Les députés d’alors Ibrahim Berthé et Assarid Ag Imbarcaoune à la réunion de l’Assemblée parlementaire UE-Afrique Caraïbe-Pacifique, tenue au Gabon
La diplomatie classique a ses règles, ses forces, ses faiblesses aussi, lorsqu’il s’agit de réguler les relations entre les États. C’est pourquoi, elle est secondée, voire renforcée assez souvent, par la diplomatie dite parlementaire qui, dans certaines circonstances, a une force de frappe superbe.
Dans la première législature de l’ère
démocratique (1992 à 1997), notre Assemblée nationale a eu à mener des combats
épiques tant à l’intérieur, surtout à l’extérieur de notre pays pour le défendre et le sortir des griffes de ses
adversaires souvent tenaces qui cherchaient à le déstabiliser.
La témérité,
l’audace, le dévouement et l’esprit de sacrifice étaient chevillés au corps
d’hommes et de femmes de qualité dans notre Parlement pour lesquels, au nom du
Mali, il fallait être prêt à mener tous les combats. Et le président de notre
institution, le Pr Ali Nouhoum Diallo, qui donnait le ton partout, était un
leader si éclairé que ses prises de positions courageuses déroutaient ses
interlocuteurs quels qu’ils soient. C’est ainsi que face aux lobbies pro
rébellion, notre Parlement était de toutes les rencontres internationales pour
détruire les plans machiavéliques savamment conçus contre le Mali, en cette
décennie 1990 tourmentée dans le Sahel.
L’Assemblée paritaire UE-ACP (Union
européenne-Afrique Caraïbe-Pacifique) qui regroupe les parlementaires européens
et ceux des pays de cette zone était une
des institutions de la Convention dite de Lomé, organisation destinée à créer
et à renforcer la coopération économique entre 77 pays du Sud et 12 pays du
Nord en vue d’un développement durable.
C’est une structure unique au monde qui devrait permettre aux États du Sud
d’amorcer la croissance par la vente préférentielle de leurs produits et qui
bénéficiait aux États européens de trouver des débouchés à leurs
machines-outils et leur savoir-faire. Deux fois par an, l’Assemblée paritaire
se réunissait tantôt à Bruxelles, Strasbourg ou Luxembourg, tantôt dans un des
pays du Sud. Cet organisme s’intéressait par ailleurs à la bonne gouvernance et
au respect de la démocratie et des droits de l’Homme dans les pays ACP.
à cet égard, la crise sécuritaire que connaissait
le Mali dès le mois juin 1990 du fait de la rébellion armée, menée par certains
éléments de la communauté touareg au nord du pays a été exploitée par des mains
visibles et invisibles dans les instances de l’Union européenne pour accuser
notre pays de faire une guerre de génocide contre ses citoyens. Une totale
aberration !
Un nombre important de députés européens avaient entrepris une démarche singulière visant à mettre au pilori note pays, accusé de tous les péchés d’Israël sur de prétendues exactions que notre vaillante Armée aurait commises sur des populations habitants les régions du nord.
Lugubre ligue de lobbyistes-Malgré le Pacte
nationale, signé à l’initiative des autorités maliennes de la Transition, le 12
avril 1991 et qui était censé mettre fin à la guerre que nous imposait
injustement une infime minorité de la communauté touareg, les attaques contre
nos soldats et de paisibles populations ont repris de plus belle deux ans
après. La nation malienne croyait avoir fait d’énormes sacrifices en direction
de ceux qui ont pris des armes contre notre pays en acceptont d’intégrer des
centaines de frères et sœurs égarés dans les forces de défense et de sécurité
en cette période de crise aiguë de l’emploi où les autres jeunes devraient
subir des concours d’accès à la fonction
publique. Mais qui attisait ainsi le feu déjà presque éteint ?
Les ennemis de la paix avaient un autre agenda caché sur le Mali, à coup sûr, car à chaque fois que la partie gouvernementale manifestait sa bonne volonté de mettre en œuvre cet accord par la réalisation de projets divers de développement, c’est des brasiers que l’on allumait par ci, par là.
«Le
chercheur d’aiguille a le pied qui cache l’aiguille que l’on ne retrouvera
point» dit un dicton. L’on a poussé l’hypocrisie et le cynisme jusqu’à montrer
un soir sur un plateau de télévision en France, à une heure de grande écoute, un
homme monté sur un chameau en clamant : «voilà la civilisation des hommes
bleus que le Mali veut faire disparaître». Quelle perfidie ! Et le Mali
était empêché de réagir en donnant la vraie version des faits sur ces mêmes
médias qui diffusaient le mensonge, de façon éhontée. Le gouvernement menait des efforts immenses
pour rattraper ces fausses images, mais il y avait une lugubre ligue de
lobbyistes qui nous assenait des coups à tout bout de champ. C’est ainsi que
l’Assemblée nationale, l’incarnation de la nation tout entière par ses
représentants élus dignement, devrait monter au créneau, dans toutes les
instances internationales, pour contrer ces envahisseurs de tout acabit.
