
La machine sert à la mise à jour des cartes Amo
L’idylle de nos compatriotes
avec l’Assurance maladie obligatoire (Amo) qui doit devenir le Régime
d’assurance maladie universelle (Ramu) résistera-t-elle à l’épreuve du
temps ? En tout cas la question taraude les esprits puisque depuis quelque
temps, les plaintes des assurés sont de plus en plus audibles.
Ils protestent
contre la lenteur des procédures dans les établissements de santé, notamment au
niveau des espaces Amo où les agents semblent faire tout ce qu’ils veulent au
grand dam des malades. Les assurés sont soumis à un vrai parcours du combattant
avec de longues minutes d’attente pour disposer d’un ticket de consultation
avec lequel ils se font enregistrer au niveau du bureau d’entrée et aussi
obtenir une feuille d’ordonnance afin que le médecin prescrive des produits
pharmaceutiques.
L’assuré est ensuite contraint de faire d’interminables
va-et-vient entre le prescripteur, c’est-à-dire le médecin traitant et l’agent
au guichet Amo pour valider son ordonnance avec le cachet sec. C’est seulement
après qu’on peut lui délivrer des médicaments prescrits contre son mal dans une officine
pharmaceutique conventionnée à l’Amo.
Au regard de la bouffée d’oxygène que
représente ce régime de protection sociale, les malades et autres usagers
acceptent de se plier à ses exigences. Mais ce qui fait de plus en
plus dresser les cheveux sur la tête, c’est de voir des assurés ou leurs ayants
droit s’entendre dire une formule désagréable à l’oreille : «Vos droits
sont fermés». Les assurés n’apprécient guère cette situation qui survient très
souvent dans un contexte de consultation externe voire de prise en charge d’une
urgence.
En terme clair, c’est au moment où les assurés Amo ont le plus besoin
d’user de leurs droits aux prestations médicales qu’on leur signifie que leurs droits sont fermés. Et très
souvent sans aucune explication plausible. La situation fait grincer des dents
chez des assurés. On ne peut pas leur reprocher de s’accommoder mal de la
situation surtout s’ils sont à jour dans le paiement de leurs cotisations comme
c’est le cas très souvent.
En tout cas
la pilule est amère à faire passer chez eux. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter
leurs récriminations. Certains d’entre eux n’hésitent même pas à pointer du
doigt l’administration de la Caisse nationale d’assurance maladie (Canam). Ils
pensent qu’il y a un amateurisme à ce niveau et estiment que compte tenu de
l’informatisation des fichiers, on est censé savoir au niveau de la Caisse si
le travailleur est à jour de paiement ou pas, où si son entreprise ne verse pas
sa part patronale.
Si on pénalise l’assuré parce
qu’il n’est pas à jour dans le paiement de ses cotisations, il ne peut s’en
plaindre. Mais s’il est victime «d’amateurisme» des agents de la Canam, il est
en droit d’exprimer sa désapprobation. Aujourd’hui, les multiples désagréments
causés aux assurés doivent amener les autorités de la Canam à s’inscrire dans
une meilleure organisation pour plus de fluidité dans l’accès aux soins pour
les intéressés, mais surtout à être plus regardants sur les espaces Amo dans
les centres de santé. La fermeture des droits, les obligeant ainsi à faire
autrement face à leur prise en charge en attendant le déblocage, est très mal vécue
par certains assurés.
FAIRE PREUVE DE
PROFESSIONNALISME-Notre équipe de reportage s’est intéressée à la question pour
éclairer la lanterne de nos lecteurs. La
semaine dernière à l’hôpital Mère-Enfant Luxembourg, plusieurs personnes
faisaient la queue devant un guichet Amo. Abdoulaye Coulibaly, la quarantaine,
en avait visiblement assez d’avoir longuement attendu son tour pour rien. Il
explique avoir été informé par la guichetière de la fermeture de ses droits après
avoir fait le pied de grue pendant plusieurs minutes. Il dit ne pas comprendre
cette situation désagréable alors qu’on prélève ses cotisations directement à
la source. Ce travailleur d’une entreprise de la place interpelle
l’administration de la Canam à faire preuve de plus de professionnalisme.
