Le ministre Alhamdou Ag Ilyène dans Mali Kura Taasira 3 : «Quand un pays est attaqué, sa presse l’est aussi»

Le ministre de la Communication, de l’Économie numérique et de la Modernisation de l’administration était l’invité de l’émission Mali Kura Taasira 3, enregistrée sur le parvis du siège de la Société malienne de transmission et de diffusion (SMTD) sur la route de Kati. Pour l’occasion, Alhamdou Ag Ilyène a abordé sans détours les trois secteurs stratégiques que porte son département, à savoir la communication, l’économie numérique et la modernisation de l’administration

Publié mardi 29 juillet 2025 à 07:30
Le ministre Alhamdou Ag Ilyène dans Mali Kura Taasira 3 : «Quand un pays est attaqué, sa presse l’est aussi»

Dans un contexte géopolitique tendu, marqué par une guerre de l’information et une quête de souveraineté technologique, le ministre chargé de la Communication s’est appesanti sur les acquis, les défis et les perspectives dans ces domaines en pleine mutation. L’entretien a débuté à quelques mètres du chantier de la future tour de l’ORTM, symbole des ambitions numériques et médiatiques du pays. Sur ce chantier, lancé en 2011 mais longtemps en souffrance, le ministre a rassuré : «Même si cela ne se voit pas de l’extérieur, les travaux avancent bien à l’intérieur.» Évalué à plus de 9,7 milliards de Fcfa, le nouveau siège remplacera l’ancien bâtiment de Bozola, vétuste, mal situé et exposé aux inondations.

Face à ce qu’il qualifie de guerre informationnelle dirigée contre le Mali et les autres pays de la Confédération des États du Sahel (AES), l’invité du jour a affirmé que l’État malien a adopté une stratégie de communication adaptée. «Nous sommes dans une communication de résistance, de résilience mais aussi offensive», a-t-il déclaré. Et d’estimer que la meilleure défense, c’est parfois l’attaque, surtout dans un contexte où certains reportages internationaux dépeignent le Mali et ses partenaires comme les agresseurs, alors que le pays est victime d’attaques internes et externes.

Chantier majeur : l’élargissement de la couverture médiatique nationale. Le ministre chargé de l’Économie numérique se réjouit du fait que toutes les régions du Mali sont, aujourd’hui, équipées en centre de production audiovisuelle. La télévision et la radio nationales couvrent désormais l’ensemble du territoire. Quant à l’Agence malienne de presse et de publicité (Amap), elle continue d’informer dans plusieurs langues officielles, à travers ses bulletins comme Kibaaru ou Kibaare. Une diversité linguistique qui, selon lui, permet de toucher un public plus large, même dans les zones les plus reculées.

 

DES TEXTES EN COURS DE RELECTURE- Parlant des réformes dans le secteur des médias, Alhamdou Ag Ilyène a annoncé que les nouveaux textes, élaborés de façon inclusive, sont dans le circuit d’approbation. L’objectif de ces réformes, selon lui, est de mieux répondre aux réalités socio-économiques actuelles, à moraliser le secteur et à renforcer la professionnalisation. «Sans ressources humaines de qualité, on ne peut pas obtenir des résultats appréciables», a-t-il insisté. Abordant la question sensible de l’attribution de la carte de presse, l’invité de Mali Kura Taasira a rappelé que le journalisme est un métier très important et qu’on ne peut pas donner la carte de presse à «tout venant». Désormais, l’obtention de la carte est soumise à des critères stricts, visant à moderniser, moraliser et professionnaliser la fonction, a-t-il dit.


La même rigueur s’applique désormais aussi aux agences de communication longtemps laissées à elles-mêmes. Pour moraliser ce secteur, le ministre a indiqué que son département a travaillé de concert avec le Groupement des éditeurs de publicité et agences de communication (Gepac). Plus de 60 agréments ont été délivrés récemment et une note a été signée pour interdire toute collaboration avec les agences non agréées. Objectif : mettre fin à l’anarchie, encourager la création d’emplois de qualité et garantir que les prestations du secteur bénéficient réellement à l’économie nationale.

