Culture du blé au Mali : Péril sur l’immense potentiel

Plus de 45.000 ha se prêtent à la culture de cette céréale dans la Région de Tombouctou. Seulement environ 10.000 ha sont exploités pour une production annuelle de 45.000 tonnes. Cette production est largement insuffisante car la consommation annuelle dépasse 365.000 tonnes

Publié mercredi 09 novembre 2022 à 07:15
Culture du blé au Mali : Péril sur l’immense potentiel

Le blé produit au Mali présente d'excellentes caractéristiques protéiques avec un taux de 12%


On pourrait bien appeler cela le paradoxe malien. L’État renonce à des milliards de Fcfa chaque année pour encourager l’importation de denrées de base : riz, blé... Le pays dispose pourtant de potentialités immenses inexploitées pour la production à grande échelle de ces produits notamment du blé. Plus de 45.000 ha se prêtent à la culture irriguée du blé dans la Région de Tombouctou et 100.000 ha aménagés dans la zone Office du Niger avec une disponibilité des ressources hydriques et des conditions agro-climatiques favorables, selon les estimations de l’Institut d’économie rurale (IER).

Ce potentiel est loin d’être exploité. Les données officielles soulignent que le Mali n’exploite qu’environ 10.000 ha sur ce potentiel immense. La production totale moyenne s’élève à 45.000 tonnes soit une productivité moyenne de 3,5 tonnes par ha. La consommation annuelle de blé dépasse 365.000 tonnes, dont seulement 12,33% produites localement. Le pays importe une grande quantité de graine de blé d’Europe pour la consommation domestique. Les données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) montrent que le Mali dépend fortement des importations de blé.

«De 2015 à 2018, environ 278.550 tonnes de blé ont été importées en moyenne pour un coût annuel moyen estimé à près de 69 millions de dollars (environ 45,4 milliards de Fcfa)», souligne un document de recherche que nous avons consulté. À titre illustratif, le Mali a importé 380.000 tonnes de blé en 2020 pour une consommation de 420.000 tonnes soit une production nationale de seulement de 40.000 tonnes, note le même document.

Seulement ces derniers mois, le blé est devenu une denrée stratégique dans un contexte mondiale marqué par les effets du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Ces deux pays en sont les principaux producteurs mondiaux. «30% du blé au monde provient de la Russie et de l’Ukraine. Le blé est une céréale très consommée dans le monde et la plupart des pays importent de ces deux pays», explique l’économiste Modibo Mao Makalou, à propos de l’importance du blé dans le contexte de ce conflit qui secoue le monde depuis le 24 février 2022.

La principale conséquence de ce conflit sur le continent africain a été la flambée des prix des denrées importées de ces deux pays. L’opportunité pourrait ainsi venir de la mise en valeur de la production locale pour les pays disposant de potentialités agricoles. «Le blé a la particularité d’être cultivé pendant la période froide alors que le riz par exemple est cultivé au cours de la période chaude», explique le Dr Oumarou Goïta, chercheur à l’Institut d’économie rurale. Ce spécialiste travaille depuis plus de 20 ans sur la sélection, le choix des variétés et les innovations dans la culture du blé au Mali.


Les différents travaux qu’il a menés avec ses collègues ont permis de connaître avec précison les conditions environnementales et les périodes de semi favorables au blé au Mali. Le Dr Oumarou Goïta souligne que la culture du blé demande une grande technicité dans la gestion de l’eau pour fructifier les températures. Cette céréale a aussi la particularité de ne pas consommer beaucoup d’eau et les températures fraiches lui sont propices. Une aubaine pour certaines localités de la Région de Tombouctou. La première région du Mali est celle où la culture du blé aurait été introduite dès le 15è siècle, selon des sources historiques, par les Almoravides (Confrérie de moines guerriers, Berbères sahariens).

 

ABANDON AU PROFIT DE L’OIGNON- Dans le Cercle de Goundam, le blé est en effet cultivé depuis des générations. Trois communes sont les fiefs de cette culture : Douékiré, Kanèye et Doukouria, situées à l’est de la Commune urbaine de Goundam, respectivement à 45 km et 5 km du chef-lieu de Cercle. Selon le chef du service local d’agriculture à Goundam, près de 2.500 ha de terres y sont exploités chaque année avec une production annuelle de 18.750 tonnes, soit 7,5 tonnes à l’hectare. Les surfaces cultivables sont façonnées en casiers, la méthode culturale est le semi par poquet et l’irrigation faite à l’aide de motopompes, explique Amadou Almoudou.

