Un chargement de bois rose au Mali
Ce bois est utilisé pour fabriquer des meubles de style
ancien très coûteux. Il est si populaire en Chine, où il est connu sous le nom
de «hongmu», ou «bois rouge», que le pays draîne quelque 90 % des exportations
mondiales, selon Haibing Ma, spécialiste de la politique asiatique à l’EIA. Le
Vietnam est également un acheteur clé de ce bois.
Le bois de rose est une espèce traditionnellement et culturellement appréciée par les Chinois, donc il y a presque comme une demande insatiable là-bas», a-t-il déclaré à VOA. De 2017 à 2012, la Chine a importé du Mali un demi-million de kosso, d’une valeur d’environ 220 millions de dollars, a constaté l’agence. Haibing Ma note que le commerce « a déjà causé d’énormes impacts écologiques, économiques et sociaux négatifs dans les pays d’origine»
Le bois de rose provenait
principalement de l’Asie du Sud-Est, mais ces forêts étant saturées, les
négociants chinois se sont tournés vers l’Afrique de l’Ouest, notamment le
Mali, un pays qui a subi deux coups d’État depuis 2020 et qui lutte contre une
insurrection jihadiste.
Le Mali avait déclaré une
interdiction de récolte de bois de rose en 2020, mais celle-ci a été levée
l’année suivante. Depuis, une « interdiction de l’exportation de bois » est en
vigueur, mais les exportations vers la Chine se sont poursuivies, ont constaté
les enquêteurs de l’EIA, qui estiment que plus de 5.500 conteneurs remplis de
kosso ont été exportés vers la Chine de mai 2020 à mars 2022.
La majeure partie de l’exploitation forestière a lieu dans des zones protégées telles que des réserves forestières, en violation du code forestier malien.
Selon le rapport de l’EIA,
tant le commerce illégal de kosso que le monopole d’exportation accordé à la
Générale Industrie du Bois SARL, une société dirigée par un entrepreneur
malien, s’appuieraient sur une « corruption profondément ancrée » qui inclut
l’utilisation de permis non valides pour expédier le bois. Les enquêteurs de
l’EIA ont également appris que des fonctionnaires recevaient des pots-de-vin
pour ignorer l’exploitation et le trafic du bois.
Des camions transportent le bois de Bamako, la capitale du Mali, jusqu’au port de Dakar, au Sénégal. De là, les grumes sont expédiées en Chine. Les demandes de commentaires adressées par courrier électronique à l’ambassade de Chine à Bamako et à Mamadou Gackou, secrétaire général du ministère malien de l’Environnement, de l’assainissement et du développement durable, sont restées sans réponse.
Bois de rose, ivoire et jihadistes- Selon l’EIA, le trafic de bois de rose sert également à la contrebande d’autres marchandises. De l’ivoire illégal, dont une partie provient de l’abattage des éléphants du désert du Gourma, une espèce presque anéantie au Mali, a été trouvé à l’intérieur des troncs.
« Il semble que le
négociant chinois connu localement sous le nom de « Frank » et son partenaire
commercial, qui mènent la plus grande opération de commerce de bois de rose du
pays, ont également été impliqués dans la contrebande d’ivoire entre le Mali et
la Chine, à partir de 2017 jusqu’à au moins 2020 », indique le rapport. Il y a
quelques mois, lorsque les enquêteurs de l’EIA ont parlé aux partenaires
commerciaux de Frank, « ils étaient encore occupés à trouver comment faire
sortir du pays un maximum de kosso qu’ils avaient dans le dépôt », a déclaré
Raphael Edou, responsable du programme Afrique à l’EIA.
Les jihadistes au Mali utilisent la question du trafic de bois comme moyen de propagande, affirmant qu’ils sont les seuls à pouvoir mettre fin à l’exploitation des précieuses forêts du pays, a constaté l’EIA.
« Les partisans des
rebelles ont exploité la crise forestière et la frustration de la population
dans les provinces du Sud comme un moyen de promouvoir leur cause. Ils
affirment fréquemment que seule la stricte discipline des jihadistes peut
mettre fin à la crise du bois de rose et à la corruption qu’elle a alimentées
», indique le rapport.
Les réponses au problème de l’exploitation forestière
Pékin, note Haibing Ma, a
stipulé que tous ses investissements étrangers dans le cadre de la Nouvelle
route de la soie « devraient s’en tenir au principe et aux orientations énoncés
dans l’accord de Paris », le président Xi Jinping soulignant aussi que « la
coopération entre la Chine et l’Afrique ne se fera jamais au détriment des
intérêts des peuples africains. »
Le pays doit maintenant
joindre le geste à la parole et mettre fin à l’exportation de bois illégal
depuis le Mali, a déclaré Haibing Ma : « En tant que grande puissance
responsable, la Chine doit faire des efforts pour nettoyer ses lignes
commerciales. » La Chine a pris des mesures pour mettre fin à l’exploitation
forestière au Gabon, où des entreprises chinoises ont été liées au trafic
illégal de bois en 2019. À cette époque, Pékin a signé un accord pour aider à
lutter contre l’exploitation forestière illégale et à développer la gestion des
forêts au Gabon. Depuis que les deux pays ont commencé à coopérer, le Gabon a
connu une chute spectaculaire de l’exploitation forestière illégale, selon Lee
White, ministre gabonais des Eaux, des forêts, de la mer et de l’environnement,
comme le rapporte le South China Morning Post.
Interrogé sur ce qu’il
adviendrait des bûcherons si le commerce du bois de rose était arrêté, Raphael
Edou de l’EIA a déclaré que ceux-ci viennent généralement des pays voisins et
que les communautés maliennes n’apprécient pas leur présence. « D’après notre
enquête, la plupart des communautés forestières du Mali ont souffert à cause de
la crise du bois de rose. Le bois est couramment volé dans les zones
forestières des communautés. Les dirigeants locaux ont soulevé le problème à de
multiples reprises : certains font de l’argent, eux en paient le prix », a-t-il
déclaré. Les résidents locaux finissent par perdre leurs forêts et ne reçoivent
pas d’argent pour le bois. Certaines communautés vont jusqu’à patrouiller dans
leurs forêts dans l’espoir d’attraper les bûcherons eux-mêmes.
L’enquête de l’EIA
intervient alors que le secrétariat de la Convention sur le commerce
international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction
(CITES), décrite comme « un accord international entre gouvernements » qui vise
à protéger la survie des espèces commercialisées au niveau mondial, délibère
sur une interdiction du commerce régional. En mars, en réponse à la demande des
pays d’Afrique de l’Ouest, une réunion de la CITES a donné aux États jusqu’au
27 avril pour démontrer que leurs exportations étaient légales ou déclarer un
quota d’exportation nul.
S’ils ne le font pas, ils s’exposent à une suspension
des échanges commerciaux. « Le secrétariat de la CITES analyse toutes les
informations reçues. On s’attend à ce que cette analyse soit terminée d’ici la
fin du mois », a déclaré David Whitbourn, porte-parole de la CITES, à VOA dans
un courriel.
« Lorsque l’analyse sera
terminée, une recommandation de suspension des échanges commerciaux de
Pterocarpus erinaceus (bois de rose) sera mise en place pour les parties qui
n’ont pas répondu ou qui n’ont pas fourni de justification satisfaisante »,
a-t-il ajouté.
Voaafrique.com
Rédaction Lessor
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