En ce qui concerne l’attribution des fréquences télé et radio, le ministre chargé de la Communication a tenu à clarifier les responsabilités : «Ce domaine relève exclusivement de la Haute autorité de la communication (Hac), une institution indépendante», a-t-il rappelé. Tout en reconnaissant l’existence de frustrations, il a souligné que la procédure a été conduite dans les règles, et que le dialogue reste ouvert pour aplanir les désaccords.  Et s’agissant des taxes imposées récemment aux radios et télévisions, Alhamdou Ag Ilyène a annoncé une mesure d’allègement.

«Nous avons été approchés par la Maison de la presse au motif que les radios et les télévisions ont beaucoup de difficultés, en précisant tout simplement que la rente de la publicité a
chuté de 70% à cause de la Covid-19, de l’insécurité, des difficultés économiques dans le pays», a-t-il expliqué. Et d’annoncer qu’un moratoire de trois ans a été obtenu grâce aux discussions entre la Hac, le ministère en charge des Finances et les acteurs du secteur. «Nous espérons que dans trois ans, notre presse sera solvable et capable de s’acquitter de ces taxes», a-t-il déclaré.

 

VERS UN MALI NUMÉRIQUE, INCLUSIF ET SÉCURISÉ- Le projet Mali Numérique, pilier de la transformation digitale du pays, avance à grands pas. Déployé autour de trois composantes (la fibre optique, le data center et un système de caméras de surveillance), il vise à renforcer l’infrastructure numérique du pays tout en garantissant une meilleure sécurité. Le ministre Alhamdou Ag Ilyène a révélé qu’à ce jour, environ 1.000 km de fibres optique ont déjà été posés dont 200 km à Bamako. «Nous ne voulons pas d’un numérique de privilégiés centré sur Bamako, mais d’un numérique d’inclusivité et d’égalité», a-t-il précisé. La fibre constitue, selon lui, la base indispensable pour connecter l’administration publique et rapprocher les citoyens des services de l’État à travers tout le pays.

Autre chantier en cours : l’introduction de la signature électronique, outil clé pour fiabiliser les actes administratifs, commerciaux et institutionnels. Le gouvernement espère rendre cette technologie opérationnelle dès le premier semestre de l’année prochaine. Pour le ministre, c’est une exigence incontournable à l’ère du numérique. «On ne peut pas parler de digitalisation de l’administration sans signature électronique. C’est un gage de sûreté, de traçabilité et d’efficacité», dit-t-il, avant de rappeler que de nombreux partenaires internationaux, dont la Banque mondiale, exigent déjà son usage pour certains processus administratifs ou projets.

Cependant, la digitalisation entraîne aussi son lot de menaces. «Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un stade où, dans le monde entier, la guerre qui se faisait sur le terrain, entre les armées, c’est ce même champ de bataille qui est ouvert au niveau numérique», a affirmé le ministre. C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, une stratégie nationale de cyber sécurité a été élaborée et est en cours d’adoption. Elle vise à protéger les données sensibles de l’État, des institutions financières, des hôpitaux, des entreprises et des citoyens.

Le centre névralgique de cette sécurité numérique sera le data center de la SMTD, conçu selon les normes Tier 3, garantissant des conditions de sécurité et de résilience élevées pour l’héberg
ement des données nationales. Depuis son lancement officiel par le Président de la Transition à Sikasso en juin 2024, la digitalisation de l’administration est devenue une priorité gouvernementale. Selon Alhamdou Ag Ilyène, l’un des résultats les plus concrets est l’introduction de la digitalisation des moyens de paiement, contribuant à une hausse des recettes fiscales de plus de 46%.

