Mères célibataires : Le regard accusateur de la société

Toute déviation sur les bonnes mœurs est condamnable et de ce fait la femme ne doit pas enfanter en dehors du cadre du mariage. Malheureusement, elle est la seule à répondre de ses actes en faisant l’objet de stigmatisation et d’exclusion

Publié jeudi 06 février 2025 à 07:56
Mères célibataires : Le regard accusateur de la société

Les mères célibataires souffrent le martyr. À l’origine de cette amertume, le regard méprisant de la plupart de nos compatriotes envers elles. Pour cause, notre société condamne toute déviation sur les mÅ“urs et de ce fait conçoit mal que la femme enfante avant le mariage. Si par un malheur quelconque ou une naïveté amènerait cette dernière à transgresser ce code, elle se verrait traiter de tous les noms d’oiseaux et même marginaliser. Pour surmonter les souffrances liées à cette exclusion, elles s’adonnent majoritairement au petit commerce et à d’autres métiers même les plus vils dans le but d’assurer une vie normale à leurs progénitures qui n’ont pas demandé à être traités de la sorte. Le poids moral de l’exclusion est très lourd à porter. 


Kadia Koné est mère de deux enfants. Elle vit avec ses petits dans une chambre unique à Lafiabougou-Bougadani en Commune IV du District de Bamako. Le local lui coûte 6.000 Fcfa par mois. Sans mari, elle est obligée de se plier en quatre pour subvenir aux dépenses de sa famille. «J’avais trois enfants. À cause de ma situation très précaire, la plus âgée Astan (paix à son âme) est décédée en 2009 des suites d’une maladie chronique. Son père, un réparateur de moto, était incapable de la nourrir à plus forte raison la soigner. Maintenant, je n’ai que ces deux garçons de pères différents», explique la lingère la gorge nouée. Victime de sa naïveté, Kadia dit avoir été grugée. Le père d’un de ses enfants lui avait fait une promesse de mariage. Mais l’homme a disparu dans la nature après l’avoir enceinté. Ce rejeton sera le troisième enfant de la quadragénaire. 


RÉINTÉGRER LA FAMILLE- Son métier ne la nourrit pas. «Il y a des jours où je ne trouve pas de linges à laver. Une voisine et son époux m’apportent à manger et m’aident à acheter les fournitures scolaires des enfants. J’ai la chance d’avoir un propriétaire de maison très clément et compréhensif qui me donne du temps pour payer mon logement», se réjouit-elle. Les deux garçons de Kadia Koné sont studieux. L’aîné Amadou, 13 ans, fréquente la 8è classe de l’école. Celui qui est parmi les cinq premiers de sa classe souhaite devenir médecin. «Depuis que je suis né je n’ai pas vu mon papa ni les membres de sa famille. J’assiste ma mère dans son travail de lingère», témoigne l’adolescent. Avant de rassurer très optimiste sa mère que tout ira bien pour eux si Dieu le veut ! 

Halima Haïdara, habitante d’un quartier périphérique, a été répudiée il y a plus de 5 ans pour avoir contracté une grossesse hors mariage. La jeune femme est issue d’une famille très croyante.

 Convaincue qu’elle ne trouvera refuge nulle part, elle s’est résolue à vivre en location. C’est le départ d’une nouvelle vie de mère célibataire avec sa fille Hamza. «Ma famille voulait que j’épouse un cousin germain sans emploi. À l’époque, je préférais un autre homme qui avait promis de m’épouser. Contrairement à mon cousin, cet homme avait un emploi. Je suis tombée enceinte de lui. Quand je lui ai annoncé cette nouvelle, il m’a dit qu’il est marié et qu’il a signé la monogamie avec sa femme», se désole-t-elle. Suite à cet incident, mon père, imam du quartier, m’a chassé de la maison familiale avec le soutien de ma mère, explique-t-elle les larmes aux yeux. La trentenaire vend désormais des tissus comme les pagnes wax et le basin très prisés des femmes. «Le jour de mon accouchement, j’étais seule à la maternité et depuis je suis seule avec ma fille qui porte le prénom de ma maman. Elle me demande tout le temps les nouvelles de son père ainsi que ma famille. Et je n’ai toujours pas de réponse pour elle et je prie Dieu chaque jour que mes parents me pardonnent afin que je puisse réintégrer la famille», confie Halima. 


