Relecture de la Charte des partis politiques : Les avis de trois leaders politiques et d’un politologue

Le gouvernement a annoncé la révision de la Charte des partis politiques, invitant les différentes formations à faire parvenir leurs propositions et suggestions au plus tard le 14 mars prochain. Trois leaders politiques et un politologue livrent leurs analyses sur cette réforme qui aura un véritable impact sur l’avenir politique de notre pays

Publié mardi 11 février 2025 à 08:05
Relecture de la Charte des partis politiques : Les avis de trois leaders politiques et d’un politologue

Mamadou Oumar Sidibé, président du PRVM-Fasoko : «Restreindre le multipartisme ne serait pas une solution adéquate»

Le président du Parti pour la restauration des valeurs du Mali (PRVM-Fasoko)  rappelle d’abord que le ministère délégué chargé des Réformes politiques et du Soutien au Processus électoral, a adressé une lettre à tous les partis politiques, en les invitant à soumettre leurs propositions et suggestions en vue de la relecture de la Charte des partis politiques.


Mamadou Oumar Sidibé dira que le Forum des partis et mouvements politiques (FPMP), qu’il dirige et composé de 54 formations politiques, s’est déjà engagé dans cette dynamique. «À l’issue de notre dernière réunion de l’instance de décision, nous avons acté notre volonté de formuler des propositions consensuelles», explique-t-il.

Le responsable politique fait savoir que la démocratie malienne est née au prix de sacrifices immenses en 1991. D’après lui, des hommes et des femmes ont donné leur vie pour que nous puissions jouir aujourd’hui d’un système politique fondé sur le pluralisme et la liberté d’expression. Précisant qu’il n’est pas opposé à l’instauration de conditions plus rigoureuses pour la création des partis, Mamadou Oumar Sidibé dira cependant qu’il est crucial de garder à l’esprit que notre démocratie a été chèrement acquise. De ce fait, pense notre interlocuteur, restreindre le multipartisme ne serait pas une solution adéquate.

Rappelant qu’aujourd’hui, il y a environ 300 partis politiques au Mali, le président du PRVM-Fasoko soulignera qu’il est impératif d’instaurer des critères plus stricts afin d’éviter une prolifération anarchique et incontrôlée. «D’ailleurs, la Charte actuelle prévoit déjà des mécanismes de surveillance, d’évaluation, de suspension et de sanction des partis politiques. Si ces mesures étaient appliquées avec rigueur, le nombre de partis actifs ne dépasserait pas 70», estime le responsable politique.

La section des Comptes de la Cour suprême, qui audite régulièrement les finances des partis corrobore cette réalité. Au cours des cinq dernières années, elle n’a jamais recensé plus de 70 partis en règle. En 2023, seuls 58 partis respectaient les critères exigés, explique Mamadou Oumar Sidibé. Selon lui, en 2016, lors des élections communales, au moins 101 partis n’ont obtenu aucun conseiller municipal. «Face à ce constat, il serait judicieux d’introduire une disposition prévoyant la suspension ou la dissolution d’un parti incapable d’élire un conseiller après deux mandats successifs», propose Mamadou Sidibé. Et de poursuivre : «Il appartient au ministère de tutelle d’examiner pourquoi certains partis ne respectent pas les règles et de prendre les mesures qui s’imposent.»

Rappelant que la loi sur l’opposition votée et promulguée en 2015, encadre déjà le statut et le rôle de l’opposition, le président du PRVM-Fasoko a invité à renforcer ce texte pour garantir son application effective. S’agissant du financement public des partis politiques, il signale que le mode actuel favorise de manière disproportionnée, les grandes formations au détriment des autres acteurs du paysage politique. Pour Mamadou Oumar Sidibé, il est donc impératif d’adopter un système plus juste et équitable.