à Bruxelles, siège des institutions de l’Union
européenne, le Parlement était devenu un nid de comploteurs de tous poils qui
cherchaient à casser du Malien, car un ramassis de voyous de la rébellion, au
dessein funeste, ont réussi à entrainer des députés européens de prendre des
sanctions économiques et financières contre le Mali par le vote d’une
résolution. On était en septembre 1994. Notre diplomatie avec sa tête de proue, l’intrépide Ntji Laïco
Traoré, notre ambassadeur dans la capitale de l’Europe a tout fait pour
empêcher cette manœuvre nuisible de voir le jour. Mais peine perdue. Alors, il
alerta les autorités maliennes sur le danger de cette dernière action nocive
des ennemis de notre pays.
La session de l’Assemblé paritaire ACP-UE était
prévue pour Libreville au Gabon en octobre. Notre Parlement a commencé les
préparatifs de cette bataille. Moi, en tant que 2è vice-président, chargé des
relations avec cette institution européenne, j’étais en mission aux USA. Les
enjeux étaient de taille, j’ai décliné l’offre de me rendre en Écosse au
congrès mondial des huissiers de justice dont j’étais le président. La patrie
était en danger au pays des Bongo. Je rentrai vite. à la réunion du bureau, on
constitua la délégation pour la campagne du Gabon. Le président était empêché
pour la mission et il me désigna
naturellement pour le remplacer, et trois autres députés Assarid Ag
Imbarcaouane de Gao, 3è vice-président, Amoro Diarra de Macina, Ansoumane
Diallo de Goundam, tous de la majorité, ont complété la liste de ce bataillon
spécial.
Prétendues exactions de l’Armée - à notre arrivée à Libreville, l’ambassadeur Siragata Traoré et son staff nous accueillirent le petit soir dans la chaleur humide en pays de forêt. Il est vrai que la veille à Abidjan, où l’on passa la nuit, notre peau de Sahéliens avait subi la moiteur de ce climat différent du nôtre. Après les formalités aéroportuaires l’on se dirigea vers le centre-ville. Libreville, grand par la renommée, nous paraïssait curieusement comme un gros bourg avec quelques beaux immeubles de-ci de-là. On se dirigea vers la chancellerie de l’ambassade, car les problèmes liés à notre hébergement n’étaient pas totalement réglés. En effet, l’hôtel le moins cher était à 65.000 Fcfa, la nuitée. Par ailleurs, la plupart affichait complet, car Libreville accueillait près de cent délégations venues des quatre coins du monde. Et notre ambassadeur se démenait comme un beau diable pour nous trouver un gîte. Peine perdue.
-Mr le président, ça devient compliquer me dit-il
avec beaucoup de gêne. On n’arrive pas à trouver un bon hôtel pour vous. Tout
est cher par ici, surtout avec la conférence des parlementaires, il y a grande
foule à Libreville. La nuit était déjà tombée, la fraîcheur forte de la forêt
plus le long trajet en avion, vingt-quatre heures de voyage, nous pesait.
-Si cela ne dérangerait pas les personnalités que vous êtes, continua Excellence, à la résidence il y a de la place, une grande chambre qui peut contenir plusieurs personnes.
-Excellence, c’est une très bonne idée ! Rétorquai-je
-Eh les amis, je vous demande d’accepter la proposition de l’ambassadeur, balançai-je. On va chez nous, dans la maison du Mali !
-Eh président, pas d’objection clama
Assarid !
Notre délégation fit mouvement vers un quartier situé en banlieue de la capitale. En effet, une grande chambre nous attendait à l’étage avec des matelas déposés à même sol, en style tombouctien. Après la douche, l’on invita même au dîner, nous quatre convives inattendus, mais envers lesquels Excellence Siragata et sa sympathique épouse avaient été si prévenants.
-Excellence, ici c’est mieux qu’à l’hôtel !
Balança Assarid, mi moqueur, mi
plaisantin. On éclata tous de rire.
-Bon, les amis, je suggère que chacun prélève minimum 50.000 Fcfa pour notre épouse, Mme l’ambassadrice, afin qu’elle nous prévoit les mets bien préparés du pays tous les soirs, car nous passons déjà la journée au champ de bataille.