Regroupés au sein de la coopérative des producteurs de blé du Cercle de Goundam, les producteurs écoulaient à perte une grande partie de la récolte. Le reste était vendu aux populations locales. Toute la production locale du Cercle, avant l’installation de l’insécurité et la survenue de la pandémie de Covid-19, intéressait un seul gros client : Achcar. Il sillonnait les cercles de Diré et de Goundam à la fin des campagnes pour acheter les récoltes de blé, mais à un prix jugé presque dérisoire faute de concurrence, se souvient le président de cette unique coopérative des producteurs de blé. Mossa Ag Demba juge que cette situation a découragé plus d’un exploitant. En plus de la vente à perte, les producteurs de blé demeurent confrontés à de nombreux défis dont la vétusté du système de canalisation, l’inflation du prix de l’engrais et autres intrants agricoles. Ce cumul de problèmes démotive de plus en plus les exploitants.

Face à la situation, beaucoup de producteurs sont tentés d’abandonner la culture du blé, ces dernières années, au profit de l’oignon, du cumin et de l’anis, vendus dans les région situées au sud du pays à des prix plus alléchants. Avec l’argent obtenu, ils parviennent à payer des intrants, des tonnes d’engrais, des pièces de rechanges et du carburant pour les motopompes. Une alternative pour eux de remédier à la perte causée par la mauvaise commercialisation du blé. Aujourd’hui, les blés produits dans les zones d’exploitation sont achetés et consommés par les populations des Régions de Tombouctou et Gao. Ils s’écoulaient très timidement, mais avec la crise actuelle les derniers stocks de blé ont été raflés par les consommateurs locaux. Le «sawal» l’unité de mesure du marché de la localité qui correspond à 3 kg est vendu à 1.750 Fcfa la mesure.

Selon des documents de recherches, le blé est le deuxième produit agricole le plus important au Mali pour la sécurité alimentaire en termes de quantité et de calories consommées. Les études ont relevé que le blé produit au Mali présente «d’excellentes caractéristiques protéiques avec un taux de 12%». Ce blé malien est même utilisé pour améliorer la faible teneur en protéines du blé importé 10,5% dans la fabrication, renseignent les documents des chercheurs de l’IER que nous avons consultés. Ce blé est pourtant pas apprécié à sa juste valeur car acheté auprès des paysans à 200 Fcfa le kg et 225 Fcfa le kg avec le transport.

 

 50 TYPES D’ALIMENTS TRADITIONNELS- De l’avis de beaucoup d’exploitants de blé, si rien n’est fait pour soutenir la culture du blé, celle de l’oignon risque de prendre le pas sur le blé dans les trois communes. Les producteurs migrent vers la culture de l’oignon qui est plus rentable financièrement. L’oignon est vendu et n’a pas les mêmes caractéristiques qu’une céréale comme le blé consommée localement en période de soudure.


«La culture du blé reste un rempart pour les producteurs dans la lutte contre l’insécurité alimentaire. À Tombouctou, le blé entre dans la préparation de plus de 50 types d’aliments traditionnels dont le Takula, le Fujula, entre autres», explique le technicien Oumarou Goïta. Le spécialiste assure que les techniques pour booster la production sont connues et les résultats des études menées en la matière sont disponibles. Mais, selon lui, «la politique nationale joue contre les producteurs». «L’État injecte beaucoup d’argent pour supporter les commerçants, les industriels qui font l’importation. Cet état de fait tue les producteurs locaux», estime le chercheur, qui déplore un manque de volonté pour la valorisation de la culture du blé produit localement.

Cependant, les initiatives sont en cours pour redynamiser la production locale. L’Union africaine a mis en œuvre le Programme intégré de développement de l’agriculture face aux effets du changement climatique. Ce projet prévoit dans plusieurs pays bénéficiaires dont le Mali le financement pour le machinisme agricole, la formation des chercheurs et des producteurs pour plusieurs cultures dont le blé. De quoi donner de l’espoir à Oumarou Goïta.

Qui insiste sur des mesures de protection des petits producteurs locaux. «Tant que la production nationale n’est pas épuisée, les gens ne doivent pas aller chercher à l’extérieur», préconise-t-il. Les variétés d’aujourd’hui produisent jusqu’à 6 tonnes à l’hectare. 180.000 tonnes de blé importé pour 23 milliards de Fcfa. En injectant cette manne dans la production nationale, estime-t-il, on pourra largement couvrir les besoins et même exporter notre blé dans la sous-région.

Mohamed TOURÉ

et Almahadi A TOURÉ,

Amap-Goundam

Rédaction Lessor

Lire aussi : Bamako: Les enseignants des écoles publiques reprennent les cours

Les enseignants des écoles publiques du District de Bamako reprennent le travail dès ce lundi 20 octobre 2025 aux heures habituelles des cours..

Lire aussi : 3è édition des journées Ouest-africaines de l'audit interne : les organisateurs remercient le Chef de l’Etat d’être le parrain

En marge de la 3è édition des journées Ouest-africaines de l'audit interne, tenues à Bamako les 16 et 17 octobre, le Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta a reçu, ce vendredi 17 octobre, une délégation de l’Association des contrôleurs, inspecteurs et auditeurs .