RÉSILIENCE- Fatoumata Traoré, 24 ans, partage une chambre avec cinq autres mères célibataires depuis qu’elle a abandonné ses parents après une grossesse provoquée par son petit ami du quartier. Elle nous accueille avec un sourire forcé. Depuis son 8è mois de grossesse, elle est hébergée par les sÅ“urs Dembélé à Djicoroni-para. Son père disait qu’à cause d’elle, il ne pouvait plus regarder les voisins dans les yeux. «Je ne suis plus en contact avec ma famille. Ma maman m’a dit que je ne suis plus la bienvenue dans la famille», marmonne-t-elle la tête baissée en frottant ses mains. Brusquement, le cri du nourrisson d’à peine un mois retentit. Fatoumata Traoré saisit l’enfant et le pose délicatement sur ses jambes pour l’allaiter. «Son père m’a abandonné, il vit à Bamako, mais il a nié la paternité de l’enfant. Je ne sais pas comment nous allons vivre si nous quittons cet endroit», s’inquiète-t-elle. 

Face à cette résilience des mères célibataires, des initiatives gouvernementales et autres ne manquent pas pour les accompagner. Alassane Coulibaly, chef de famille, ne comprend pas pourquoi certains parents renvoient leurs filles parce qu’elles sont tombées enceintes. Il ne pense pas que le rejet des victimes soit la solution. «Ma fille a eu un enfant il y a deux mois. J’étais certes déçu, mais aujourd’hui je joue avec mon petit-fils. Et ma fille est retournée à l’école. Si je l’avais chassée elle n’aurait pas pu poursuivre ses études», confesse le patriarche.  Le sociologue Modibo Touré partage l’avis d’Alassane Coulibaly. «Il faut que les parents soient compréhensifs avec leur filles. Quand une fille tombe enceinte alors qu’elle vit encore chez sa famille, l’entourage va d’abord accuser les parents de n’avoir pu bien éduquer leur fille», analyse-t-il. Derrière ce «déshonneur», dit-il, se cache un désespoir pour les parents. «C’est comme si, en tombant enceinte, elle ruinait tous les espoirs que fondaient ses parents en elle de faire un bon mariage. Les parents croient, à tort souvent, que quand une fille a un enfant elle ne trouvera plus de mari.


 Certains n’hésitent même pas à mettre leur fille dehors, car elle ne leur apportera pas le gendre au portefeuille épais comme ils le souhaitent», dénonce Modibo Touré. «Les mères célibataires jouent un rôle essentiel dans la société malienne. Leur résilience et leur capacité à surmonter les obstacles sont admirables. Il est de notre devoir collectif de les soutenir et de créer un environnement plus favorable à leur épanouissement et à celui de leurs enfants. En reconnaissant et en valorisant leur contribution, nous construisons une société plus inclusive et solidaire», argumente-t-il.


SANS REMORDS POUR LA VICTIME- La psychologue Aminata Fofana pointe du doigt les conséquences psychologiques du regard accusateur de la société envers ces mères. Elle cite l’isolement au sein de la famille avec des tendances suicidaires, la dépression conduisant souvent à l’avortement, le sentiment de culpabilité, le problème d’estime de soi et de perte d’appétit. Y compris les troubles du sommeil et l’anxiété.  C’est vraiment dommage que la fille soit toujours la seule à «payer» pour sa déviation morale alors que l’homme qui est co-auteur de sa situation d’exclusion continue à se pavaner.

Cette attitude est synonyme d’une prime à l’impunité qu’il s'auto-octroie et il ne se privera probablement pas de faire d’autres victimes. Si les deux étaient sanctionnés de la même façon, on assisterait certainement pas ou très peu à des grossesses non désirées. Il est peut-être aussi temps que la société change le regard accusateur sur la seule fille coupable. Par ailleurs, il est difficile dans cette situation de ne pas qualifier notre société de misogyne tant elle est prompte à jeter l’anathème ou l’opprobre sur la fille. Pour équilibrer les sanctions, elle devrait également cultiver la misandrie, cette aversion envers les hommes coupables de cet acte.

 

Djeneba BAGAYOGO

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