Dr Ahmadou Touré : «Les réformes sont plus faciles à faire sous une transition que dans un régime normal»

Dans cet entretien, l’enseignant-chercheur à la Faculté des sciences administratives et politiques de l’Université Kurukanfuga de Bamako (UKB) analyse les grandes réformes effectuées sous les différentes Transitions politiques que le Mali a connues de l’indépendance à nos jours

Publié mardi 30 septembre 2025 à 09:48
Dr Ahmadou Touré : «Les réformes sont plus faciles à faire sous une transition que dans un régime normal»

De prime à bord, l’enseignant-chercheur a rappelé que sous la Transition dirigée par le Général Moussa Traoré entre 1968 et 1979, notre pays a adopté une Constitution en vue de la stabilité. D’après Dr Ahmadou Touré, il y a eu également le démantèlement des monopoles d’État socialiste avec la libéralisation partielle de l’économie. Selon lui, cette transition a stabilisé l’économie, mais a renforcé la corruption.


Par ailleurs, il dira que sous la Transition conduite par Amadou Toumani Touré de 1991 à 1992, le Mali s’est doté d’une nouvelle Constitution qui a instauré la IIIe République avec le pluralisme politique. Selon lui, il y a eu également la création de la Cour constitutionnelle et d’autres organes pour renforcer l’État de droit. Sans oublier la signature d’un Pacte national pour apaiser les tensions dans le Nord du pays. D’après lui, la transition de 1991 a instauré la démocratie, mais sans résoudre les inégalités structurelles.


Parlant de la Transition de 2012 à 2013, Dr Touré a souligné la mise en place d’une «Constitution intérimaire», un cadre temporaire pour gérer la crise post-coup d’État. Le professeur de droit a aussi signalé l’organisation des élections en 2013 avec la restauration d’une légitimité démocratique. Pour lui, il y a eu le renforcement sécuritaire. «Cependant, il y avait la faiblesse dans la lutte contre la corruption»,  déplore Dr Ahmadou Touré, qui soutient que la transition de 2012 a restauré l’ordre sans éradiquer l’insécurité.


S’agissant des réformes réalisées sous la Transition en cours ayant débuté en août 2020, il a évoqué la création de l'Autorité indépendante de gestion des élections (Aige). D’après lui, cette structure est une institution clé des réformes politiques et institutionnelles au Mali, visant à garantir des élections transparentes, indépendantes et crédibles. Prévue dans la loi électorale n°2022-019 du 24 juin 2022 et adoptée par le Conseil national de Transition (CNT), elle centralise l'organisation et la gestion des scrutins électoraux et référendaires, y compris la proclamation des résultats définitifs, récupérant ainsi certaines prérogatives de la Cour constitutionnelle, a-t-il expliqué.


L’enseignant-chercheur a, en outre, souligné l’adoption par référendum d’une nouvelle Constitution qui a été promulguée le 22 juillet 2023, instaurant la IVè République avec un régime présidentiel renforcé. Ahmadou Touré a aussi signalé la révision du système électoral pour plus de transparence et participation ainsi que la réorganisation territoriale qui a amené le nombre des régions de notre pays à 19 plus le District de Bamako.

D’autres réformes sous la Transition en cours, selon lui, ont trait à la création du Pôle national économique et financier, le renforcement de la mission du Bureau du Vérificateur général, l’abrogation de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale via le Dialogue inter-Maliens.

L’universitaire a également signalé la Réforme du secteur de la sécurité (RSS) pour une meilleure coordination «armée-police-autorités locales». Sans oublier la dissolution des partis politiques et la fin de leur financement public par un décret présidentiel. Dr Ahmadou Touré dira qu’il y a eu des réformes judiciaires pour garantir l’indépendance des magistrats et l’accès à la justice en zones rurales. Il n’a pas manqué de souligner la révision du Code minier. «Ces réformes sous le Général d’armée Assimi Goïta s’inscrivent dans une logique de rupture avec les influences extérieures et de reconstruction d’un État souverain, tout en cherchant à ancrer la bonne gouvernance comme pilier central», indique Dr Ahmadou Touré.

 

BONNE GOUVERNANCE- Parlant des impacts des réformes sous la transition actuelle intégrant la bonne gouvernance, l’enseignant-chercheur a signalé que le Pôle national économique et financier a permis de sanctionner des cas emblématiques de malversations, renforçant la confiance dans les Institutions. Pour lui, les audits du Bureau du Vérificateur général ont amélioré la gestion des fonds publics, réduisant les détournements. « Les Assises nationales de la refondation et le Dialogue inter-Maliens ont mobilisé des milliers de citoyens, renforçant la légitimité des réformes », a indiqué Ahmadou Touré. Avant d’ajouter que les « Cases de la Paix » ont donné une voix aux femmes et aux jeunes, favorisant l’inclusion dans des zones rurales souvent marginalisées. Il dira que la réorganisation du pays a amélioré l’accès aux services publics dans certaines zones, affirmant que la révision du Code minier et l’exploitation du lithium ont boosté les recettes avec une croissance prévue à 4,7 % entre 2025 et 2026. «L’abrogation de l’Accord d’Alger a recentré les priorités sur les besoins nationaux, renforçant le sentiment de souveraineté», souligne-t-il.


Cependant, déplore Dr Ahmadou Touré, les sanctions de la Cedeao entre 2022 et 2023 ont freiné la croissance. Il ajoutera que l’insécurité continue d’entraver les investissements étrangers. Avant d’expliquer que les nouvelles régions manquent encore de ressources suffisantes. Et la réforme judiciaire reste entravée par des défis logistiques dans les zones reculées. «Globalement, les réformes axées sur la bonne gouvernance ont renforcé la légitimité de l’État et la cohésion sociale mais leur succès dépendra de leur pérennisation», fait savoir le professeur de droit.


Notre interlocuteur est du même avis que ceux qui pensent que les réformes sont plus faciles à faire sous une transition que dans un régime normal. Dr Touré dira que les transitions, comme celle en cours, sont souvent le résultat de luttes populaires portées par une aspiration collective à des changements profonds et à des réformes structurelles. Selon lui, ce contexte particulier rend les réformes plus réalisables pour plusieurs raisons. La première raison tient au fait que la Transition, issue d’une mobilisation citoyenne contre un système défaillant, confère aux autorités une légitimité unique pour entreprendre des réformes audacieuses. Il a cité en exemples, la dissolution des partis politiques en mai 2025, la création du Pôle national ou la révision du Code minier, répondant aux attentes populaires de justice et de souveraineté économique. La deuxième raison que le chercheur a évoquée est relative à l’absence d’une opposition parlementaire rigide et la flexibilité de la Charte de la Transition, moins contraignante qu’une Constitution. Pour notre interlocuteur, cela a facilité des avancées comme dans la décentralisation avec la création de 19 régions, la création de l’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige), l’adoption du nouveau Code pénal et la liste n’est pas exhaustive.

Bembablin DOUMBIA

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