L’Essor
: Dans un communiqué en date du 16 février, vous faisiez cas de délivrance de
titres provisoires par les préfets, sous-préfets et maires alors que cela ne
relève plus de leurs compétences. Qu’est-ce qu’un titre provisoire ?
Imirane
Abdoulaye Touré : On a fait le communiqué pour informer le citoyen malien
que dans notre législation en vigueur, il n’y a plus ce qu’on appelle les
titres provisoires. Ces titres sont des actes que l’administration donnait pour
autoriser un citoyen à jouir d’un espace bien déterminé. Il y avait le permis
aussi appelé permis d’occupation, la lettre d’attribution, les concessions
urbaine et rurale à usage d’habitation. Tous ceux-ci étaient des titres
provisoires, donc des actes par lesquels l’administration accordait la
permission à un citoyen d’exploiter tel espace et pour tel objet. Et si vous
mettez en valeur votre espace, vous pouvez demander le titre définitif ou le
titre foncier qui est un acte qui dit que ce terrain concerné est votre
propriété absolue. En sommes, vous avez un droit d’usage avec le titre
provisoire ; avec le titre foncier, vous avez un droit définitif.
C’est
à partir de la nouvelle législation que l’État a décidé comme quoi, on ne va
plus donner de ces titres provisoires. À l’époque, ces titres étaient donnés
par les maires et les préfets. Et il a été constaté que dans la gestion
domaniale et foncière, il y a trop de problèmes avec ces titres provisoires. Un
maire et un préfet attribuaient le même espace à différentes personnes. Le même
espace était aussi attribué par l’État, à travers ses services. Vous voyez ce
que ça peut créer comme problème. C’est pour mettre fin à ce désordre que
l’État a décidé que désormais, c’est un seul acte qu’on donne, à savoir le
titre foncier.
L’ordonnance
a été prise en décembre 2020, modifiée et ratifiée en 2021. À partir de 2022,
le ministre de l’Administration territoriale a informé tous les maires, les
préfets qu’ils ne peuvent plus délivrer des actes provisoires. Mais nous avons
constaté que malgré tout ça, certains maires, préfets continuent de délivrer
des actes sachant qu’ils ne sont plus reconnus. Si vous avez un acte comme ça,
c’est comme si vous n’avez rien. En tout cas au niveau des services des
domaines et de l’urbanisme. Avec ces actes, vous ne pouvez pas avoir une
autorisation de construire et vous ne pouvez pas les transformer en titre
foncier.
Donc, pour que le citoyen ne soit pas abusé, on a jugé opportun de faire ce communiqué pour dire attention, il ne faut pas que les gens vous trompe et vous donne des papiers qui, aujourd’hui, ne valent rien. C’est pour éviter que le citoyen lambda se retrouve dans des problèmes. Avant 2020, ces papiers-là étaient bons. Maintenant, ils sont illégaux.
L’Essor :
Quels sont les recours possibles pour les citoyens floués par ces maires et
agents de l’État ? Et que va entreprendre le département pour mettre fin à
ces pratiques illicites ?
Imirane Abdoulaye Touré : Nous sommes en train de communiquer pour que les citoyens puissent comprendre qu’ils ne doivent pas se laisser abuser par des gens qui sont en train de violer la loi. Aussi, pour que le citoyen ne puisse pas se retrouver dans une situation inconfortable. On a fait beaucoup de communiqués pour informer, mais on voit que ça continue. Mais on continue encore à communiquer, à informer. Maintenant, le maire qui continue à délivrer, si on le prend, on va porter plainte contre lui. Chaque fois qu’on aura la preuve qu’un maire ou un préfet a établi un acte comme ça, nous allons porter plainte contre lui. C’est prévu par la loi. Il y a des sanctions administratives, des sanctions pénales. Le coupable peut même se retrouver en prison. Pour le moment, on na pas formalisé de plainte. Nous sommes encore dans la phase de sensibilisation. Et notre objectif, c’est surtout de faire en sorte que le citoyen ne puisse pas être abusé.
L’Essor :
Quel sort pour les détenteurs des titres provisoires délivrés avant 2020 ?
Imirane Abdoulaye Touré : Effectivement, il y a des détenteurs de titres provisoires antérieurs au changement de la législation. Tous ceux qui ont ces titres doivent maintenant les transformer en titres fonciers. C’est une obligation. Et la loi a donné un délai de 10 ans. à partir de son adoption, le citoyen a dix ans pour transformer son titre provisoire (délivré avant 2020) en titre foncier. Là aussi, il y a des facilités qui sont accordées aux citoyens, notamment une réduction sur le prix de cession quand vous voulez transformer votre titre provisoire en titre foncier. également, la procédure est simplifiée, parce que c’est souvent des terrains déjà immatriculés. Nous encourageons les citoyens à aller vers la transformation des titres provisoires en titres fonciers. Ce n’est pas compliqué, il suffit de faire la demande adressée au directeur régional des domaines et du cadastre de la région concernée.
