
C’est dans une ambiance
décontractée que notre équipe retrouve Ibrahima Diombélé, ce mardi aux environs
de 18 heures, dans la salle de rédaction de l’ORTM, en pleins préparatifs du JT
de 20 h. C’est le dernier qu’il présentera à la télévision nationale. Après
plusieurs heures de préparation minutieuse, Ibrahima Diombélé arrive sur le
plateau du JT avec quelques minutes d’avance. Professionnalisme oblige, il relit
ses textes (lancements). À 20 heures, BIG se lance : français limpide, une
diction qui force l’admiration, comme il a su toujours le faire.
Ainsi, ce 31 décembre 2024,
le bateau qui a levé l’ancre un certain 16 décembre 1993 est arrivé si
heureusement à bon port. «Trente-et-un ans dans la maison Bozola, pas un seul
jour ailleurs. Trente-et-un ans sur les plateaux de Mali Actualité, des
journaux radio et télé, des débats, des interviews et magazines» dira-t-il dans
la dernière «chute» de sa carrière, (jargon journalistique pour désigner la
conclusion d’un texte), en fin de JT.
Ibrahim Diombélé, c’est
également 31 ans de reportage, au Mali et à l’étranger comme envoyé spécial sur
tous les continents pour apporter la nourriture quotidienne d’informations aux
auditeurs et téléspectateurs de la chaîne nationale. Celui qui fut directeur
Marketing et Publicité, directeur d’ORTM 2, est désormais à la retraite. Il
aura imprimé son rythme dans la lecture des communiqués du conseil des
ministres.
«À partir de ce 31 décembre
2024, je suis un nouveau diplômé qui sort de l’université ORTM et du monde. Ça
fait 31 ans que j’apprends avec les autres, que j’exerce avec les autres, que
je me fortifie avec les autres, que je m’oriente avec les autres. J’ai aussi
mis tout ce temps à transmettre à mes cadets», nous confie-t-il avec fierté,
après son dernier JT. Autour de lui, l’émotion est grande dans la salle.
Certains n’arrivaient pas à retenir les larmes.
Diombélé garde encore à
l’esprit cette déclaration d’un grand reporter cameraman qui disait : «un
reportage, ça commence au bout de la rue, mais ça finit au bout du monde». Et
pour lui, sa raison d’être, c’est le public. Non seulement les Maliens, mais le
monde entier. «Je retiens que pendant 31 ans, j’ai contribué à nourrir le
monde, le public, mais de nourriture d’informations. Vous savez, le produit le
plus consommé aujourd’hui, c’est l’information», dit-il, visiblement comblé.
Il quitte Bozola avec
beaucoup de bons souvenirs. À la nouvelle génération, il recommande de rester
professionnelle et surtout humble. «Parce qu’attention, ça vous monte à la
tête, la célébrité. C’est pourquoi je dis aux jeunes qu’ils ne sont pas des
stars, ils sont des gens populaires. Chacun connaît les règles, il faut être
professionnel. Tu passes par une école de journalisme, où tu apprends sur les
tables avec les autres», glisse-t-il avec sourire. Et d’ajouter : «Quand tu veux apprendre, tu
peux apprendre. Et quand tu apprends, il faut l’appliquer. Quand tu ne sais
pas, demande aux autres. Celui qui demande a de fortes chances de ne pas se
tromper», a-t-il insisté.
Big entend continuer le
journalisme, seul métier qu’il connaît. «On n’arrête pas d’être journaliste. Il
y a toujours de la matière. On peut le faire sous une autre forme. On peut
continuer à le faire même à la télé. Je ne compte pas sortir de ce cercle du journalisme.
De toute façon, je ne saurais pas le faire puisque je ne suis pas capable de
faire autre chose. Nous allons toujours rester à la disposition de la
jeunesse», confie l’ancien directeur de Ortm2.
Son départ à la retraite a
touché les cœurs. Dans sa famille professionnelle à Bozola, Hassane Baba
Diombélé, premier responsable de la chaîne nationale, ne s’en cache pas : «On a
eu du mal à évoquer sa retraite. On se demande comment faire en sorte que la
relève soit assurée et quelle est la personne la mieux indiquée aujourd’hui
pour prendre le relais. C’est cette peine que nous avons au fond de nous-mêmes
». Selon lui, Ibrahima Diombélé a été plusieurs fois approché pour aller dans
d’autres services, mais à chaque fois, il a gentiment décliné. Aussi, confie-t-il,
Ibrahim lui a transmit son énergie positive par rapport au métier de
journaliste. «Quand on arrivait, il
était déjà journaliste confirmé,
présentateur.
À mon arrivée ça a créé une petite perturbation au niveau
des téléspectateurs, certains faisaient l’amalgame en appelant Ibrahima,
Hassane et vice-versa. Un jour, le grand a dit puisque c’est comme ça, toi on
va t’appeler Éric et moi Gérard. Le pseudonyme Éric qu'il m’a collé est resté»,
se souvient le directeur général de l’Ortm.
Les travailleurs,
téléspectateurs et auditeurs gardent de Ibrahim Diombélé, un professionnel qui
aime son métier et qui a consacré sa vie au journalisme. «Il a aidé à créer
beaucoup d’émissions. Surtout ce que certains ne savent pas, c’est avec lui
qu’on a fait les textes de plusieurs jingles de génériques au niveau de la
chaîne. Ibrahima Diombélé a laissé des traces indélébiles à Bozola», conclut le
DG de l’Office.
«Ce fut un honneur pour moi
d’avoir croisé et eut l’opportunité de participer aux débats conduits par Ibrahima
Diombélé. Il sait nous sortir le meilleur de nous-mêmes pour informer les
téléspectateurs. Je prie Dieu que cette nouvelle vie qu’il commence puisse être merveilleuse», témoigne
le directeur général du Centre national de promotion du volontariat. Maintenant
qu’il est libéré de l’ORTM, Ahmed Salif Camara, suggère à Ibrahima Diombélé de
mettre son savoir et son expertise au service des jeunes journalistes.
«Aujourd’hui, le journalisme à besoin des compétences.
Les Web tv, les réseaux
sociaux sont venus inonder le marché et le professionnalisme est en train de
disparaître. Et encore que les professionnels sont en train de partir à la
retraite», fait-il constater. Les nombreuses
congratulations des téléspectateurs et auditeurs de l’ORTM pendant les 365
jours de l’année, sont autant de médailles pour ce journaliste émérite qui n’a
reçu aucune distinction honorifique durant ces 31 ans de bons et loyaux
services rendus à la Nation.
Babba COULIBALY
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