Les autorités doivent utiliser davantage les médias nationaux et continuer de s’appuyer sur d’autres canaux officiels de l’information et de la communication
Notre pays est la cible d’une vaste campagne de désinformation. Depuis quelques semaines, de fausses informations sont véhiculées par des individus malintentionnés par la voie des réseaux sociaux. On est en droit de s’inquiéter de la montée en puissance de la désinformation via Internet destinée à saper le moral de nos braves soldats.
Malgré cette guerre informationnelle, l’Armée malienne poursuit
ses opérations de sécurisation du territoire national. Elle ne cesse
d’engranger des résultats palpables qui, malheureusement, font des jaloux à
tel point que ces derniers répandent des
allégations mensongères, plus encore, mènent de véritables campagnes de
dénigrement.
Par exemple
en juillet dernier, les Forces armées maliennes (FAMa) ont été accusées de
cannibalisme. Une séquence vidéo d’un homme en treillis en train de se servir
de la chair humaine est devenue virale sur les réseaux sociaux. Mais à travers
un communiqué, l’état-major général des Armées se démarquera de cette image,
tout en assurant que ces pratiques sont contraires à l’éthique, aux valeurs, us
et coutumes de notre Armée. Nos hommes sont des forces professionnelles,
respectueuses des droits de l’Homme et du Droit international humanitaire.
L’on se
souvient également des images d’une prétendue victoire des séparatistes sur nos
militaires qui ont tourné en boucle sur la toile. Il ne s’agit ni plus ni moins
que de la propagande, de l’intox et de la désinformation dont le seul but est
de semer le chaos, la haine, la division et la désolation dans notre
pays.
Pour le
premier responsable de la Direction de l’information et des relations publiques
des Armées (Dirpa), cette guerre informationnelle est destinée à saper le moral
de nos braves soldats, dont la montée en puissance en moins de trois ans est
perceptible sur le terrain. Elle est toujours dirigée par certains sponsors des
forces internationales qui ont échoué à ramener la paix au Mali en 10 ans de
présence sur notre sol.
Le colonel-major Souleymane Dembélé, intervenant ainsi
lors d’une interview sur la télévision nationale le 29 juillet dernier, révèle
que notre Armée subit depuis des années la guerre informationnelle et
communicationnelle. Selon lui, il ne s’agit ni plus ni moins que des tentatives
de dénigrement de nos forces et de déstabilisation du pays.
RÉALITÉ
INCONTOURNABLE- Approché, l’expert des questions de défense et de sécurité au
Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S) est revenu
sur les récentes attaques dirigées contre l’Armée malienne dans les
parties septentrionales du pays qui ont été relayées avec de fausses
informations. Pour Dr Aly Tounkara, l’objectif était d’amener les populations à
se révolter contre les pouvoirs publics. Selon lui, ces informations non
fondées sont volontairement diffusées en vue d’intensifier les conflits locaux
et de contester les autorités politiques.
Joint au
téléphone par nos soins, l’enseignant-chercheur à l’Université des sciences
juridiques et politiques de Bamako (USJPB), Pr Abdoul Sogodogo, abonde dans le
même sens. Il indique
que dans le monde contemporain, où l’information circule plus rapidement que
jamais, «l’infoguerre» est devenue une réalité incontournable, notamment au
Mali, où des groupes armés exploitent cette dynamique pour atteindre leurs
objectifs. Dans ce contexte, l’enseignant du supérieur pense que la
désinformation est employée comme un outil stratégique de déstabilisation.
L’utilisation
des réseaux sociaux par les services de renseignement de l’Ukraine affirmant leur soutien aux Groupes armés
terroristes (GAT) au Mali en est une preuve. Toute chose, selon Pr Abdoul
Sogodogo, qui illustre à juste titre la prééminence des médias sociaux
dans la guerre de l’information. «À cet égard, il est décisif de remarquer que
la propagation de fausses informations peut avoir des conséquences désastreuses
sur la cohésion sociale et la sécurité nationale», prévient-il. Pour
l’universitaire, la communication de guerre et le renseignement sont des armes
redoutables et souvent déterminantes dans la victoire. C’est pourquoi,
dira-t-il, ces questions méritent toute l’attention de nos autorités.
Pour faire
face à cette marque de fabrique terroriste, l’expert en questions de défense et
de sécurité pense qu’il est extrêmement important que les autorités continuent
de s’appuyer sur d’autres canaux officiels de l’information et de la communication. Mais aussi d’utiliser
davantage les médias nationaux et de mettre à contribution les différents
acteurs qui sont à même d’informer les populations dans toutes les langues
nationales du pays. Et par ricochet, de ne pas laisser les médias étrangers
s’emparer de cette situation qui est cette subtilité de proposer des acteurs
nationaux à interagir tout en mettant en exergue leurs actions et faits.