 

AGENCE SPATIALE MALIENNE- Le ministre chargé de la Communication a levé un coin du voile sur l’un des projets technologiques les plus ambitieux du pays : la création d’une agence spatiale malienne et le lancement prochain de deux satellites, en collaboration avec la Russie et les pays membres de l’AES. «Nous sommes en cela avec les pays de l'AES et d'autres pays sont intéressés à venir avec nous, parce que le coût des satellites est très élevé. Nous aurons, dans quelques années, des satellites maliens», a-t-il expliqué. Le premier sera un satellite de communication, qui améliorera la téléphonie, la radiodiffusion, l’accès à Internet et les communications mobiles. Le second sera dédié à la télédétection, utile pour surveiller les frontières, observer les changements environnementaux et suivre l’état des sols. Il a annoncé que celle-ci sera implantée au Mali, conformément aux instructions données par le Président de la Transition.

Selon Alhamdou Ag Ilyène, pour anticiper les besoins en compétences, un programme de formation de jeunes cadres maliens a été lancé. Chaque année, pendant les quatre années de préparation, une dizaine de jeunes universitaires maliens, les meilleurs en mathématiques et en physique, sera sélectionnée par le ministère de l’Enseignement supérieur. Ces étudiants suivront une formation spécialisée en Russie, au sein d’un institut de référence dans le domaine spatial. «Les dix premiers ont déjà été sélectionnés», a-t-il confié, ajoutant que l’objectif est de disposer, à terme, de techniciens maliens qualifiés pour assurer non seulement l’exploitation de la station spatiale nationale, mais également l’usage et l’entretien des satellites.


Sur le dossier de la Sotelma, le ministre a annoncé une renégociation réussie du pacte d’actionnaires, avec des retombées importantes pour le Mali. L’attribution de la nouvelle licence a rapporté 160 milliards de Fcfa à l’État, un montant jugé exceptionnel dans la sous-région. En plus de cette somme, le Mali a obtenu des postes stratégiques au sein de l’entreprise comme ceux du président du conseil d’administration et du directeur général adjoint. La part du Mali dans le capital a été renforcée grâce à la cession symbolique de 7% des actions par Maroc Telecom, faisant de l’État malien l’actionnaire majoritaire.

Dans son ambition de moderniser les télécommunications, le gouvernement malien exige des opérateurs téléphoniques des engagements clairs en matière d’investissements et d’amélioration de la qualité des services. « Il ne faut pas que la téléphonie soit réservée à une élite », a-t-il affirmé. Selon lui, les opérateurs doivent non seulement garantir une accessibilité à tous, mais également veiller à rester à jour technologiquement pour offrir des services efficaces à des tarifs justes.

 

POURSUIVRE LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE- Sur le plan sous-régional, Alhamdou Ag Ilyène s’est félicité de l’intégration croissante dans le domaine de la communication entre les pays de la Confédération de l’AES. Cette coopération se traduit déjà par des réalisations concrètes : logo officiel, charte graphique, habillage audiovisuel commun, Web TV régionale, plateforme en ligne… Des projets structurants sont en cours, comme la création d’une grande télévision de l’AES (basée à Bamako), d’une radio régionale (à Ouagadougou), et d’un organe de presse écrite (à Niamey).


Le ministre a
évoqué également le free roaming entre les trois pays, déjà opérationnel avec le Burkina Faso, et bientôt étendu à l’ensemble de la Confédération. Il a réaffirmé la volonté de renforcer la coopération technologique et institutionnelle entre les États membres. «Notre vision, c’est de consolider notre union dans les domaines de la défense, de la diplomatie, de l’économie et de la communication. Depuis un certain temps, dans tous les forums internationaux, l’AES parle désormais d’une seule voix», a-t-il apprécié.

Par ailleurs, le ministre a salué le travail des médias publics (l’ORTM et l’Amap) et des médias privés (radios, télés, médias sociaux). Il a encouragé les professionnels des médias à faire preuve de rigueur et de professionnalisme. «Quand un pays est attaqué, sa presse l’est aussi», a-t-il affirmé, appelant à une mobilisation générale pour défendre les intérêts nationaux et mieux informer la population.

Amadou GUEGUERE

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