
Des formes d’organisation plus ou moins heureuses sont tentées çà et là pour prévenir ou circonscrire des problèmes liés à l’évolution des sociétés. Du reste, le propre du pouvoir politique est de prendre des mesures pour satisfaire les besoins de la population et assurer la survie de la nation. Dans le domaine sécuritaire, cela est encore plus prégnant. Faute d’avoir suffisamment ingéré ce paradigme, le Mali fait face depuis des années, à une insécurité multidimensionnelle, qu’il aurait pu anticiper ou circonscrire dans une juste dimension. Que conviendrait-il de faire désormais, pour que ce qui a eu lieu n’eut plus lieu ? Quels mécanismes et structures faudrait-il inventer pour être plus proactif dans la préservation des intérêts supérieurs du pays ? Autant de questions qui trouveront leurs réponses à travers les lignes qui suivent.
Seules les nations constamment préparées à défendre leur indépendance, les épées à la main, jouissent d’une véritable sécurité, en ayant développé au préalable, une réelle capacité de veille et d’anticipation. La création du Conseil de sécurité nationale procède de cette volonté de répondre aux défis complexes et multiformes que rencontre la nation. Ce Conseil est appelé à jouer un rôle central dans la prise de décisions relatives à la protection des intérêts vitaux du pays, à la préservation de la souveraineté nationale et à la garantie de la sécurité des citoyens. La présente note retrace le déroulé du processus initié pour sortir de l’ornière.
Le Mali a longtemps manqué de mécanismes et de structures capables de planifier des initiatives qui requièrent une coopération interministérielle soutenue. S’il existait des orientations stratégiques à l’échelle nationale, celles-ci demeuraient parcellaires et souffraient d’un manque de coordination pour traduire les orientations en directives pour les Départements sectoriels. Il aurait fallu établir des passerelles entre elles. Il aurait fallu dans la logique de la synergie des efforts, partager les renseignements et mutualiser les capacités et les expertises. Cela a souvent manqué.
Le pays qui n’avait ni politique formalisée de défense, ni stratégie nationale subséquente, se faisait à chaque fois surprendre en défaut de capacité et était à chaque fois dans une posture réactive d’improvisation liée à la planification d’urgence. Que de perte de ressources, de sang et de larmes !
Les insuffisances constatées à l’épreuve des crises ne laissaient d’autres choix à l’État que de chercher à se mettre à l’abri de la surprise et de l’improvisation. Il fallait un cadre de coordination interministérielle de gestion des crises, en dehors des réunions du Conseil des ministres. L’enjeu est de mettre en place un mécanisme national cohérent permettant à chaque Sectoriel d’accomplir ses missions prioritaires à hauteur et au rythme des moyens modestes de l’État, et en rapport avec les autres.
La démarche se situe dans le cadre du processus global de Réforme du secteur de la sécurité. Le Conseil de sécurité nationale (CSN) est né de cette volonté (l’Ordonnance n°2019-007/P-RM du 08 mars 2019, ratifiée par la Loi n° 2019- 071 du 24 décembre 2019).
Dans un contexte international marqué par des menaces asymétriques, des crises géopolitiques et des enjeux transnationaux tels que le terrorisme, la cyber sécurité et les changements climatiques, le CSN est appelé à formuler des stratégies globales et intégrées. Il assure la coordination entre les différents ministères et agences gouvernementales, tout en veillant à ce que les décisions prises soient alignées avec les objectifs de sécurité et de défense du pays. Il jouera donc un rôle central dans l’architecture sécuritaire du pays, en assurant la coordination de l’ensemble des problèmes susceptibles d’affecter la sécurité nationale. C’est l’organe unique de gestion politique des questions de défense et de sécurité en lieu et place du Conseil supérieur de la défense, qui disparait avec la Constitution du 22 juillet 2023 (Art. 63).
Le Conseil de sécurité nationale regroupe autour du Président de la République, le Premier ministre et treize autres ministres ainsi que des responsables de grands services de l’État. Il assiste le Président en matière de sécurité nationale et se réunit une fois par mois. A travers son Secrétariat permanent (SPCSN), son organe d’exécution, il élabore une Politique de Sécurité nationale (PSN), référentiel unique, fixant la vision, les objectifs à atteindre, en un mot, les grandes orientations visant à guider l’action de l’État dans la gouvernance de la Sécurité nationale.
D’autres États choisissent d’autres concepts, telles stratégie générale, stratégie totale, stratégie nationale ou Stratégie de sécurité nationale. Il s’agit dans tous les cas d’une politique publique couvrant les domaines ci-dessus énumérés. La Politique de Sécurité nationale se décline par la suite en Stratégie de sécurité nationale (SSN) dont l’objectif est de déterminer les réponses et les moyens que les pouvoirs publics doivent apporter face à d’éventuels défis. La Stratégie de sécurité nationale (SSN) est la matrice et le seul document de référence de toute autre politique publique en matière de défense et de sécurité, notamment les stratégies sectorielles et les stratégies spécifiques. À la suite de la Politique de sécurité nationale, le SPCSN s’attèle à l’élaboration de la Stratégie de Sécurité nationale avec la participation active de tous les Sectoriels concernés, dans un processus inclusif et interactif.
Le SPCSN coordonne les stratégies sectorielles et spécifiques, dans la gestion des risques et des menaces susceptibles d’affecter la vie de la nation. C’est le cadre de collaboration des services nationaux en matière de planification, de fusion du renseignement et sur d’autres sujets d’intérêts communs. L’adoption de la PSN et de la SSN sera une étape décisive dans l’opérationnalisation du Conseil de Sécurité nationale et de son Secrétariat permanent. Du reste, cette opérationnalisation se poursuit avec la relecture en cours de la Loi N°2OO4-O51 portant organisation générale de la défense nationale qui fixe les prérogatives de l’ensemble des organes stratégiques de gestion des questions de défense et de sécurité.
À la disposition du Chef de l’État, le Conseil de sécurité nationale assure la prospective, la veille, l’anticipation et la coordination de la gestion des crises, à condition que tous les acteurs jouent leur rôle et adhèrent au nouveau mécanisme dans un esprit de complémentarité. C’est à ce seul niveau que les initiatives et l’action des différentes structures (anciennes ou nouvelles) seront mises en cohérence pour l’atteinte des objectifs. Ce qui laisse aux acteurs le recul nécessaire pour mettre au point une stratégie des moyens adaptée à la gestion efficience de la crise qui s’annonce. Le salut de la nation est à ce prix.
Le CSN n’est donc pas une structure de plus. Il en va ainsi dans tous les pays qui réussissent des prouesses dans le domaine de la sécurité. Mais que l’on ne se méprenne pas. Il ne s’agit pas de préparer la guerre, ni même de conjurer les crises et les catastrophes. Il s’agit de mettre en place des mécanismes et des structures adéquates pour assurer la veille et l’anticipation afin de garantir une meilleure situation de paix et de sécurité dans tous les domaines de la sécurité humaine. Le cas échéant, il s’agit d’être proactif en prenant et en gardant l’initiative.
Toute chose qui était loin d’être acquise avec les anciennes structures, et qui nous a plongé dans une crise multidimensionnelle qui perdure et se métastase.
Général (er) Yamoussa CAMARA
Secrétaire permanent
du Conseil de Sécurité nationale
Rédaction Lessor
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