Makan Doumbia, informaticien
dans une agence de communication, passe aussi ses nerfs sur l’administration de
la Canam. Il déclare avoir été informé de la fermeture de ses droits lors d’une
consultation médicale de son nourrisson au Centre hospitalo-universitaire
Gabriel Touré. C’est au niveau de l’espace Amo qu’il a appris désagréablement
que son bébé ne peut accéder à des soins sur la base de son assurance, tout
simplement parce que ses droits étaient fermés. L’informaticien confie avoir
attendu une semaine pour que la Canam rouvre ses droits. Une situation qu’il
n’a pas comprise du tout. Très affecté, Makan Doumbia invite la Caisse à
trouver une solution durable à ce problème.
Un jour de mardi, il était
environ 9 heures au Centre de santé de référence (Csref) de la Commune V du
District de Bamako. À la porte d’entrée, notre équipe de reportage tombe sur
Binèfou Konaté, agent en charge de la sécurité et de l’orientation guide les
malades et autres usagers. Il reconnaît que la fermeture des droits Amo est une
réalité dans cet établissement de soins. «Souvent, notre structure peut
enregistrer 2 à 3 cas de fermeture des droits par jour», relève-t-il. Il
s’empresse de préciser que ce n’est plus fréquent comme avant où on pouvait
recenser une dizaine de cas quotidiennement. D’après son constat, les
fermetures des droits surviennent très généralement en fin d’année.
Ce travailleur d’une
entreprise privée de la place ayant requis l’anonymat dit avoir été victime de
la prestation Amo au niveau du Csref de la Commune V du District de Bamako. «J’ai
reçu le ticket et l’ordonnance au guichet qui confirment que mes droits sont
ouverts. Après la consultation et la prescription médicale, je me suis rendu
dans une officine pharmaceutique conventionnée pour acheter mes médicaments.
Grand fut mon étonnement d’entendre le pharmacien me dire que mes droits étaient
fermés», confie le père de famille. Arouna Traoré, un usager qui attendait
devant un guichet Amo du même Csref, estime que la fermeture des droits ne relève pas des agents
de l’Amo.
RETARD DE PAIEMENT- Nous
retournons à l’hôpital Mère-Enfant Luxembourg pour apprécier la situation.
Salaye Konaté, agent au guichet Amo, n’avait enregistré qu’un cas de fermeture
des droits Amo au moment de notre passage. Il révèle que son guichet peut enregistrer
au maximum 5 cas par jour. Et de préciser que les cas de fermeture des droits
aux prestations sont fréquents à partir de décembre. Cependant, notre
interlocuteur ne donne pas de détails, mais se contente simplement de confirmer
que les contractuels inscrits à l’Institut national de prévoyance sociale
(INPS) en souffrent plus. Pour lui, les droits des fonctionnaires de l’état
sont permanemment ouverts.
Harouna Mariko, agent au
niveau de la section solde d’un établissement parapublic, regrette que les
droits soient souvent fermés, avant la date d’expiration qui est de six mois.
Cela, ajoute-t-il, sans aucun préavis de la Canam. «On envoie l’état collectif
pour le paiement de la cotisation à l’INPS et on constate parfois que les
droits d’une seule personne sont fermés», s’indigne ce comptable de formation.
Un responsable de la Canam
qui a requis l’anonymat rappelle que les droits aux prestations Amo ne doivent
souffrir d’aucune anomalie. Il justifie les fermetures des droits aux
prestations Amo comme un contrôle physique au niveau de la Canam. Et de préciser
que les cartes Amo doivent être mises à jour tous les six mois pour voir si les
droits sont ouverts.