Lire aussi : Contribution : À ceux qui veulent enterrer la transition malienne, qu’ils sachent : elle marche encore !

Certains rapports occidentaux tentent désespérément de faire croire que le Mali serait une « république en ruine », une «transition sans cap», un pays «sous tutelle russe» condamné à l’isolement. Ce récit, souvent répété, ignore la logique interne d’un processus souverain qui.

Lire aussi : Ouélessébougou : Élaboration de livrets pédagogiques des classes de la 1ère et 2ème années

Lancé depuis le mois de septembre, par la Direction nationale de la pédagogie (DNP) avec l’appui technique et financier du Projet d’amélioration de la qualité et des résultats de l’éducation pour tous au Mali (Miqra), l’atelier d’élaboration et de validation des livrets pédagogique.

Lire aussi : Mopti : La solidarité agissante du gouverneur

Dans le cadre des activités de la 30è édition du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion, le gouverneur de la Région de Mopti, le Général de brigade Daouda Dembélé a respecté la tradition en rendant visite, mercredi 15 octobre, aux deux personnes les plus âgées de la Co.

Lire aussi : Gao : Des mesures strictes contre l’exploitation illicite du site minier de N’Tahaka

Suite à la recrudescence de l’insécurité dans la Région de Gao, des mesures strictes ont été prises concernant les activités illicites sur le site minier de N’tahaka, situé à une cinquantaine de kilomètres de la Commune urbaine de Gao..

Les articles de l'auteur

L'UNASAM dénonce les collectes de fonds frauduleuses au nom des supporters

Le vice-président de l’UNASAM, Cheickna Demba Dans un communiqué datée u 15 octobre dont copie a été déposée à notre Rédaction, l'Union nationale des associations de supporters des Aigles du Mali (UNASAM), alerte l'opinion publique et les partenaires du sport malien sur des pratiques qu'elle qualifie d'usurpation et de recherche de fonds à des fins personnelles dans la perspective de la phase finale de la CAN, Maroc 2025..

Par Rédaction Lessor


Publié vendredi 17 octobre 2025 à 12:50

Ouélessébougou : Élaboration de livrets pédagogiques des classes de la 1ère et 2ème années

Lancé depuis le mois de septembre, par la Direction nationale de la pédagogie (DNP) avec l’appui technique et financier du Projet d’amélioration de la qualité et des résultats de l’éducation pour tous au Mali (Miqra), l’atelier d’élaboration et de validation des livrets pédagogiques destinés aux premières classes du fondamental s’est bouclé, lundi dernier, dans la salle de réunion du Centre féminin de formation et d’appui au développement rural (CFADR) de Ouélessébougou..

Par Rédaction Lessor


Publié vendredi 17 octobre 2025 à 12:45

Communiqué du conseil des ministres du 15 octobre 2025

Le Conseil des Ministres s’est réuni en session ordinaire, le mercredi 15 octobre 2025, dans sa salle de délibérations au Palais de Koulouba, sous la présidence du Général d’Armée Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:47

Compléments alimentaires : Pas sans risque

À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation célébrée aujourd’hui, nous nous sommes intéressés au commerce de ces produits, présentés comme miraculeux. Pourtant leur prise prolongée, sans l’avis d’un professionnel de santé, est déconseillée.

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:38

Youwarou : Une forte riposte contre l’épidémie de diphtérie à Kormou

L’épidémie de diphtérie a été déclarée au début d’octobre à Kormou, Commune de Dongo (Cercle de Youwarou). La campagne de riposte contre cette maladie s’est déroulée du lundi 6 octobre au vendredi 10 octobre. Les résultats de cette campagne indiquent que sur une population cible de 12.774 enfants de 0 à 15 ans, 13.338 ont été vaccinés soit un taux de couverture vaccinale de 104, 81%..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:31

Mois de la solidarité : Le préfet de Kati rend visite aux aînés

Remise d’un don composé de cola, natte, matelas, couverture, moustiquaire, sac de riz et d’une enveloppe symboliqueDans le cadre du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion, le préfet du Cercle de Kati, Harouna Diarra, s’est rendu, mardi dernier au domicile de Mme Sega Soucko à Kati Farada..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:30

Fonds de soutien patriotique : Plus de 142 milliards de FCFA mobilisés au 30 septembre 2025

Le Fonds de soutien patriotique (FSP) poursuit sa dynamique de mobilisation nationale. Selon les chiffres publiés par le Comité de gestion, le vendredi 10 octobre, les recettes cumulées du FSP ont atteint 142.603.529.418 Fcfa au 30 septembre 2025, confirmant la forte adhésion des Burkinabè à cet instrument de solidarité nationale..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:37

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner