Beaucoup de gens mènent plusieurs activités en même temps afin de pouvoir joindre les deux bouts
Âgée de 26
ans, Fatoumata Bagayogo est monitrice pour le compte d’un jardin d’enfants à
Sébénikoro et propriétaire d’un salon de coiffure et de maquillage dans le même
quartier. Nous l’avons trouvée dans son salon en train de s’occuper d’une
cliente. Elle raconte que depuis l’école primaire, elle s’intéressait à la
coiffure. «Je coiffais de temps en temps les camarades pendant les week-ends.
Pendant les vacances, je me rendais dans
les salons pour mieux apprendre ce métier. Après les études universitaires,
j’ai amené mon dossier dans ce jardin qui m’a recrutée comme monitrice»,
explique-t-elle.
Mener
autant d’activités en même temps est un plaisir pour Fatoumata Bagayogo. «Les
activités se complètent. Je trouve mon équilibre en chacune d’elle et j’adore
la façon dont cela rythme mon quotidien. Si je ne m’organise pas bien, il
m’arrive de me sentir débordée mais généralement, mes différentes activités
s’imbriquent bien», dit-elle. Et de déclarer qu’elle a un regain d’énergie
chaque fois qu’elle passe de l’une à l’autre. Après l’école, elle peut tresser
et gagner jusqu’à 10.000 Fcfa par jour, confie celle qui a environ 50.000 Fcfa
comme salaire mensuel de monitrice.
Sage-femme dans un hôpital de Bamako, Lala
Fatouma Haïdara enseigne aussi l’obstétrique dans une école de santé. D’après
elle, l’enseignement lui permet de partager ses connaissances avec les
étudiants et d’acquérir également de l’expérience. Celle qui enseigne 12 heures
par semaine soutient que les deux boulots lui permettent de gagner bien sa vie.
Il lui arrive souvent d’être fatiguée pendant ses heures de cours, mais elle se
donne à fond pour que tous ses étudiants deviennent des meilleurs. Lala Fatouma
Haïdara dit que pour exercer deux emplois ensemble, il suffit d’organiser son
emploi du temps pour ne léser aucun des employeurs.
À
l’origine, les polyvalents étaient les personnes précaires qui cumulaient
plusieurs jobs par nécessité. À présent, la démarche consiste à refuser
d’entrer dans une seule case d’un point de vue professionnel, de ne pas se
limiter à une seule étiquette. Raphaél Djibril Coulibaly, transformateur en
agroalimentaire, intervient également dans le domaine du montage vidéo, de
l’immobilier et produit des pépinières d’arbres fruitiers. Notre interlocuteur
de teint noir, classant ses pépinières dans une petite camionnette, explique
que quand on a de petites entreprises, on est obligé d’être polyvalent dans plusieurs
domaines pour pouvoir augmenter ses bénéfices.
Pour que
les travaux se passent bien, dira Raphaél Djibril Coulibaly, il faut avoir une
base de données bien détaillée et essayer de classifier les clients pour les
regrouper par centre d’intérêt en essayant d’avoir une complémentarité entre
ses clients. «Au début, c’est fatiguant mais avec l’expérience ça devient moins
difficile. Effectuer plusieurs travaux rend heureux et aussi plus compétent.
J’assume avoir des appétences variées et des compétences dans des domaines
divers, sans pour autant délaisser l’une au profit de l’autre», déclaré Raphaél
Djibril Coulibaly. Avant de conseiller la jeunesse d’aller vers la polyvalence.
Selon lui, il faut juste croire en sa potentialité et faire plus de formation.
Père de
trois enfants, Sory Ibrahim Koné est chef cuisinier dans un hôtel de la place.
Il travaillait avec Barkhane comme cuisinier à Gao. Après le départ de
l’opération française, il est revenu à Bamako pour se faire employer au compte
de deux restaurants. Avec ce salaire qui ne valait même pas la moitié de son
salaire précédent, il a décidé de déposer son dossier dans plusieurs autres
restaurants et hôtels de la ville.
«C’est ainsi que j’ai été employé dans un
hôtel comme chef cuisinier. Je suis chargé là-bas tous les jours de 8h à 16h
sauf le dimanche, avec un mois de congé», précise-t-il. Et de dire qu’avant
d’aller à l’hôtel, il fournit le menu du jour aux deux restaurants et repasse
les voir à sa descente vers 16h. Au cours de la journée, il reste disponible au
téléphone pour les deux restos en cas de difficultés. Il lui arrive souvent de
rentrer à la maison jusqu’à 23 heures.
RESPECT DES
CONDITIONS LÉGALES- Selon l’inspecteur du travail Cheick Oumar Diakité, il
n’est pas possible pour l’employeur d’embaucher un salarié à temps partiel et
lui imposer une clause d’exclusivité. Il précise qu’aucune disposition légale
n’interdit l’exercice de plusieurs emplois simultanément. Cependant, cette
liberté n’est pas totale, plusieurs points sont à vérifier avant de s’y lancer.
Pour lui, c’est l’employeur qui est responsable du respect de la durée maximale
du temps de travail. En conséquence, ajoute l’inspecteur, il est en droit de
demander au salarié de justifier ses heures dans une autre société.
Son refus
de communiquer le temps de travail effectué ailleurs justifie un licenciement
pour faute grave, selon l’arrêt de la Cour de cassation du 19 mai 2010. Ainsi,
une personne n’a pas d’obligation légale d’informer son employeur de toutes ses
activités, il doit tout de même lui fournir les informations suffisantes qui
permettent le respect des conditions légales.
Cheick
Oumar Diakité souligne qu’il y a des gens qui effectuent des travaux à temps
partiels. «L’heure de travail normal, c’est 8h. Donc, ceux qui ne font pas 8h
comme les boulangers, les maîtres dans les écoles privées peuvent facilement
faire d’autres travaux», signale-t-il. L’inspecteur du travail ajoute que
quelqu’un qui est recruté à temps plein comme le fonctionnaire ne peut pas
effectuer un autre travail sauf en dehors de son heure de travail.
Cependant,
prévient Mahamane Koné, médecin du travail à l’Institut national de prévoyance
sociale (INPS), effectuer des multitâches peut présenter des risques pour la
santé du travailleur et sur sa vie de famille. Les principales conséquences
peuvent inclure le stress accru, la fatigue, les troubles
musculo-squelettiques, la diminution de la productivité, les erreurs et
accidents et l’incapacité de se concentrer pleinement sur une tâche. Selon le
spécialiste, la capacité à effectuer plusieurs métiers en même temps dépend de
la santé physique et mentale, de la qualité du travail, de l’équilibre vie
professionnelle et personnelle.
Ceux qui choisissent de cumuler plusieurs fonctions sont appelés à identifier les tâches les plus importantes en les traitant en premier, prendre des pauses et communiquer clairement avec les employeurs sur les disponibilités et les limites. Ils doivent aussi suivre des formations pour améliorer les compétences en gestion du temps et en organisation. Aussi, ils ne doivent pas hésiter à demander du soutien si la situation devient trop difficile à gérer seul. Cela peut aider à maintenir un équilibre sain et à prévenir les effets négatifs du multitâche sur la santé, confie Mahamane Koné.
Fatoumata Mory SIDIBE
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