
Le manque de personnel enseignant accentue également la désertion des élèves vers les sites d’orpaillage
L’orpaillage artisanal à Koflatié, dans le Cercle de Kangaba, constitue un obstacle majeur à la scolarisation des enfants. Selon Hama Makanguilé, directeur de l’école fondamentale premier cycle, le taux d’abandon scolaire atteint en moyenne 65 % depuis 2003 pour les enfants âgés de 11 à 16 ans. Ce phénomène s’accentue particulièrement lorsque l’or est découvert dans la localité, incitant les enfants à délaisser les salles de classe pour les sites d’orpaillage. Les plus jeunes, incapables de manipuler les outils nécessaires, sont souvent les seuls à ne pas participer à cette activité.
Malgré cela, le directeur demeure optimiste et mise sur la sensibilisation des parents et des élèves pour inverser cette tendance. Il précise que, bien que certains enfants s’absentent pendant plusieurs mois, beaucoup finissent par reprendre souvent le chemin de l’école, où ils sont toujours accueillis à bras ouverts, tandis que d’autres ne reviennent jamais. L’accent est mis sur l’importance de l’éducation, en expliquant aux parents que la place de leurs enfants est à l’école et non sur les sites d’orpaillage. Si certains parents adhèrent à cette démarche et la soutiennent, d’autres demeurent indifférents.
Le directeur du Centre d’animation pédagogique (CAP) de Kangaba, Abdoulaye Koné, déplore les conséquences de l’orpaillage sur le système éducatif dans sa circonscription. Selon lui, ce phénomène constitue la principale cause d’abandon scolaire. Il considère cette situation comme une préoccupation majeure qui devrait mobiliser tous les acteurs de l’éducation afin d’interdire cette pratique, d’autant plus que les lois maliennes protègent les enfants et prohibent leur travail. Pour le directeur Koné, il est urgent de mettre en application ces textes législatifs pour empêcher l’accès des enfants aux sites d’orpaillage, qu’il identifie comme le premier facteur de déscolarisation à Kangaba.
Abdoulaye Koné pointe trois raisons principales qui poussent les élèves à délaisser les bancs de l’école au profit des sites d’orpaillage. La première est d’ordre financier et économique : l’école exige de nombreuses années d’efforts avant d’offrir des bénéfices concrets comme devenir fonctionnaire ou s’installer à son compte. En revanche, selon de nombreux enfants et parents, l’orpaillage procure des gains immédiats, perçus comme utiles à toute la famille.
Le deuxième facteur, explique le directeur, est lié à l’implication des femmes dans l’orpaillage, au détriment de leurs responsabilités familiales. Traditionnellement chargées de préparer les repas pour les enfants, ces mères se rendent dès l’aube sur les sites d’extraction. À midi, les enfants, laissés seuls et affamés, rejoignent leur mère pour se nourrir. Avec le temps, ils s’habituent à cet environnement, précise Abdoulaye Koné, et finissent par y prendre goût, parfois attirés par des vices qui les détournent définitivement de l’école.
La troisième cause de cette situation tient à la crise d’enseignants qui frappe la circonscription du Cap de Kangaba. Selon le directeur, ce manque de personnel accentue la désertion des élèves vers les sites d’orpaillage. À ce jour, le Cap fait face à une insuffisance d’enseignants et le besoin pour assurer le bon fonctionnement des classes du fondamental (1er et 2e cycles) est de 274 enseignants. Résultat : certains enfants se retrouvent sans professeur pendant plusieurs jours, une situation qui les pousse à rejoindre les sites d’extraction. Saisissant cette opportunité, Abdoulaye Koné adresse un appel pressant aux autorités pour un renfort en personnel enseignant afin de remédier à ce problème.
D’un constat général, les statistiques sur les abandons et les exclusions scolaires dans la circonscription du Cap de Kangaba pour l’année scolaire 2023-2024, telles que rapportées par Muhamada Touré, conseiller à l’orientation au Cap de Kangaba, révèlent des failles profondes dans le système éducatif local. Ces chiffres traduisent une crise de rétention et d’inclusion qui touche différemment les garçons et les filles à divers stades de leur parcours scolaire. Au premier cycle, pas moins de 29.465 élèves ont abandonné leurs études, un nombre alarmant qui met en lumière une déperdition scolaire significative dès les premières années d’éducation. Parmi eux, 16.316 étaient des garçons, représentant un taux d’abandon de 55 %.
Ce déséquilibre suggère que les garçons sont davantage susceptibles de quitter l’école à ce niveau, sous la pression de facteurs socio-économiques comme le travail précoce. Parallèlement, 474 élèves ont été exclus dans ce cycle, avec une légère prédominance masculine : 251 garçons (53 %) contre 223 filles (47 %). Cette répartition relativement équilibrée indique que les exclusions touchent les deux genres, bien que les garçons soient légèrement plus concernés.
