Agriculture biologique : Essentielle pour la préservation de la santé

L’explosion démographique du monde a profondément modifié les méthodes de production agricole. Après la mécanisation du labour et le semis, l’introduction des intrants chimiques et des pesticides dans l’agriculture permet, aujourd’hui, d’atteindre des records de productivité. Mais les conséquences sur notre santé sont occultées

Publié jeudi 30 janvier 2025 à 08:23
Agriculture biologique : Essentielle pour la préservation de la santé

Des producteurs exposent des produits bio dans un marché



Il y a dix mille ans, quand l’homme a pratiqué pour la première fois l’agriculture, c’était pour se nourrir uniquement. Il suffisait d’un petit lopin de terre, de la semence, des déchets organiques et de l’eau pour semer et récolter des céréales, fruits et légumes indispensables à l’alimentation. C’est l’agriculture de subsistance ou familiale.


Aujourd’hui, le nombre d’individus qui vit sur la planète dépasse le chiffre de 8 milliards. Pour satisfaire aux besoins alimentaires de toutes ces âmes, il faut nécessairement recourir à un  système de production intensif qui implique l’utilisation des intrants chimiques et des pesticides. Les statistiques indiquent que plus de 90% des aliments que nous consommons tous les jours, sont produits avec l’emploi de ces intrants chimiques.


Au Mali, le système de production agricole y est beaucoup dépendant. Or, ce sont des particules qui voyagent très loin, signalent les spécialistes. Certains d’entre eux persistent longtemps dans l’environnement. Ils sont présents sous différentes formes autour de nous (air extérieur et intérieur, eaux souterraines et de surface, sols, denrées alimentaires et eau potable). Ces produits phytosanitaires peuvent avoir des impacts sur la santé humaine, en nous exposant de manière chronique à de nombreuses substances au cours de notre vie. Leur utilisation  donnent lieu à des impacts sanitaires difficilement prévisibles. Ce qui devrait en faire l’un des enjeux importants de la recherche et de l’évaluation des dangers.


En effet, plusieurs études scientifiques établissent des liens entre exposition aux pesticides et certaines maladies chez l’Homme. Selon leurs conclusions, les personnes exposées aux pesticides sont plus à risque de développer certaines maladies telles que le cancer de la prostate, les cancers, hématopoïétiques (composition du sang), la maladie de Parkinson et les leucémies.


Les néonicotinoïdes (néonics) sont des substances insecticides utilisées dans la production agricole. C’est une classe d’insecticide agissant sur le système nerveux central des insectes. Il est utilisé principalement en agriculture pour la protection des plantes (produits phytosanitaires) et susceptible d’affecter le cerveau humain et le système nerveux. Certains néonics peuvent potentiellement perturber le système hormonal et causer des effets néfastes sur la reproduction. Une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), seul organisme de recherche public en France dédié exclusivement à la santé humaine, met en relief la vulnérabilité des femmes enceintes et des jeunes enfants.


 Il fait état de liens entre l’exposition prénatale aux pesticides et le développement de l’enfant, à court et moyen terme. On constate plus de cas de leucémie chez les enfants dont les mères ont vécu, pendant la grossesse, à proximité d’une exploitation agricole. Certains pesticides utilisés dans les jardins privés ou dans l’entretien des maisons (traitements anti-termites, aérosols, etc.) auraient également des effets néfastes sur le développement du fœtus.



TYPES DE CANCERS- Parmi les affections liées à la proximité des pesticides connues et établies scientifiquement, il y a les atteintes au foie, aux systèmes nerveux et respiratoire, autant chez l’humain que chez l’animal. Et la liste s’allonge chaque année : leucémie infantile, troubles d’apprentissage, hypersensibilité, cancers du sein et de la prostate, infertilité, etc. Lors de l’épandage, certains pesticides sont absorbés par la peau, avalés ou respirés. Les enfants demeurent les plus sensibles à cette contamination, leur système immunitaire ne leur permettant pas de se défendre aussi efficacement que les adultes.


Des études avancent que l’exposition à des composés neurotoxiques, présents dans certains pesticides, serait liée à différents types de cancers, notamment le cancer du cerveau chez l’enfant. C’est pourquoi, des pesticides utilisés à grande échelle, il y a quelques années, font maintenant l’objet de restrictions sévères dans de nombreux pays à travers le monde, en raison de leurs effets nocifs sur la santé des agriculteurs et des consommateurs. Au sujet des pesticides, il est possible que nous ne voyions actuellement que la pointe de l’iceberg. La prudence s’impose encore en raison de nombreuses incertitudes qui persistent, reconnaît Kaly Diakité, chef de division contrôle phytosanitaire à la direction nationale de l’agriculture (DNA).


Cependant, comment nourrir autant de bouche sans pesticides ? Cela est possible si nous faisons la promotion de l’agroécologie et l’agriculture biologique, répond Hamidou Diawara, président de l’Association malienne pour la solidarité et le développement (AMSD). Selon lui, malgré les évidences sur la qualité des produits agro-écologiques dans l’alimentation, très peu d’agriculteurs au Mali s’y engagent avec de grandes superficies emblavées. C’est pourquoi, des efforts doivent être faits avec une grande implication des autorités pays, des producteurs et des consommateurs pour assurer la reconversion des agriculteurs, estime-t-il. Cela permet de passer de l’agriculture conventionnelle à une agriculture plus «propre», respectueuse de l’environnement avec la valorisation des produits locaux sains pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle.