L’Essor :
Quelle démarche conseillez-vous à ceux qui souhaitent acquérir une
parcelle ?
Imirane
Abdoulaye Touré : Pour avoir un terrain, la procédure ne change pas,
c’est-à-dire que le citoyen fait sa demande auprès de son maire ou auprès des
services des domaines. Seulement pour que le maire lui-même puisse attribuer un
terrain, il faut que l’État lui donne d’abord un espace. Et l’État ne donne
l’espace, qu’après l’avoir immatriculé et créé le titre foncier de l’ensemble
de l’espace concerné. Après l’immatriculation et la création de titre foncier,
l’espace est affecté au ministère de l’Administration territoriale au profit de
la Commune concernée. C’est en ce moment que le maire va faire le lotissement,
il va créer des parcelles et pour chacune il va créer des titres fonciers et ce
sont ces titres qu’il va attribuer. Ce n’est plus les permis et autres.
L’avantage, c’est que tout le monde sait qu’un titre foncier est bien localisé,
il est dans le livre foncier. Donc, on ne peut pas faire une double
attribution.
Les mairies et les services des domaines sont les structures qui sont aujourd’hui habilitées à attribuer des terres. Les préfets, sous-préfets et même les gouverneurs ne sont pas concernés. Eux, ils interviennent pour délivrer uniquement les autorisations de cession. En d’autres termes, quand les services des domaines doivent céder une parcelle, ils ont besoin de l’autorisation, en fonction de la superficie, d’un sous-préfet, préfet, gouverneur. Mais la demande est adressée aux services des domaines ou aux maires pour avoir un terrain. Au besoin, le maire, pour satisfaire les demandes, peut adresser une demande à l’État.
L’Essor :
Cette situation ne donne-t-elle pas raison à ceux qui pensent que la récurrence
des problèmes fonciers n’est pas due aux seules insuffisances du cadre
réglementaire ?
Imirane Abdoulaye Touré : Auparavant, les textes donnaient la possibilité à plusieurs personnes d’attribuer des terrains. C’est ce qu’on appelle la multiplicité des acteurs. On sait rendu compte que ce n’est pas bon et c’est ce qu’on a corrigé avec la dernière loi domaniale et foncière. Cependant, les gens ne veulent pas se débarrasser des anciennes pratiques. Et c’est cela le problème aujourd’hui. C’est pour cela qu’on informe les citoyens pour qu’ils ne tombent plus dans les pièges des gens qui, eux-mêmes, savent que ce qu’ils font n’est pas légal. Si on respecte la législation, franchement il y aura moins de problèmes fonciers. Quand les textes et les procédures sont respectés, il n’y a vraiment pas de problèmes.
L’Essor :
Qu’avez-vous entrepris en termes d’actions fortes pour assainir le
secteur ?
Imirane
Abdoulaye Touré : L’assainissement de la gestion foncière, c’est d’abord
avoir de bons textes. C’est ce que l’état du Mali a fait. Depuis 2020, on a
pris une nouvelle loi domaniale et foncière, avec ses textes d’application, qui
dit clairement voilà désormais comment on doit faire les actes. On a supprimé
tous les goulots d’étranglement qui étaient là (multiplicité des acteurs, des
actes…). Ce qui est important aussi, c’est que la législation a prévu des
sanctions qui n’existaient pas avant. Donc, déjà sur le plan législatif et
règlementaire, on a fait un grand pas en définissant clairement les procédures.
Et c’est cela qu’on est en train de faire comprendre aux gens et pour qu’ils se
mettent dans cette nouvelle mouvance. L’objectif, c’est de mettre fin à ce
désordre, à ces litiges fonciers qui ne finissent jamais. Il y a une volonté
politique forte derrière ça. Le président de la Transition, le colonel Assimi
Goïta, a vraiment la volonté ferme de régler définitivement ce problème du
foncier. Et quand il y a une volonté politique ferme, on est obligé d’y aller.
C’est pour cela qu’on est en train de sensibiliser les citoyens. En plus, on
est en train de former nos collègues pour mieux appréhender les procédures. On
est en train de mettre des mécanismes pour diligenter les traitements des
dossiers.
Propos recueillis par
Jessica Khadidia DEMBELE
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