 

 

 

 

Hamidou Doumbia, secrétaire politique du parti Yelema : «Cette réforme doit être faite dans une inclusivité totale»

De Prime abord, le secrétaire politique du parti Yelema (le Changement) trouve qu’il est nécessaire d’aller vers la réforme de la Charte des partis politiques. Selon Hamidou Doumbia, cette réforme n’est pas une demande nouvelle, elle a été faite lors du Dialogue national inclusif (DNI) et des Assises nationales de la refondation (ANR) avec la précision de déterminier les conditions restrictives à la création pour la limitation du nombre des partis.

Toutefois, il signale que la nouvelle Constitution a opté pour la démocratie pluraliste avec le pluralisme intégral. De ce fait, dira notre interlocuteur, la création des partis politiques ne peut s’arrêter. «Ce qu’il faut faire est d’exiger des partis une certaine performance», pense le secrétaire politique du parti Yelema. Appuyant ses propos, il pense qu’un certain nombre d’articles peuvent être modifiés allant dans le sens d’imposer des résultats à des partis qui vont être créés afin d’éviter qu’on ne soit pas en face à des formations politiques en «sacs au dos».


Lesquelles sont, malheureusement, nombreuses, aujourd’hui, au Mali, a regretté Hamidou Doumbia. D’après lui, il y a des partis qui ne répondent à aucune obligation et ne participent à aucune échéance électorale et sont traités à la même enseigne que ceux qui participent aux élections, qui ont des élus et qui font face à leurs obligations : la tenue des congrès, des conférences nationales et la soumission de leurs comptes bancaires à la section des Comptes de la Cour suprême.

Cependant, dira-t-il, cette réforme ne doit pas être une occasion de régler des comptes ou même de prendre des mesures qui peuvent être attentatoires à la démocratie. «Il faut que cette réforme soit celle de tous dans une inclusivité totale avec des discussions sincères pour qu’on puisse aboutir à une Charte qui soignera notre environnement politique», invite Hamidou Doumbia. Pour lui, les conditions peuvent varier : «on peut notamment donner à des partis qui vont désormais être créés, les récépissés provisoires qui ne pourraient être définitifs qu’après avoir eu un certain nombre d’élus qu’on définira ensemble».


Notre interlocuteur pense que le financement public des partis doit être décentralisé. Il a invité à mettre des dispositions de contrôle de ce financement avec l’élaboration des manuels de procédure qui peuvent permettre de mieux réguler les comptes des partis. Assurant que le parti Yelema peut fonctionner sans le financement public, Hamidou Doumbia trouve, cependant, que cette aide n’est pas mal, car elle permet de lutter contre le financement illicite des formations politiques. «Il vaut mieux le réguler, faire en sorte que ce qui est donné soit utilisé de manière plus concrète et utile dans le sens de la construction des citoyens», préconise-t-il.

 

 

 

Dr Abdoulaye Amadou Sy de Ramata-Plus : «Il n’y a pas 300 projets de société»

Le président du Rassemblement malien pour le travail et l’alternance (Ramata-Plus) indique avoir participé aux Assises nationales de la refondation (ANR) qui ont demandé que le nombre excessif des partis politiques soit revu. «Parce qu’il n’y a pas 300 projets de société», déplore Dr Abdoulaye Amadou Sy, faisant allusion au nombre d’à peu près 300 partis politiques qui existent dans notre pays. «Politiquement parlant, il y a, en fait, trois voies : gauche, droite et centre. Maintenant en Europe, ils ont créé l’extrême droite et l’extrême gauche. Avec ça, on a cinq directions», explique le responsable politique. 


Il a rappelé que l’article 39 de la nouvelle Constitution précise le rôle des partis politiques. Lesquels peuvent se créer et se regrouper, librement, conformément à la loi, à l’intégrité du territoire, à la laïcité et à l’unité du pays. «Ce qui veut dire qu’à tout moment, la loi peut remodeler un peu la liberté de création qui est autorisée par la Constitution», indique Dr Sy. Et de poursuivre : «J’estime que c’est au moment de la création que le ministère en charge de l’Administration territoriale doit être un peu plus vigilant pour aller voir au moins ce parti qui dit qu’il s’’est créé, où est-ce qu’il se trouve ?»  