Et sans hésitation tout le monde adhéra à ma
proposition. Nous n’avions même pas le choix, car nos maigres per diem
n’étaient que 50.000 Fcfa par jour et par personne pour l’hôtel, la nourriture
et le transport, insignifiants dans un Gabon où tout est cher. Après le souper
et quelque temps de bavardage, nous tombions dans les bras de Morphée qui nous
enveloppa dans son épaisse couverture puis nous transporta vers des cieux plus
calmes. Nous nous réveillâmes assez tôt le lendemain matin. Après un petit
déjeuner copieux, une colonne de trois véhicules nous attendait en bas, et vers
huit heures l’on prit la direction du Palais de la nation, lieu de la
conférence où des choses sérieuses devraient commencer pour nous. Notre
ambassadeur à Bruxelles, l’intrépide Ntji Laïco vint à notre rencontre.
-Bonjour Messieurs les députés ! Bien dormi ?
On s’installa dans une partie dégagée de la salle
de conférence.
-Mr le vice-président me dit-il, l’heure est
grave. Imaginez que les députés européens sous la houlette de groupes de partis
politiques ont déjà adopté une résolution pour condamner notre pays qui aurait
commis un génocide sur les populations touareg en divers endroits au nord du
Mali. Ils donnent des dates avec heures
«précises» sur ces prétendues exactions que l’Armée malienne aurait commises.
J’ai tout fait pour les en dissuader en leur fournissant des éléments de
réponse clairs, ils ne m’ont pas écouté. Selon eux, je ne suis qu’un porte-voix
du président Alpha, du gouvernement malien. Alors, c’est à vous d’agir
maintenant, vous êtes entre vous députés, je suis sûr que vous saurez les
aborder et les convaincre mieux que moi et mon staff de Bruxelles. Ils vont
soumettre la résolution à l’ensemble des parlementaires ACP-UE, si c’est adopté
la conséquence serait dramatique pour notre pays.
-Merci beaucoup Excellence pour l’information et le beau travail que vous avez déjà fait . Pourrions-nous avoir la dernière version de la fameuse résolution. Et puis quels sont les députés et groupes politiques meneurs de cette cabale contre le Mali.
- Ils s’agit essentiellement des Verts, du Parti populaire européen, des Libéraux, des Socialistes. Les têtes de proue sont les députés Raimondo Fasa, Mme Alvöete, Caccavale, Mme Jünker, etc. Voici copie de la Résolution, déjà adoptée.
Réunion d’urgence de la Cedeao-à mon avis, il nous faut mener le combat dans deux directions, répondis-je : un, demander une réunion d’urgence du groupe Cedeao sur la question et avoir ainsi le soutien de la sous-région ouest-africaine, deux, inviter les chefs de file de ces partis à un déjeuner de travail pour avoir une discussion franche avec eux. Le Mali a des arguments très valables que nous ferons valoir à nos collègues. Ainsi mieux édifiés, ils reculeront s’ils sont sincères.
C’est ainsi que un peu plus tard, je rencontrai le président du Parlement du Burkina Faso Dr Bognésan Yé, un voisin et un ami du Mali avec lequel je plaisantais souvent lors de nos rencontres.
-Mr le vice-président l’affaire est sérieuse. Où est le président, mon frère Ali N. Diallo ? Il aurait dû être là, me balança-t-il !
-Votre frère le Pr Ali N. Diallo est empêché, nous sommes-là pour le remplacer. La délégation malienne voudrait provoquer une réunion d’urgence des chefs de délégation de la Cedeao sur la question, et nous comptons sur vous, cher frère président.
-Pas de problème, le Burkina Faso soutiendra le Mali. Mais, il faut voir le président du Parlement du Ghana, pays qui a la présidence en exercice de la Cedeao…..
Me Ibrahim BERTHÉ
Ancien vice-président de l’Assemblée
nationale Médaillé d’or de l’Union internationale des huissiers
Chevalier de l’Ordre national
Rédaction Lessor
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Si la “démocratie” et “l’ordre constitutionnel” pouvaient nourrir les Maliens, ils seraient tous obèses ! Tellement on leur rebat les oreilles avec ces concepts ! Or, le bilan du “soleil des démocraties” (plagiant l’écrivain Ahmadou Kourouma) proclamé en 1990 est catastrophique .
Dans la même foulé, je rencontrai le speaker of Parliament house du Ghana en compagnie de son Excellence Ntji Laïco qui parle mieux anglais que moi. Après un temps d’échanges, il a vite compris les enjeux et nous affirme qu’il va convoquer les pays membres de la Cedeao sur le Mali..