Au second cycle, le nombre d’abandons chute à 6.256 élèves, ce qui pourrait refléter une diminution du nombre total d’élèves poursuivant leurs études. Cependant, la proportion de garçons augmente sensiblement, avec 3.837 cas (61 %), contre 2.419 filles (39 %). Concernant les exclusions, elles restent stables avec 497 cas, mais la part des garçons grimpe à 307 (62 %), contre 196 filles (38 %), accentuant l’écart observé au premier cycle.
Amara Ben Yaya TRAORÉ
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Regards croisés des parents sur le phénomène
Dans le village de koflatié, les enfants semblent avoir mis une croix sur l’école. La quête du métal précieux leur a volé leur enfance. Pourtant, la situation n’indigne personne et semble même être bien tolérée par les parents.
Boubacar Camara, réparateur de motos près de la grande mosquée de Koflatié, estime n’avoir d’autre choix que d’envoyer son fils travailler sur le site d’orpaillage pour gagner un peu d’argent. Occupé à réparer une moto Djakarta, son képi porté à l’envers, il explique que son activité ne rapporte pas assez et que son fils, peu brillant à l’école, n’y trouve aucun intérêt. «Moi, je suis d’accord pour que mon fils aille travailler sur le site. L’école, c’est bien, mais ça ne remplit pas le ventre tout de suite.
Avec l’argent qu’il ramène, on peut acheter du mil et payer les médicaments pour sa petite sœur» renchérit le réparateur. Pour lui, mieux vaut que ce dernier contribue aux frais familiaux plutôt que de perdre son temps en classe. Aminata Diarra, 48 ans, ménagère et veuve, livre une réalité poignante. Assise près de sa petite table où s’entassent des sachets d’arachides, une cicatrice barrant son visage buriné par le soleil, elle raconte comment, depuis la mort de son mari il y a cinq ans, elle doit subvenir seule aux besoins de ses six enfants. Cette précarité a conduit deux d’entre eux, l’un en 6e année et l’autre en 8e année, à abandonner l’école pour rejoindre le site d’orpaillage. Poussés par le désir d’aider leur famille, ils ont troqué leurs cahiers contre des pioches.
Aminata confie, le regard lourd, combien ce fardeau financier pèse sur ses épaules. «Mes deux garçons travaillent sur le site d’orpaillage, et je n’y vois pas de mal. Ils rapportent un peu d’argent pour les besoins de la maison. L’école ne donne pas ça, et moi, toute seule, je ne peux pas tout assumer», déclare-t-elle d’un ton grave et résigné. Makandian Camara, jardinier dans la cinquantaine, offre une perspective plus optimiste. Debout au milieu de ses plants de choux et de salades, un arrosoir rouillé à la main et les pieds enfoncés dans la boue rougeâtre, il explique que trois de ses enfants ont quitté les bancs de l’école pour les sites d’orpaillage. Pour lui, ce choix a porté fruit parce que grâce à leurs gains, ils couvrent désormais toutes les dépenses familiales. Il sourit même en racontant que l’un d’eux lui a offert une moto d’une valeur de 600.000 Fcfa.
Convaincu que l’école n’aurait jamais permis un tel résultat, Makandian voit dans l’orpaillage une opportunité tangible. «Mes enfants travaillent sur le site, et grâce à eux, on a réparé notre toit l’an dernier. Peut-être qu’un jour, ils trouveront une grosse pépite et qu’on échappera à la misère. Je préfère ça à les voir assis en classe à rêver sans rien gagner», affirme-t-il avec assurance. Souleymane Doumbia, 54 ans, instituteur aujourd’hui à la retraite, offre une perspective tranchée sur la situation. Vêtu de son grand boubou blanc, prêt à se rendre à la mosquée pour la prière du vendredi, il s’exprime avec une conviction teintée d’amertume.
Pour lui, envoyer les enfants travailler sur les sites d’orpaillage équivaut à sacrifier leur avenir. Fort de ses années d’expérience dans l’enseignement, il martèle que seule l’éducation peut leur offrir des opportunités durables. «Sur ces sites, ils inhalent des produits toxiques comme le mercure et abandonnent leurs études pour courir après un gain illusoire et éphémère. Les parents qui agissent ainsi manquent cruellement de vision», conclut-il, le ton ferme et le regard empreint de regret.
Comme lui, Amadou Guindo, ancien immigré, se montre lui aussi profondément sceptique face à ce phénomène. Sur cette question, sa position est sans appel : jamais il ne permettra à ses enfants de travailler sur un site d’orpaillage. «J’ai vu des jeunes rentrer brisés, les poumons détruits par la poussière, ou pire, mutilés dans des éboulements», raconte-t-il avec une pointe de douleur dans la voix. Pour Amadou, l’école reste la seule voie vers un avenir solide et stable. «Si on les laisse partir là-bas, ils abandonnent tout pour finalement revenir les mains vides. Moi, je veux qu’ils apprennent un vrai métier, pas qu’ils jouent leur vie pour quelques grammes d’or», insiste-t-il, sa détermination inébranlable.
Amara Ben Yaya TRAORÉ
Rédaction Lessor
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