Ce qui évitera, selon lui, d’avoir des surprises désagréables,
avant de confirmer aussi que ce problème
survient généralement en fin d’année. Il indique que son service, c’est-à-dire
la Canam, avait, sur instruction du directeur général de l’établissement, le général
de brigade Boubacar Dembélé, ouvert massivement les droits des assurés. Mais
c’est à la suite d’un contrôle que les droits de tous ceux qui n’étaient à jour
dans le paiement de leurs cotisations avaient été fermés.
Il trouve cela tout à
fait normal. Ce cadre promu il y a quelque
temps maintenant tente de donner sans langue de bois certaines explications.
Pour lui, il est évident que le retard dans le reversement des cotisations du
personnel à l’INPS peut occasionner la fermeture des droits des travailleurs de
l’entreprise ou de la société. Il indique que quelques fois, l’entreprise opère
des retenues sur les salaires des agents immatriculés à l’INPS, mais accuse un
retard dans le reversement à l’INPS. Cela aussi peut expliquer en partie la
situation de certains assurés, parce que les droits aux prestations Amo aussi
sont liés au paiement des cotisations.
«Dans ce cas, si on ferme tes droits et que tu
apportes la preuve à l’administration de la Canam, avec ton bulletin de salaire
à l’appui, qu’on a prélevé directement à la source, on rouvre automatiquement
tes droits. Et la Canam se fera le devoir de rappeler à l’ordre l’entreprise ou la société en question afin
qu’elle honore ses engagements», explique notre interlocuteur de la Canam. Précisant
que l’Amo est individuelle.
«Il y a de
grosses entreprises aujourd’hui qui,
à cause de la crise sanitaire liée au coronavirus, qui n’ont pu honorer
leurs parts patronales à l’INPS. Pour pallier ces difficultés, l’INPS et la
Canam ont signé des moratoires pour leur permettre de payer petit à petit leurs
contributions à l’Institut», souligne notre source. Selon elle, comme tous les services, la Canam aussi a de petites insuffisances
dont certains assurés pâtissent. Et d’ajouter que les responsables sont à pied
d’œuvre pour y remédier.
Ce responsable de la Caisse conseille les assurés de vérifier
leurs droits aux prestations avec leurs cartes et celles de leurs ayants droit
avant tout besoin d’utilisation. Il annonce aussi que sa structure est en train
de créer une application qui va permettre aux assurés de consulter leurs soldes
et statuts à travers leurs téléphones portables avant d’aller dans les centres
de santé. En outre, le responsable de
la Canam fait savoir qu’au début de l’Amo, l’assuré paye six mois de cotisation
avant d’avoir droit aux prestations.
Cela est considéré comme la période de stage.
L’autre cas de figure est qu’un assuré à jour de paiement de ses cotisations même
s’il perd son travail, il continuera d’en bénéficier pendant six mois parce que
c’est le délai de contrôle pour la Canam. Donc au cours des contrôles, les
droits de ceux qui sont en retard de paiement ou de ceux qui n’ont pas payé
leurs cotisations seront fermés.
«La fin d’année coïncide donc avec le deuxième semestre de l’année, c’est-à-dire une période de contrôle. Mais la Canam est en train de gérer tous ces problèmes. Les assurés qui ne sont pas à jour par rapport aux cotisations, leurs droits sont fermés après six mois. Mais il arrive que nous fassions souvent des erreurs», explique-t-il.
Qu’est-ce qui explique la récurrence
de ce phénomène ? Y a-t-il une négligence coupable ? Les entreprises
ou sociétés qui prélèvent à la source les cotisations de leurs travailleurs les
reversent-elles correctement? Bien malin
celui qui pourrait trouver la réponse à toutes ces interrogations. Une chose
est sûre, certaines difficultés risquent de plomber le régime si l’on ne prend
pas garde.
On sait que l’Amo avait fait des vagues à ses débuts, avant d’administrer la preuve de son utilité par le soulagement des malades et autres usagers des établissements de soins. Il est important de maintenir ce régime de prise en charge du risque maladie chez les fonctionnaires et autres travailleurs régis par le Code du travail dans cette dynamique de soulagement de nos compatriotes.
Yaya DIAKITE
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