«Il est
important aujourd’hui que la direction de l’information de l’Armée s’appuie sur
l’expertise des nationaux en vue de porter un message qui ne soit pas émaillé
par des interférences de puissances non sahéliennes», conseille Dr Aly
Tounkara. Pour ce faire, insiste-t-il, les plateaux, les radios et les
télévisions doivent être investis par des experts nationaux. Il faut aussi
donner des éléments de langage à ces experts qui vont prendre part à ces
différents plateaux nationaux, voire internationaux. Une fois que cela est
fait, selon l’expert au CE3S, on pourrait réduire de façon drastique les
impacts négatifs de cette désinformation.
La gestion
des réseaux sociaux représente un défi majeur, en raison de la rapidité et de
l’ampleur de la désinformation. Ces plateformes permettent une diffusion
massive d’informations, souvent sans vérification de leur véracité.
Pour le professeur à l’USJPB, il est donc primordial de promouvoir
des initiatives de sensibilisation sur l’importance de la vérification des
sources et d’une information responsable.
«La lutte contre la désinformation, à
l’ère des réseaux sociaux, nécessite une approche de communication proactive et
transparente. À cet effet, les autorités peuvent investir dans des canaux
d’information fiables pour interagir directement avec les citoyens, clarifier
les faits et renforcer l’engagement civique», suggère Pr Abdoul Sogodogo. Et
d’ajouter qu’il est également crucial d’éduquer la population, en particulier
les jeunes et les femmes, sur les dangers de la désinformation et sur les
techniques utilisées pour la diffuser.
LUTTE CONTRE
LA CYBERCRIMINALITÉ- En temps de guerre, l’utilisation incontrôlée des réseaux
sociaux est un danger pour la bonne conduite des opérations militaires. En
partageant des publications qui contiennent des velléités de nuisances, les
internautes aident à étancher la soif de nos ennemis sans le savoir. Faisons
preuve de discernement pour ne pas tomber dans les pièges de nos adversaires.
Nos hommes en treillis qui demeurent sous les ordres des institutions
républicaines, restent déterminés et concentrés sur leur objectif visant à
éradiquer le terrorisme. Leur mission étant d’assurer la libre circulation des
personnes et des biens, mais aussi de stabiliser notre pays.
En effet,
les auteurs d’allégations mensongères sur les réseaux sociaux risquent gros.
Toute personne diffusant ou partageant de fausses informations est passible de
poursuite en justice depuis la création du Pôle judiciaire spécialisé dans la
lutte contre la cybercriminalité, le 11 novembre 2022. «Notre saisine n’est pas
liée forcément à la présentation d’une plainte. Il suffit qu’il y ait une
infraction à la Loi pour que nous poursuivions», expliquait le procureur du
Pôle national de lutte contre la cybercriminalité, Dr Adama Coulibaly, lors
d’une conférence de presse. Cela, pour dire qu’il y a des poursuites sans que
des mesures de contrainte qu’on appelle communément les mandats de dépôt, ne
soient décernées. Et le magistrat de préciser : personne n’est empêché de
s’exprimer, mais seulement à condition de ne pas porter atteinte à l’honneur et
à la dignité d’autrui.
Pour l’expert
Ali Tounkara, le Pôle national de lutte contre la cybercriminalité joue un rôle
extrêmement important, mais les actions qu’il mène ne suffisent pas tant que
celles-ci ne sont pas soutenues par d’autres acteurs. Au regard de l’intensité
des combats, de la complexité du phénomène du terrorisme et de l’extrémisme
violent, Dr Tounkara estime qu’il est extrêmement important d’élargir le champ
d’action du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité à d’autres
compétences. En occurrence à toutes les sciences sociales et humaines et aux
groupes d’expertises en lien avec la géopolitique et la géostratégie. Pour
l’expert au CE3S, c’est la somme de toutes ces compétences qui pourrait
permettre à l’État non seulement de redorer le blason informationnel, mais
aussi d’être présent constamment dans les champs de la communication.
Pour Abdoul Sogodogo, la guerre informationnelle constitue un défi majeur pour le Mali, tout en offrant une occasion de renforcer la résilience sociale et institutionnelle. «En élaborant des stratégies claires pour contrer la désinformation et en favorisant une communication efficace, le pays ait mieux préserver, son intégrité et sa cohésion dans cette phase du conflit», espère l’enseignant. Il conseille à chaque citoyen de prendre conscience de son rôle dans la lutte contre la désinformation, en s’engageant à vérifier les sources et à promouvoir un dialogue ouvert.
Souleymane SIDIBE
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