D’après lui, pour accéder à la subvention de l’État, la Cour constitutionnelle a créé des critères, à savoir avoir un siège et un compte bancaire, respecter les textes du parti et participer aux élections. Cependant, pour le leader politique, sur les 300 partis dans notre pays, il n’y a pas plus de 70 qui respectent ces règles. «Dès l’instant qu’un parti se crée et qui ne respecte pas les conditions de sa propre création, j’estime qu’il n’a aucune raison d’exister», dit-il.

Pour le président de Ramata-Plus, le fort d’un pouvoir de Transition est de prendre des décisions qu’un pouvoir élu ne peut faire. «J’estime donc qu’avant qu’on arrive aux élections, conformément à la loi, il est possible de remodeler cela de manière à réduire d’une façon drastique le nombre des partis», propose-t-il.

Parlant du financement des partis, Dr Abdoulaye Sy dira que ce qui s’est passé sous l’ancien régime et la 3è République est de la tricherie. «C’est comme deux jumeaux dont l’un prend le pouvoir et l’autre joue le chef de file de l’opposition. Quand nous allons aux élections, les deux se retrouvent sur la même ligne», a-t-il expliqué.

Étayant ses propos, le responsable politique soutient que pendant les dernières législatives, le parti présidentiel et celui de l’opposition étaient sur les mêmes listes électorales dans certaines circonscriptions. «Cela doit être interdit et c’est la Transition actuelle qui peut prendre des mesures fortes dans ce sens», a-t-il estimé.

 

 

Pr Mamadou Samaké, enseignant-chercheur à l’Université Kurukanfuga : «Après 25 ans d’application, il est nécessaire d’évaluer la Charte»

L’enseignant-chercheur à l’Université Kurukanfuga (ex-Faculté des sciences administratives et politiques de Bamako» revient sur l’historique de l’adoption de la Charte des partis politiques dans notre pays. D’après Pr Mamadou Samaké, la première Charte des partis politiques a été adoptée par la conférence nationale de 1991.

«Cette Charte ne prévoyait pas de financement des partis politiques», précise-t-il. Selon lui, la Charte en vigueur a été adopté en 2000 après le forum politique national organisé par le Président Alpha Oumar Konaré en 1999, pour relire les textes fondateurs de la République après la crise postélectorale de 1997. Le spécialiste rappelle que cette crise a entraîné le boycott des élections présidentielles et législatives par le Collectif des partis politiques de l’opposition (Coppo).



«C’est cette Charte de 2000 qui a introduit le financement public des partis politiques et leur a assigné une mission de service public, à savoir l’éducation, la formation des militants et l’encadrement des élus», fait savoir le politologue.  Avant de signaler que cette Charte a été révisée en 2005 pour prendre en compte le genre dans la répartition de l’aide publique aux partis politiques. Après 25 ans d’application, dira Pr Mamadou Samaké, il est nécessaire d’évaluer son application et de la réviser pour l’adapter au contexte du moment surtout que les Assises nationales de la refondation l’ont recommandé.


Selon lui, sur les 300 partis politiques dans notre pays, seulement 40 animent, réellement, la vie politique si on se réfère au financement public qui a débuté à partir de 2001. «De cette date à 2020, seulement 40 partis ont été éligibles au financement public. C’est dire que ce sont ces 40 partis politiques qui animent réellement la vie politique», détaille l’universitaire.

Il ajoutera que parmi ces 40 partis, 15 ont eu le financement public du fait qu’ils ont, simplement, participé aux élections. D’après l’enseignant-chercheur, la Charte stipule que les partis politiques sont des organisations d’hommes et de femmes réunis autour d’un idéal qu’ils transforment en projet pour la réalisation duquel, ils vont à la conquête de l’opinion. «Est-ce qu’il y a 300 projets au Mali ? Assurément que non», affirme-t-il, en exhortant d’aller vers une réduction drastique des partis.


Rassemblés par

Bembablin DOUMBIA

Bembablin DOUMBIA

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