Ces espaces de convivialité prospèrent dans la cité
Bamako
est l’une des villes africaines qui connaît une urbanisation à une vitesse
exponentielle. Cette agglomération est permanemment en chantier avec des
immeubles, voire des gratte-ciel. Ce boom urbain tient, sans doute, une classe
moyenne de plus en plus ambitieuse, qui aspire à de meilleures conditions de
vie.
Le
«parc» gastronomique n’est pas en marge de cette modernisation. Pâtisseries et
restaurants modernes poussent comme des champignons. Et nos compatriotes et
ressortissants étrangers se bousculent aux portillons de ces lieux de
restauration pour savourer les spécialités maliennes, africaines, voire
d’ailleurs.
Il
est 19h au restaurant «Chez Richard» à Bacodjicoroni Golf, en Commune V du
District de Bamako. Cet endroit est le point de rencontre de jeunes ivoiriens
vivant à Bamako, mais aussi de Maliens. «Très fréquemment, je viens ici pour
savourer du garba (atièkè) qui est l’un de mes plats préférés», dit Mohamed
Bengaly, 27 ans, ingénieur dans une entreprise de la place.
Ce
jour-là, la terrasse grouille de monde. Un groupe de jeunes à l’accent ivoirien
y discutent. Ces derniers y viennent pour acheter du «garba», du «placali», du
«donkounou» et autres. Tout autour, l’éclairage reflète sur le mobilier, luisant
davantage le décor moderne.
Une dizaine de tables de forme rectangulaire
meublent le décor. Des jeunes mangent, en discutant ou en regardant la
télévision. Un match de football cristallise l’attention. Soudain silence
total. Pénalty manqué pour le Bayern de Munich : des bruits fusent de
partout.
Camara, le maître des lieux est un Ivoirien. «Nous sommes ouverts depuis 2019 et rencontrons un franc succès. Les clients sont Ivoiriens, Maliens et autres Africains», explique le gérant. «Chez Richard», les clients ont la possibilité de manger sur place ou de se faire livrer partout à Bamako.
Décor
européen- «Los Turcos» est un restaurant turc sis à Badalabougou. À l’entrée,
des voitures de diplomates (en tout cas les immatriculations sur fond vert
l’indiquent). Après, une fouille méticuleuse pour raison de sécurité, nous
voici dans l’enceinte. L’ambiance est calme, le temps est doux. Des couples se
dévorent du regard. Le décor, européen, laisse imager le type de clientèle qui
fréquente le lieu.
Çà
et là, des tables à deux places pour des têtes à têtes. Celles de quatre sont
disposées sous un hangar. À droite, des espaces sont aménagés sur le gazon. La
luminosité est sombre ou éclairée par endroits. Pape Konaté, médecin à Bamako,
discute avec des amis venus du Ghana. «Je suis un habitué du coin. Nous
prenons un pot après un tour de bateau», explique-t-il. «C’est ma première fois
de fréquenter un restaurant turc. Ça me fait du tourisme culinaire», enchaine
son camarade Ousmane Atimbila.
Ghanéen
d’origine malienne, Mohamed Bocoum semble avoir des soucis avec le café turc
qu’il vient de commander. «Je suis amateur de café, mais celui-ci passe
difficilement. Je vais demander un jus», sourit-il. Après 3 ans hors du Mali,
ajoute-t-il, c’est normal de faire le tour pour découvrir les nouveaux coins de
la capitale. Los Turcos est également fréquenté par des jeunes huppés de
Bamako.
Nice
Cream opère au Mali, au Sénégal et dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest.
Elle est la propriété d’une famille libanaise. Cette boulangerie-pâtisserie,
située à l’ACI 2000, assure une vue panoramique sur la route à travers une baie
vitrée. Des comptoirs vitrés longent le hall. Derrière eux sont exposés
différents produits. Vêtu d’une chemise assortie d’un pantalon, Julien Tremblin,
un jeune diplômé de commerce, en est le gérant. «La clientèle de Nice Cream est
essentiellement familiale, malienne et étrangère.
En cette période, il y a
également beaucoup de vacanciers», explique Julien Tremblin. Il leur propose
différentes gammes de produits à savoir : pain boulangerie avec des
farines spéciales, viennoiserie (beurre, sucre et chocolat), pâtisserie (crème,
caramel), glace (lait, crème, à base de fruits locaux), ainsi que la pizza, le
burger et la pâte. Comme toute activité, le secteur rencontre des difficultés.
Nice Cream possède des pâtisseries à travers Bamako. Le dernier est celui de
l’Aci 2000 qui emploie 16 personnes, des Maliens pour la plupart. Il y a
également des ressortissants des pays de la sous-région.
Julien Tremblin explique avoir un «bon partenariat avec le Centre Chiaka Sidibé», qui, selon lui, dispense une bonne formation sanctionnée par un diplôme. Nice Cream recrute ceux qui ont de l’expérience et forment certains sur place. «En deux ou trois semaines, ils apprennent le service (servir les clients), les produits (la glace principale production), les différents postes dont la caisse : le personnel doit être polyvalent», estime-t-il.
Formation-
Awa Bagayoko, teint noir, taille fine, est pâtissière. «J’ai reçu une formation
à Azalai hôtels. C’est après avoir travaillé un certain temps là-bas que je
suis venue ici», relate-t-elle. Le secteur est pourvoyeur d’emplois,
confirme-t-elle. Le
quadragénaire Alkassoum Maïga est dans l’événementiel (sono, caméra, lumière,
photo et vidéo). Après avoir passé 10 ans en France, il rentre au pays.
«Dans
le domaine, les opportunités sont nombreuses et la restauration reste un
domaine porteur», confirme-t-il. Après une journée laborieuse, les gens
cherchent où s’asseoir la nuit pour discuter, passer du bon temps. À chaque
fois qu’un nouvel endroit ouvre, c’est la ruée vers, constate-t-il. «J’ai des
amis qui sont dans la restauration, il arrive qu’ils manquent de place pour les
clients et surtout de parking pour leurs véhicules», explique Alkassoum Maïga.
Dr
Kawélé Togola est professeur d’anthropologie au département de sociologie et
d’anthropologie à l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako.
Selon lui, cette situation est liée à un certain niveau de standing économique
atteint par certains individus. «Cette prolifération des pâtisseries et
restaurants modernes relève d’une occidentalisation du visage de notre société
particulièrement de nos modes de consommations alimentaires», analyse
l’universitaire.
Ce qui donne accès à un nouveau type de nourritures préparées
selon des standards internationaux. On peut constater que ceux qui servent dans
ces restaurants, dans la plupart des cas, on fait des formations qui attestent
de leur expertise dans le domaine. Aussi, soutient l’universitaire, les gens
ont le souci de leur santé : on estime en ce sens que ces derniers offrent
de la nourriture dans un cadre hygiénique, propre et saint.
Cette modernisation est un risque pour la nourriture locale. «Les mets nationaux, communautaires peuvent être négligées par rapport aux plats à caractère occidental et autres», explique Dr Kawélé Togola. Il suggère que nos mets soient revalorisés pour répondre aux normes internationales. Ce conseil est pertinent. Car, il n’est pas rare d’entendre une certaine classe de citoyen dire : «Je mange indien ce soir», «japonais» à SushiTimeBamako, «italien», «chinois»…
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