kader Ky recommande l’envoi des ingénieurs en formation afin d’avoir cette capacité de déployer, maintenir et réparer nos systèmes.

 

BÂTIR UNE ARCHITECTURE TIC- Le troisième palier, et qui permettra d’asseoir la souveraineté numérique à 100%, c’est la recherche fondamentale et appliquée dans ce secteur. «Il faut que nous puissions avoir des gens qui vont faire de la recherche, breveter les technologies que nous allons nous-mêmes développer sur place et commercialiser à l’international. C’est à ce seul moyen que nous allons commencer à bâtir une architecture Tic par nos propres équipements et nos ingénieurs, avoir un contrôle de bout en bout sur notre système d’information», développe le directeur national de l’économie numérique. Sans cela, prévient-il, les générations futures n’auront que de la dépendance vis-à-vis des technologies ou producteurs des technologies utilisées aujourd’hui.

De l’analyse de l’expert, la souveraineté se bâtira sur une vision à long terme, qui n’est pas utopique, mais bien réelle et réalisable comme l’ont réussi d’autres pays. «Nous sommes en train d’assister à la recomposition géostratégique. Et cette révolution technologique est une opportunité pour nous, les Maliens et l’Afrique de façon générale, de se repositionner. On a perdu le combat de la révolution industrielle, mais nous n’avons pas le droit de perdre ce combat de la révolution numérique en cours, où nous avons les atouts et potentialités pour pouvoir se positionner et faire de ce monde ce que nous voulons», affirme-t-il, ajoutant que tous les enjeux géostratégiques se jouent sur le sol africain en termes de ressources, compétences et de créativité.

Pour y arriver, Abdoul Kader Ky indique qu’il faut simplement mettre en place une orientation et une vision.

«Nous allons élaborer la réglementation et les documents nécessaires, c’est-à-dire travailler à mettre en place le canevas nécessaire pour affronter cette souveraineté numérique que nous recherchons. Cela ne se fait pas par le discours, il nous faut des documents robustes, solides consignés et approuvés de façon collégiale par tous les acteurs qui va dessiner la carte de l’écosystème pour les années à avenir», confie le spécialiste. Et de préciser que sans cyberdéfense et cybersécurité, il ne peut y avoir de souveraineté numérique. D’ou l’importance, d’après lui, d’avoir une stratégie de cybersécurité qui contribue fortement à asseoir cette souveraineté numérique.

«Si vous n’avez pas une armée forte, vous n’aurez pas la paix. Cette stratégie de cybersécurité vise d’abord à doter les techniciens de compétences nécessaires. Il faut d’abord des formations pour déjouer les attaques cybers, faire de l’investigation cyber également. Donc, il nous faut des compétences réelles, ensuite sensibiliser les populations sur les risques potentiels», explique-t-il.

 

Maturité numérique-

 

Abondant dans le même sens, Mamadou Coulibaly, directeur général du Cabinet BMD Sarl, souligne que la souveraineté numérique vise à préserver l’indépendance et la sécurité d’un pays dans le cyberespace. Cela, en réduisant la dépendance à l’égard d’acteurs étrangers pour les infrastructures numériques et en garantissant la protection des données sensibles.

Selon l’expert en analyse stratégique des marchés des télécommunications et de l’économie numérique, la souveraineté numérique implique la capacité de prendre des décisions autonomes sur les politiques, la réglementation, la protection des données, la cybersécurité et d’autres aspects liés aux tics. «Atteindre une souveraineté numérique complète peut être un défi complexe pour un pays, mais de nombreux États cherchent à renforcer leur indépendance numérique», dit-il.

Cette souveraineté nécessite en effet une réelle capacité à réglementer les technologies de l’information, protéger les données sensibles, assurer la cybersécurité et favoriser le développement des compétences et des infrastructures numériques nationales. Dans cette démarche, les acteurs clés sont, entre autres, le département en charge de la Communication, de l’Économie numérique et de la Modernisation de l’administration, l’Autorité malienne de régulation des télécommunications/TIC et des postes (AMRTP). Il y a aussi la direction nationale de l’économie, l’Agence de gestion du fonds d’accès universel (Agefau), l’Agence des technologies de l’information et de la communication (Agetic) et la Société malienne de transmission et de diffusion (SMTD).

Selon Mamadou Coulibaly, le département devrait tout d’abord promouvoir le développement des infrastructures numériques nationales, y compris des réseaux haut débit et des centres de données sécurisées, afin de réduire la dépendance vis-à-vis des acteurs étrangers. En parallèle, des politiques favorisant la recherche et le développement dans le domaine des technologies de l’information et de la communication devraient être mises en place pour renforcer la compétence nationale.

Quant à l’AMRTP, elle devrait assurer la supervision des opérations des fournisseurs de services de télécommunications et de Tic pour maintenir la conformité aux normes nationales de sécurité, développer la collaboration avec d’autres organismes nationaux et internationaux pour partager les meilleures pratiques et renforcer la capacité nationale dans le domaine des Tics. La direction nationale de l’économie numérique devrait encourager la recherche et le développement dans le domaine des Tics, soutenir la formation de talents locaux et faciliter la collaboration entre le secteur public, privé et académique.

«Il ne peut y avoir de la souveraineté numérique sans la maturité numérique», souligne le spécialiste dont le cabinet a participé à la collecte de données pour l’étude sur la maturité numérique, commanditée par le Conseil national du patronat du Mali (CNPM). Il explique que la maturité numérique sert à observer le niveau de maîtrise des entreprises sur les pratiques et les expertises qu’elles offrent au quotidien pour réussir leur transformation digitale.

Babba COULIBALY

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