1.657 producteurs «Bio»- C’est à cet exercice que s’emploie depuis 2015 l’ONG l’AMSD. Dans le cadre de la mise en œuvre de la deuxième phase du projet SIA pour les systèmes alimentaires durables et un environnement sain sur la période 2022-2026, l’Association, en partenariat avec Humundi (Ex SOS Faim Belgique), a initié le Projet d’appui au développement d’un système participatif de garantie (SPG-Bio local) pour la promotion de l’agroécologie au Mali. Le Comité national de certification (CNAC Bio local-Mali) est l’organe de coordination du label SPG Bio local dont l’AMSD assure la présidence. Le projet s’inscrit en droite ligne de la consolidation et de l’appropriation des acquis des actions antérieures et le développement de nouvelles initiatives dans le but de promouvoir et d’accompagner la transition agro-écologique nécessaire pour construire des systèmes alimentaires durables dans un environnement sain, espère les acteurs.


De nos jours, plus de 1.657 producteurs sont accompagnés et certifiés dans less Régions de Kayes, Sikasso, Ségou, Koulikoro et le District de Bamako avec plus de 600 producteurs formés sur les pratiques agroécologiques et intrants biologiques. Plus de 350 hectares sont en mode de production biologique dans le respect du cahier des charges du label bio local, des principes agro-écologiques intégrés à l’agroforesterie  (20 à 30 arbre par hectare), le respect de la biodiversité, l’eau, la justice sociale en favorisant un revenu juste et équitable aux producteurs biologiques.


Ramadane Sylla est responsable pédagogique au Centre international de formation en agroécologie paysanne «Nyéleni» et chargé du dossier agroécologie et agriculture biologique à la Coordination nationale des organisations paysannes (CNOP). Cet expert souligne la place prépondérante de l’agroécologie dans la préservation de la santé chez les producteurs aussi bien que les consommateurs. C’est un modèle de production respectueux de l’environnement qui garantit le vivre ensemble et la cohésion sociale, ajoute-t-il. Le coût de production est très minime, comparé à l’agriculture conventionnelle et favorise l’autonomie du producteur, notamment sur les intrants.


100.000 ET 150.000 FCFA- Ces propos sont confirmés par Abdou Djamouténé, président de la Coopérative «Benkan-kokun» de Baguinéda qui regroupe 20 producteurs «Bio». Quand il pratiquait l’agriculture conventionnelle, notre producteur maraîcher dépensait entre 100.000 et 150.000 Fcfa dans l’achat des semences et les autres intrants. Avec la production biologique, ceci ne fait plus partie de sa ligne de dépense. Car, il produit tout ça sur place. L’initiative des marchés « bio » locaux, comme ceux de Kalaban Coro et du Quartier du fleuve, ont pu réceptionner pendant l’année 2024, 12540,56 tonnes de produits pour 56 spéculations (production animale et végétale), avec une vente totale de 12 tonnes dégageant un chiffre d’affaires de 9.654.830 Fcfa avec une marge bénéficiaire de 1.988.072 Fcfa sans les charges.


Les deux marchés biologiques à Kalaban-coro et au Quartier du fleuve sont ouverts du lundi au samedi pour rapprocher les produits biologiques des consommateurs et créer aussi des relations humaines et sociales entre producteurs, consommateurs et les acteurs de la société civile.
 Plus de 7,5 millions de Fcfa, c’est le montant total des achats des produits biologiques auprès des producteurs certifiés pour assurer la vente des produits en 2024, indique Hamidou Diawara. Les deux marchés biologiques ont réceptionné plus 12.3 tonnes de produits pour 56 spéculations, avec des activités de démonstrations culinaires (élèves, étudiants),  des journées portes-ouvertes, des conférences de presse, des foires et expositions, distribution gratuite de plus de 150 paniers et des activités de communication et de sensibilisation pour sensibiliser une grande masse de consommateurs.


La mise en œuvre du Projet a renforcé la dynamique de la production biologique, la transformation et la commercialisation des produits issus de l’agriculture biologique et servit de levier pour renforcer et soutenir la certification et la labélisation des produits biologiques à moindres coûts, les systèmes fiables de contrôle interne entre producteur (participatif et inclusif), de stockage et de commercialisation des produits agro-écologiques.


Le projet a augmenté la disponibilité des produits biologiques au niveau des marchés pour les rendre plus proches des consommateurs. Il a renforcé la politique de marketing pour valoriser les produits agroécologiques, incité à la consommation locale et soutenu la dynamique de la certification biologique du label SPG BIO LOCAL au niveau local. Aujourd’hui, il existe un label de certification biologique 100% malien pour faire la promotion de l’agriculture biologique dans notre pays.

Cheick Amadou DIA

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